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Le faible niveau de sécurité de l’arbitrage d’investissement

Dans le document La déjudiciarisation de l'arbitrage OHADA (Page 164-168)

Chapitre II. L’improbable mise en œuvre de la déjuridictionnalisation

Section 1. Le scepticisme des Etats envers l’arbitrage

A. Le faible niveau de sécurité de l’arbitrage d’investissement

L’arbitrage est une merveilleuse création qui reste à parfaire. Les défaillances répertoriées se localisent principalement au niveau du contrat (1), de l’arbitre (2) mais aussi de la procédure elle-même (3). situations dans relations humaines, commerciales, sociales… . On le caractérise d’ailleurs comme étant un instrument juridique visant à organiser la vie économique et sociale. Pour le moins, le contrat reste d’une étrange simplicité en permettant de lier des personnes physiques ou morales ou même les deux par des règles contraignantes.

Pour exécuter certaines missions ou travaux publics, les Etats n’hésitent pas à faire appel à des partenaires privés étrangers. Ces derniers établissent de commun accord avec les Etats un contrat définissant chacune des obligations qui incombent aux différentes parties. A la survenance d’un litige, sur la base de ce contrat, appuyé par un traité bilatéral d’investissement (TBI), l’une des parties peut saisir un tribunal arbitral.

L’évolution des rapports entre les différents acteurs sociaux force à relativiser la simplicité du contrat. C’est le cas notamment des contrats liant des personnes de droit privé à celles de droit public. Les partenariats public-privé (PPP)451 naissent des besoins de développement des Etats. Comme son nom l’indique, ils impliquent dans une relation contractuelle des personnes morales de droit public à des personnes privée. On retrouve ces contrats dans les grands secteurs à l’exemple de la construction d’infrastructures routières, l’industrie, le transport, l’énergie. L’un des intérêts de ce type contrat est « la possibilité de mettre en concurrence exante plusieurs opérateurs privés pour avoir accès au marché, le caractère monopolistique de ces industries

449J.M. MOUSSERON, Technique contractuelle, éd. Lefrebvre, Paris 1988, p. 17.

450Sur les modes d’appréhension du temps par les contractants, lire I. R. MAC-NEIL, The new social.

An inquiry into modern contractual relations, New Haven & Londres, Yale Univ, press., 1980 et le C.R. Clunet, 1983. 960. Comp. Sur les diverses dimensions temporelles de l’action, Le droit et le futur, coll. « Trav. et rech. Univ. Paris II », PUF, 1985.

451On parle d’accord de franchise bidding dans la littérature anglo-saxonne.

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empêchant toute concurrence direct sur le marché entre plusieurs producteurs » font remarquer deux auteurs452.

Quel que soit le type de contrat, les acteurs en présence et leurs qualités, les effets du contrat restent les mêmes, c’est-à-dire l’obligation d’exécution des obligations contractées. En d’autres termes, les stipulations des parties revêtent un caractère intangible qu’aucune des parties de doit transgresser. L’intangibilité des promesses reste la sécurité que le droit des contrats garantie explique Georges ROUHETTE453 et c’est bien là, la problématique des contrats dans l’arbitrage d’investissement. Même si les différents instruments contractuels prévoient des modifications en cours d’exécution du contrat, dans la pratique, l’entente reste difficile à conclure. La difficulté de trouver un compromis entre les protagonistes réside sur les éléments facteurs de la modification.

De fait, les Etats ou les collectivités territoriales n’ont pas les mêmes objectifs, les mêmes motivations ni les mêmes pressions que les personnes privées qui, elles ne suivent qu’une logique économique : la rentabilité. La personne morale de droit public doit prendre en compte dans la négociation du contrat, les éléments sociaux, économiques, politiques, environnementales. Or, ces derniers ne sont pas figés, ils évoluent dans le temps. La grande difficulté réside donc dans la modification du contrat en raison de la fluctuation d’un de ces paramètres. En dépit de la bonne foi du cocontractant, il est difficilement acceptable de modifier un même contrat trois fois en raison du changement des facteurs dessus énumérés d’autant plus qu’ils ne changent pas tous au même moment. De plus, le contrat étant par définition un accord de volonté, le partenaire privé peut tout à fait refuser les nouvelles clauses s’il les juge en sa défaveur. La résiliation unilatérale du contrat par le partenaire public entrainera inévitablement un litige qui au mieux se soldera par le paiement des dommages et intérêts au partenaire privé.

Pour exemple, le Gabon est en procédure arbitrale avec le groupe Véolia de France devant le CIRDI. Il est reproché à l’Etat gabonais d’avoir retiré la concession sur la production et la distribution de l’eau accordée à Véolia. Pour sa défense, l’Etat explique que le groupe n’a pas réalisé en vingt ans de concession, l’approvisionnement en eau potable dans tous les foyers gabonais. Est donc pointé, un sous-investissement de la multinationale dans son secteur. Dans ce litige, nous avons affaire à une situation évolutive. En vingt ans, la population du Gabon a connu une augmentation. Or le contrat passé avec le groupe Véolia tenait compte de la population présente au moment

452E. CHONG, F. HUET, « Partenariat public-privé et investissements de fin de contrat : le cas de l’eau en France », Recherches économiques de Louvain 2010/4 (Vol. 76), p. 413-448.

453 G. ROUHETTE, « La révision conventionnelle du contrat » in Revue internationale de droit comparé, Vol. 38, n° 2, avril-juin 1986. Etudes de droit contemporain. Contribution française au 12e Congrès international de droit comparé (Sydney-Melbourne, 18-26 août 1986), pp. 369-408.

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de la signature de l’accord et non celle future. A décharge pour Véolia, la desserte en eau potable pour tous les foyers aurait exigée des investissements colossaux pour le groupe.

Ce genre de contentieux (liés au sous-investissement) met au grand jour l’une des faiblesses des PPP. De fait, l’opérateur en place peut être moins tenté à investir dans de nouvelles infrastructures pour deux raisons principales : la durée du contrat qu’il a conclu ne lui garantit pas un amortissement et un bénéfice au terme du temps ou encore quand bien même il engagerait les dépenses d’investissement, il n’est pas sûr que son contrat sera prolongé.

C’est donc la rigidité du contrat qui est source de réticence des Etats. L’idéal pour eux serait une flexibilité du contrat qui autoriserait une révision en fonction des mouvements politico-socio-économique voire environnementaux sans réel impact financier. La question qui se pose est alors de savoir si un tel équilibre est possible.

Parler des cas d’insuffisance d’investissement…

2. L’hostilité des Etats vis-à-vis des arbitres

Il est paradoxale que l’Etat émette des doutes envers l’arbitre sensé trancher le litige qui l’oppose à un investisseur privé. De fait, en acceptant d’aller à l’arbitrage avec une personne privée, l’Etat renonce non seulement à son immunité de juridiction, mais également marque son consentement à la renonciation des tribunaux étatiques.

L’hostilité dénoncée ici ne s’apprécie pas au regard de la rigueur dans l’application de la loi pour trancher le litige. Il ne s’agit non plus de remettre en cause les obligations d’impartialité et d’indépendance454 qui doivent guider chaque arbitre ou encore le principe d’égalité entre les parties455, mais plutôt évoquer un problème de technicité, de doigté que devrait avoir l’arbitre lorsqu’il vide un contentieux ayant pour partie une personne morale de droit public. complexes aux enjeux énormes qui dépassent bien souvent le contexte dans lequel le contrat était conclu. Cette situation provoque réticence des Etats vis-à-vis des arbitres.

454Art 7 alinéa 3 de l’AUA.

455Art 9 de l’AUA.

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L’arbitrabilité des litiges d’ordre administratif n’est pas ancienne. Aussi, les arbitres ne sont pas habitués à statuer sur de tels litiges à l’instar des juges administratifs qui eux en font leur corps de métier. L’arbitre se retrouve donc avec un litige qui outrepasse ses compétences. Cette situation est aux antipodes des exigences de l’arbitrage qui requiert que l’arbitre désigné pour trancher le litige soit spécialiste de la problématique en présence.

En France par exemple, les parties ont la latitude de prévoir dans la convention d’arbitrage que les arbitres qui seront choisis soient détenteurs de certaines qualités ou connaissances particulières, nécessaires pour trancher en toute sérénité le contentieux.

Les litigants peuvent de ce fait exiger que l’arbitre de leur litige soit d’une profession précise, par exemple un juriste. Il n’est pas faux qu’un minimum de connaissance de droit dans un contentieux ayant pour partie une personne morale de droit public est bien accueilli. Ils peuvent également demander que l’arbitre dispose de connaissances spécifiques dans le domaine comme dans l’arbitrage de qualité tout en évitant de tomber dans les travers de toutes formes de discrimination comme l’a rappelé un arrêt de la Cour suprême du Royaume-Uni .

Dans le cas de l’arbitrage OHADA, bien que le choix des arbitres incombe aux parties, et même si le texte régional reste muet sur cette question, il n’en demeure pas moins qu’un minimum d’exigences leur est tacitement imposé pour garantir une meilleure administration de la justice, question de bon sens. On ne peut pas dire à ce niveau que les arbitres remplissent ces conditions de qualification pour prétendre trancher des litiges ayant pour partie des Etats ou des collectivités territoriales…

Souvenons-nous que l’arbitrage d’investissement ne vient que d’être intégré dans l’acte uniforme. A ce jour, aucun arbitrage n’a encore été rendu en la matière. Il n’existe donc pas de spécialistes pour pouvoir trancher de genre de litige.

Au demeurant, exiger que ce soit des professionnels du contentieux administratif qui tranchent des litiges entre les personnes de droit privé et celle de droit public suppose deux hypothèses : que ce soit des magistrats à la retraite de l’ordre administratif qui puissent devenir arbitre ou que l’on forme des arbitres spécialisés dans les conflits d’investissement. Dans le premier cas, il est fort peu probable que les magistrats à la retraite puissent venir assumer de telles fonctions. L’âge de départ à la retraite étant assez retardé, les personnes admises à faire valoir leur droit à la retraite préfèrent se reposer. Les candidats à cette nouvelle aventure seront bien peu nombreux et donc asphyxiera les volontaires en imposant une masse de travail conséquente.

Quant à la seconde option, il faudra la mettre en œuvre. En attendant, il manquera des arbitres qualifiés pour ce genre d’arbitrage.

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3. Le niveau de sécurité de la sentence arbitrale

Une autre des faiblesses congénitales à l’arbitrage et qui visiblement n’est pas du goût des Etat est le niveau de sécurité qu’offre la sentence issue d’un arbitrage

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