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Les SLA où la fonction de liaison s’exerce en situation difficile 101

4.   LA VARIABILITÉ DE LA FONCTION DE LIAISON EN FONCTION DU TEMPS ET DU LIEU 71

4.3.   La mise en œuvre de la fonction de liaison dans les SLA 83

4.3.3.   Les SLA où la fonction de liaison s’exerce en situation difficile 101

Tous les OC rencontrés en entrevue ont identifié des interventions de liaison dans l’un ou l’autre mandat de leur pratique, cependant tous n’affichent pas la même satisfaction quant aux conditions de cette pratique. Dans ce troisième groupe de SLA, les OC font état de résultats à portée plus limitée notamment du fait de l’absence d’engagement institutionnel, mais aussi de difficultés vécues dans le milieu. Les SLA Du Fleuve et Des Bois affichent des initiatives locales concertées, mais les intervenants rencontrés estiment insuffisante la portée de leur intervention. Ils n’arrivent pas à obtenir un engagement de la direction de leur CSSS en développement des communautés de telle sorte que l’exercice de la fonction de liaison est en situation plus difficile.

Un troisième SLA sur le territoire Des Fermes ne pouvait compter sur le soutien d’une ou un OC puisque le poste était dépourvu de titulaire au moment de la collecte de données. Le CSSS n’arrivait pas à y installer quelqu’un de façon stable parce que l’étendue du territoire crée un contexte favorisant la mobilité du personnel d’un territoire de CLSC à l’autre. Sur le territoire Des Fermes, c’est le partenaire communautaire qui assume en partie les fonctions de liaison. Impossible donc de parler de l’exercice d’une fonction de liaison par un OC. Cependant deux entrevues réalisées, l’une avec la directrice de la CDC et l’autre avec la directrice générale adjointe du CSSS, permettent de confirmer l’existence d’un SLA et d’un redressement de la situation en cours quant aux services d’organisation communautaire. L’information a cependant été obtenue trop tard pour solliciter une entrevue avec un des nouveaux OC.

4.3.3.1. Le SLA Du Fleuve

Sur le territoire du SLA Du Fleuve, l’intervention du CSSS en développement des communautés a soulevé de sérieuses difficultés. Dans le prolongement de la caractérisation des communautés, le CSSS a organisé une rencontre à l’occasion de laquelle le DG a précisé qu’à titre de responsable, avec le réseau local de services, de la coordination « de la prévention en agissant sur les déterminants de la santé […] le CSSS souhaite s’investir activement dans le développement de nos communautés » (CSSS, 2011 : 1). Cependant,

l’organisation de l’événement n’a pas pris en compte le travail réel sur le terrain. Les partenaires ont été sollicités à la dernière minute alors qu’ils auraient dû participer à la décision de tenir un tel événement : « Elle a été un peu difficile cette rencontre-là dans la préparation parce qu’on expliquait au DG : “Si tu veux faire ça, commence par ne pas être tout seul en avant”. Ça a été bien difficile. En tout cas, nous autres on a travaillé très fort. Ça a été dur, même ça a été conflictuel avec notre patronne immédiate » (O719).

Cette façon de faire de la direction du CSSS a renforcé la méfiance du milieu communautaire : « Ils se sont servis de notre nom pour regrouper le monde » (C720). L’impression laissée par cette rencontre, c’est qu’elle sera sans suite : « On ne mobilise pas du monde pour mobiliser du monde. Il faut avoir un objectif précis. C’est là qu’on accroche avec la direction du CSSS » (A721). D’autant que le CSSS s’était déjà un peu brulé en ne donnant jamais suite à la mobilisation qu’il avait organisée autour de ses projets cliniques : « Ça fait quatre ans de ça, on n’a jamais redonné de feed-back là-dessus. On n’est jamais revenus sur les plans d’action que l’on s’était donnés. On n’a jamais fait un compte-rendu » (O719). Un événement comme celui-là renforce le scepticisme face à ce qui semble une mode plutôt qu’un mode d’intervention du réseau de la santé et des services sociaux : « Des fois on a l’impression que cette démarche de développement des communautés est là parce que c’est exigé […] qu’ils veulent organiser l’événement pour organiser l’événement, pour démontrer qu’ils se sont penchés là-dessus » (A721). Le CSSS passe le message qu’il organise l’événement uniquement pour « répondre à une obligation légale » alors que « le développement des communautés ce n’est pas un dossier, c’est une attitude. C’est une chose à laquelle il faut que tu croies » (O719).

À ce niveau de tensions entre la direction du CSSS et le milieu s’ajoutent des rapports difficiles entre le représentant du milieu communautaire et la direction du CSSS, rapports qui ont des racines dans une bataille contre la fermeture de l’extension locale de la clinique d’urgence du CSSS. La personne qui assume la coordination de la CDC, milite dans un parti politique et a travaillé à la mobilisation contre la direction du CSSS au moment de cette décision. Il a notamment dénoncé la direction parce que les gens du personnel qui s’affichaient avec ceux qui voulaient garder l’urgence ouverte « avaient des téléphones de leur patron : “Tu n’as pas le droit, il faut que tu sois fidèle à ton entité” » (C720). Il est resté des traces de cet affrontement et une amertume certaine du coordonnateur de la CDC à l’égard de l’institution : « Les gens sont pour la corporation du CSSS avant la population, ils se défendent tout le temps » (C720).

Ces rapports tendus persistent autour des enjeux de financement des organismes communautaires. L’exemple c’est le financement du salaire de l’intervenante de la maison des jeunes dans le secteur sud du territoire : « Il n’y avait pas de maison des jeunes dans sept municipalités et par compassion, elle a dit “OK je vais m’en occuper”. Elle reçoit 13 000 $ ou 14 000 $ par année pour s’occuper de sept municipalités. Juste

l’essence… c’est un grand territoire » (C720). La table des partenaires du CSSS gère le Fonds de partenariat qu’elle doit attribuer à chaque année à des organismes communautaires avec la contrainte que cela ne doit pas servir au financement de base, lequel doit provenir du Programme de soutien aux organismes communautaires (PSOC) administré par l’Agence : « Encore une fois, il faut que ça soit de nouveaux projets et c’est non récurrent » (C720). Il faudrait donc que la table des partenaires déroge à cette règle pour que les ressources jeunesses obtiennent le soutien requis. Les OC ont pris position : « Nous autres, dans notre connaissance du territoire on sait que les organismes jeunesse jouent un rôle considérable dans le sud de la MRC, au service de clientèles vulnérables. Ils sont déjà fragiles au niveau du financement de leur mission de base. Donc avant d’élargir le fonds partenaires, nous autres on souhaite consolider les organismes » (O719). Ils ont donc préparé une lettre en ce sens adressée à l’Agence afin qu’elle autorise à subventionner les cinq organismes jeunesse qui se partageaient jusque là environ 80 000 $ par année provenant de ce fonds. La lettre demandait aussi « qu’ils bonifient un peu le financement de base des organismes jeunesse au moins de l’équivalent de ce qu’ils allaient chercher depuis les dix dernières années dans ce fonds-là. […] Et là on s’est fâchés parce que la maudite lettre, notre DG n’a pas voulu la signer » (O719). Quels que soient les motifs du refus, il vient cristalliser des rapports difficiles entre le CSSS et ses partenaires communautaires. Pour l’OC, il y a une contradiction entre la préparation à l’interne d’une politique de développement des communautés et le refus de signer une lettre pour « dire comme partenaires que notre réalité de terrain c’est ça et on souhaite s’assoir avec l’Agence pour voir comment on peut organiser ça avant d’élargir. Et notre établissement ne la signe pas ! » (O719). Pour le représentant du communautaire cela démontre les préjugés envers des organismes que le CSSS dit être ses partenaires : « IIs ne veulent pas nous appuyer parce qu’on demande de réajuster les financements […] : “Non, le milieu communautaire en reçoit trop” » (C720).

Le SLA Du Fleuve regroupe deux territoires de MRC défavorisées, desservies par un même CSSS. Notre collecte de données a porté sur une seule de ces deux MRC, où interviennent des OC et des ADR qui collaborent bien, mais dont l’action est affaiblie par :

 Une notable absence d’appui institutionnel de la part du CSSS qui ne se comporte pas en partenaire loyal selon nos informateurs ;

 Une critique acerbe du porte-parole du milieu communautaire à l’égard des partenaires institutionnels, y compris les OC ;

 Une approche territoriale conjointe des OC et des ADR, mais en marge du CSSS.

4.3.3.2. Le SLA Des Bois

Le SLA Des Bois est desservi par une OC d’expérience dont l’amertume exprimée durant l’entrevue correspond à un manque d’appui institutionnel et communautaire : la directrice a refusé formellement d’accorder une entrevue dans le cadre de la recherche et la réponse du milieu communautaire a aussi été

négative. S’agit-il d’une position d’établissement qui s’occupe peu des liens avec son milieu sur le plan communautaire comme le laisse entendre l’entrevue ou bien s’agit-il d’un conflit d’orientation entre la direction et l’OC ? Il aurait fallu rejoindre d’autres informateurs pour y répondre. À cette situation s’ajoutent des blocages sur le plan municipal, notamment parce que les élus de la MRC ne partagent pas une même appartenance au territoire. Enfin le CLD est soumis à des contraintes qui rendent les collaborations difficiles :

Nous autres on avait un mandat […] de consulter les communautés pour faire un état de situation et éventuellement regarder un plan de développement. Alors on s’est mis ensemble [OC et ADR] et on a fait une première consultation dans un village. […] Bien ça a été court- circuité parce que le CLD a reçu le mandat de faire tout de suite, rapidement, […] des plans d’action locale pour trois municipalités dévitalisées : […] « Vous avez trois mois pour faire un plan d’action et mettre sur pied un comité de développement ». Comme les ressources locales ne sont pas équipées pour faire ça, le CLD a engagé une coopérative de consultants pour faire les consultations des trois municipalités. (O825).

Le contexte est relativement stérilisant en termes de concertation pour le développement. Cependant l’expérience professionnelle de l’OC et sa résidence sur le territoire lui permettent de contribuer à des projets particuliers en soutien ou en initiative communautaire. L’exemple le plus frappant est certes celui de la restauration d’un bien patrimonial, réalisée en mode partenarial et dans une perspective de développement des communautés.

En 1949, le sanatorium où loge maintenant le CSSS a reçu en don un piano de concert. À cette époque, l’établissement avait une salle de concert et les artistes venaient y donner des concerts. Malheureusement l’instrument a par la suite été entreposé sans précaution. Le comité historique du CSSS dont fait partie l’OC, a décidé de faire la restauration du piano aujourd’hui évalué à 20 000 $ et de « le mettre à la disposition de la communauté moyennant location » (O825). Le comité responsable du projet réunit le CLD, la municipalité, la fondation du CSSS et des bénévoles intéressés. « On a réussi à trouver 7 000 $ pour la restauration mécanique » (O825) : une première tranche de 3 000 $ est venue de la Caisse Desjardins et le comité a préparé avec la collaboration du comité culturel local un concert bénéfice pour amasser les 4 000 $ manquant. Une fois le piano restauré, l’idée était d’en faire un levier de développement culturel.

Il y a dans la localité une religieuse qui donne des cours de piano à une quarantaine de personnes, majoritairement des jeunes : « Ses étudiants gagnent les premiers prix de tous les concours […] personne ne sait ça » (O825). Au nombre de ses élèves, la fille de la pharmacienne « qui est une femme d’affaires avertie et dynamique » (O825). Apprenant la restauration du piano, elle informe l’OC que la religieuse « serait peut- être intéressée à offrir à ses étudiants une expérience de scène après chacune des sessions, donc deux fois par année » (O825). Elle propose aussi de déplacer le piano qui n’avait pas d’entreposage convenable au CSSS, au « centre des arts et de la culture, un édifice restauré avec une vraie salle de spectacle » (O825), ce que la direction du CSSS accepte. « Alors on a fait une entente municipalité, centre de santé et Fondation du

Sanatorium » (O825) : le piano demeure la propriété du CSSS, il est assuré et entreposé sous clé dans un caisson protecteur sous la scène du centre culturel.

Est-ce que cet équipement pourrait devenir un levier de développement local ? Deux professeurs de musique dans les écoles sont titulaires des grandes orgues d’églises importantes de la région : est-ce que l’école ne pourrait pas offrir une concentration en musique et organiser des stages intensifs pour les jeunes musiciens ? « On a toute l’infrastructure dans la communauté et tous les premiers prix raflés. C’est juste de mettre ça en lien » (O825). L’école primaire est voisine du centre culturel : « ça peut être une pépinière de formation au niveau de la musique » (O825). Et l’OC de conclure : « Suite à la formation en développement des communautés, j’ai donné cet exemple-là : j’en fais du développement de communauté avec une restauration de piano » (O825).

4.3.3.3. Les agents de liaison dans les SLA Du Fleuve et Des Bois

Les OC de ces SLA exercent avec succès un rôle de liaison dans le cadre de projets qui ne bénéficient pas de l’appui de la direction de leur établissement. Dans le SLA Du Fleuve, l’OC collabore avec l’ADR dans le cadre de comités de développement dans lesquels ils interviennent avec des élus à l’échelle d’une municipalité. Les deux font la même analyse de la position ambigüe de la direction du CSSS. Une demande d’entrevue au supérieur immédiat de l’OC n’a reçu aucun écho. Dans le SLA Des Bois, la direction a refusé formellement d’accorder une entrevue. Dans les deux cas, il n’a donc pas été possible d’analyser le point de vue des directions, mais tout indique que leur attitude constitue un facteur problématique dans la mise en œuvre de la fonction de liaison.

4.4. Synthèse du chapitre sur la variabilité de la fonction de

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