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Les CSSS absorbent les CLSC 66

3.   MISE EN CONTEXTE HISTORIQUE 45

3.3.   La création des CSSS en 2003 : l’accent sur la centralisation 61

3.3.3.   Les CSSS absorbent les CLSC 66

Six mois après l’élection en avril 2003 d’un gouvernement du Parti Libéral du Québec, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Philippe Couillard, dépose deux projets de loi qui bouleversent en profondeur le réseau : le projet de loi 25 est intitulé Loi sur les agences de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux et le projet de loi 30, la Loi concernant les unités de négociation dans le secteur des affaires sociales et modifiant la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic. Les deux projets deviennent lois en décembre.

La première transforme les régies régionales en agences du ministère, avec le mandat de créer des réseaux locaux de service, et fusionne tous les établissements d’un territoire pour créer 95 centres de santé et de services sociaux (CSSS). Cela entraîne la modification de la majorité des territoires de première ligne qui offraient depuis la création des CLSC de bonnes conditions de mobilisation des populations. Répondant aux impératifs technologiques et pharmacologiques de la médecine et aux contraintes du vieillissement de la population, la fusion des établissements est présentée comme une façon d’assurer la continuité des services sur une base démographique assez large pour rentabiliser les hôpitaux et leurs lourds équipements. Les fusions sont présentées comme une façon de faciliter, en réduisant le nombre d’établissements, la gestion des nouvelles technologies et la rationalisation budgétaire du système public. Les CLSC passent du statut d’établissements autonomes au rang de mission particulière dans les nouveaux CSSS. La réforme a pour effet de placer le médical et les services de santé au poste de gouverne du réseau, minorisant les missions sociale et communautaire dont l’intégration faisait l’originalité des CLSC. Déjà en 2001, le diagnostic de la Commission d’étude présidée par Michel Clair pointait comme problèmes du réseau la continuité des services de santé et le préjudice qu’entraîne l’absence de communication entre les professionnels et entre les établissements. Le préambule présente le projet de loi 25 comme une réponse, en précisant que la Loi « vise,

par la mise en place d’une organisation de services de santé et de services sociaux intégrés, à rapprocher les services de la population et à faciliter le cheminement de toute personne dans le réseau de services de santé et de services sociaux » (Québec, 2003a).

La seconde loi crée quatre catégories de personnels forcées de se regrouper chacune dans une même unité d’accréditation. L’opération a pour effet de briser la capacité d’action syndicale en dépossédant les syndiqués du contrôle de leur organisation syndicale. Pour une période relativement importante, les solidarités sont ébranlées. Un rapport de la Direction de l’évaluation du MSSS note que cette démobilisation demeure « un enjeu important et le sentiment d’appartenance reste à construire dans certains CSSS » (MSSS, 2010 : IX). Mais c’est aussi la capacité de mobilisation des personnels qui est affectée :

L’inévitable alourdissement de la structure hiérarchique qu’entraîne la fusion des établissements est un facteur de démobilisation important qui, selon le personnel, joue à plusieurs niveaux (perte de proximité avec ses supérieurs, affaiblissement des modes de communication, effritement de l’autonomie professionnelle, transformation du mode de gestion davantage top- down). En effet tous les CSSS composent avec un personnel qui perçoit encore peu de

changements positifs à la fusion, qui déplore une hiérarchisation et une bureaucratisation accrues, « trop de marches à l’escalier » et peu d’effets sur le travail d’équipe et sur l’amélioration des services. (Idem : 45)

Le gouvernement a privilégié la rapidité comme mode de gestion du changement. Tous les établissements ont dû se restructurer autour de neuf programmes cadres établis par le MSSS et sont soumis à l’obligation d’élaborer des projets cliniques, le tout sans apport d’argent neuf. Les gestionnaires investissent prioritairement les ressources dont ils disposent dans l’atteinte des cibles prévues dans des ententes de gestion passablement contraignantes. Les projets cliniques qui sont un élément central de la réforme pour cimenter le réseau local de services, se butent, dans leur mise en œuvre, à l’absence de ressources pour soutenir leur appropriation et au poids déterminant des ententes de gestion qui limitent les marges de manœuvre locale.

Du côté de la Santé publique une nouvelle Loi adoptée en 2001 confie aux CLSC la mise en œuvre locale des programmes nationaux. Le Programme National de santé Publique 2003-2012 (MSSS, 2003) « franchit une

nouvelle étape et élargit l’organisation des activités à l’ensemble des problématiques qui font partie du champ d’action de la santé publique. » (Colin, 2004 : 194). Les programmes prennent de l’ampleur : Services

intégrés en périnatalité et pour la petite enfance à l’intention des familles vivant en contexte de vulnérabilité ;

approche École et milieux en santé ; 0-5-30 Combinaison prévention ; etc. Les CLSC, responsables de définir

localement la mise en œuvre du Programme national de santé publique (PNSP), deviennent ainsi une

contribution au développement de la responsabilité populationnelle des CSSS. Le développement des communautés et le soutien à « l’action intersectorielle favorable à la santé et au bien-être », jadis terrains privilégiés d’intervention en organisation communautaire, deviennent, avec la mise à jour 2008 (MSSS, 2008),

des stratégies d’action de la Santé publique. Sur ce terrain aussi l’idéologie des partenariats public-privé s’impose avec la création des sociétés de gestion dans lesquelles l’État devient partenaire de la Fondation Lucie-et-André-Chagnon (FLAC). Un tel choix « introduit la logique du marché et du contrat dans ses rapports avec les communautés » (Mercier, Panet-Raymond et Lavoie, 2011 :58). Cette Fondation, « en raison de la puissance de ses moyens lui permettant de dicter les choix gouvernementaux dans la mise sur pied de programmes, va modifier plus particulièrement la dynamique entre l’État et les organismes communautaires famille intervenant avec les jeunes enfants issus de milieux pauvres. » (Idem, 2011 : 57-58). Mais elle touche aussi, par le biais d’autres sociétés de gestion en partenariat public-privé, la persévérance scolaire (Réunir- Réussir) et le soutien aux personnes en perte d’autonomie (L’appui).

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