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La notion de liaison en organisation communautaire 14

1. PROBLÉMATIQUE DE LA RECHERCHE 9

1.2. Les écrits ayant traité des théories et concepts pertinents à l’étude de la fonction de liaison 14

1.2.1. La notion de liaison en organisation communautaire 14

Plusieurs écrits traitent de la notion de liaison en intervention collective, mais pas en tant que fonction des OC. Une fonction c’est « ce que doit accomplir une personne pour jouer son rôle dans la société, dans un groupe

social » (Petit Robert, 1989). Le concept renvoie donc à ce qui, dans la pratique professionnelle d’organisation communautaire, permet de produire des résultats. La fonction de liaison caractérise une pratique professionnelle qui « contribue à ce que les individus d’un groupe améliorent leur connaissance, leur compréhension et leurs contacts concernant les individus [d’un] autre groupe et inversement » (Liedholm et Lindberg, 2007).

Dans un texte sur l’« approche de liaison communautaire » (Community Liaison Approach) Taylor (1985)

précise qu’elle engage à des activités de relation avec la communauté : « Le dictionnaire définit la liaison comme “un lien ou raccord ; un maillage ; aussi, coordination d’activités ; coopération.” Cette définition comporte une dimension qualitative de relations qui élargit le travail communautaire au-delà du rôle secondaire que l’on attribue habituellement à cette pratique lorsqu’elle est le fait du personnel d’agences de services directs aux personnes » (Notre traduction de Taylor, 1985 : 201). L’auteur s’intéresse à la liaison non pas comme fonction, mais comme stratégie d’organisation communautaire, c’est-à-dire en tant que « manière d’envisager une problématique et de prévoir l’intervention appropriée » et « outil d’analyse des pratiques permettant de composer adéquatement avec les dynamiques présentes dans la communauté » (RQIIAC, 2010 : 40). Sa définition est toutefois intéressante dans la mesure où elle inscrit la liaison dans l’ordre de la responsabilité relationnelle d’un établissement avec son milieu. Elle fournit de ce fait une première caractéristique à la liaison : c’est une activité qui a un caractère politique.

Au niveau de la mise en œuvre de cette approche, Taylor propose trois principes essentiels : l’engagement, la compétence et la légitimité. L’engagement relève du caractère partenarial résultant non pas d’un choix individuel d’intervenant, mais d’une décision d’organisme d’établir des relations avec d’autres organismes de la communauté (Taylor, 1985 : 208). Du même ordre, la légitimité « tient à la promesse de s’appuyer sur des principes et des façons de faire démocratiques et de respecter les attentes et les droits des participants » de telle sorte que « les meilleurs intérêts du quartier ou de la communauté vont primer et que les participants vont réaliser des gains aussi bien dans le processus qu’au niveau des tâches » (Notre traduction de Idem : 210). La compétence doit être à la hauteur des environnements complexes qui caractérisent les communautés (Idem : 209). Elle renvoie moins à la dimension politique de la liaison qu’à l’intervention qui la rend possible. Kurzman (1985), dans un texte sur le développement de programmes dans les services sociaux, n’utilise pas la notion de fonction, mais identifie « cinq grands ensembles d’habiletés que l’organisateur communautaire ou le coordonnateur doit apprendre à maîtriser : les habiletés organisationnelles, stratégiques ou politiques, analytiques, relationnelles ou d’engagement et administratives ou gestionnaires » (Notre traduction de Kurzman, 1985 : 108). Certains de ces ensembles d’habiletés renvoient à la dimension politique de la liaison

(les habiletés stratégiques ou politiques, relationnelles ou d’engagement), les autres sont davantage d’ordre technique (habiletés organisationnelles, analytiques, administratives ou gestionnaires).

La capacité des intervenants de rallier les forces autour des intérêts d’une communauté et de maintenir leur collaboration repose sur un profil exigeant, proche des principes essentiels identifiés par Taylor : « L’autorité vient de l’expertise professionnelle, d’un sens reconnu de l’équité, et d’un esprit ouvert voire disposé à considérer comme un avantage le droit pour des organismes désignés d’occuper une place prépondérante dans la communauté » (Notre traduction de Kurzman, 1985 : 119).

Les ensembles d’habiletés de Kurzman donnent du relief à la fonction de liaison. C’est le cas d’une part des « habiletés stratégiques » qui permettent

de jauger les intérêts et engagements des parties à une transaction, d’identifier les sources internes et externes d’influence et de pouvoir, de renforcer la cohésion des appuis, et d’identifier les espaces de conflit et de convergence des intérêts entre les parties. En conséquence, s’impose la capacité de persuader aussi bien verbalement que par écrit, un talent de négociation, et une habileté à identifier des positions appropriées de compromis. […] De plus, le travailleur doit savoir définir une cible qui correspond aux enjeux centraux, ce qui inclut une évaluation des occasions et des contraintes reliées au contexte de la situation. (Notre traduction de Kurzman, 1985 : 109)

À ces habiletés stratégiques, s’ajoutent des habiletés techniques : « le travailleur communautaire doit savoir organiser et travailler correctement avec l’ensemble des buts, stratégies et ressources qu’il pourrait falloir harmoniser pour venir à bout du problème, et ensuite détailler les tâches à assumer, préciser par qui et avec quelles ressources. » (Notre traduction de Idem). Ajoutant qu’un tel profil pourrait ne pas correspondre à ce que l’on peut attendre d’une seule personne, il ajoute que cela conduit au « besoin d’une maîtrise progressive d’un ensemble d’habiletés qui se superposent et s’entrecroisent pour se réclamer d’une expertise professionnelle » requérant « non seulement une plus grande maîtrise mais aussi un plus large spectre et répertoire d’habiletés » (Notre traduction de Idem). Le potentiel de leadership de liaison, en ce qui nous intéresse, tient en fait à la « capacité conceptuelle de voir que l’ensemble est plus que la somme des parties et [à] la créativité pour entrevoir les possibilités au-delà des évidences » (Notre traduction de Idem).

Traitant d’organisation communautaire dans les services en santé mentale, Stoner (1985) propose une définition de la concertation (coordination) en termes de liaison (linkage) et identifie un certain nombre d’interventions qui la caractérisent :

On définit la concertation comme l’établissement de liens d’information et le partage de point de vue (opinion) entre des organismes et des établissements. Le but est de lier services et

personnes aussi bien que groupes et organismes dans un effort de partage d’information pratique et politique et d’établir des choix qui rejoignent les intérêts de plusieurs groupes. Souvent de telles liaisons entraînent des accords entre organismes et des changements dans les orientations de groupes particuliers. De tels accords reposent sur le consensus de telle

sorte que les organisateurs communautaires qui proposent la concertation ne peuvent faire usage de contrainte envers les groupes partenaires. (Notre traduction de Stoner, 1985 : 300)

Poursuivant cet intérêt pour les processus et les exigences de la concertation Bourque (2008) estime que « la circulation de l’information est une clé essentielle » et que c’est « la qualité de la démocratie délibérative qui permet que les questions soient débattues sur le fond et que chacun s’exprime » (Bourque, 2008 : 92). Il précise aussi qu’il faut « bien évaluer la période de temps requise pour obtenir des résultats » et pour que des rapports de confiance s’établissent entre les acteurs (Idem : 94). La fonction de liaison devrait assurer ce que Bourque considère être les facteurs de succès d’un partenariat : le caractère endogène, c’est-à-dire enraciné dans la réalité du milieu ; des rapports d’équité entre les partenaires ; et la capacité de « faire cohabiter entre elles des logiques, des approches d’intervention, et même des conceptions de la communauté qui sont souvent différentes » (Idem : 98). Il précise que les « compétences professionnelles à développer sont […] à la fois d’ordre méthodologique, mais aussi d’ordre stratégique et politique » (Idem : 108). Au niveau méthodologique, il mentionne la connaissance du milieu (Idem : 106) et l’animation efficace des réunions (Idem : 107). Au niveau stratégique et politique, il précise qu’il faut savoir « soutenir un processus d’évaluation globale d’un milieu donné » (Idem : 107), « bien saisir les enjeux pour les acteurs en présence », savoir gérer les conflits et négocier, mettre « à contribution des expertises » et élaborer des compromis, « composer avec la complexité des objectifs et l’imprévisibilité des comportements » et « assurer la vitalité » par la participation citoyenne (Idem : 108).

La liaison n’est pas définie par ces auteurs comme une fonction en organisation communautaire, mais comme stratégie d’intervention. Les interventions qui y sont reliées, sont décrites en termes à la fois stratégiques et techniques qui fournissent des indications sur ce que pourrait être la liaison en tant que fonction, c’est-à-dire ce que doit faire une ou un OC pour que s’établissent des rapports de collaboration entre les acteurs sociaux en vue du bien commun d’un milieu.

Sur le plan stratégique ou politique, la fonction de liaison renvoie à :

 La mise en œuvre d’un engagement d’organisme à établir des relations avec le milieu ou les organismes du milieu, ces relations pouvant s’établir sur le mode de la collaboration, de la concertation ou du partenariat ;

 Des façons de faire appuyées sur les attentes du milieu et favorables à la participation ;

 Une capacité d’identifier les intérêts particuliers voire divergents et de rallier autour de l’intérêt général tout en favorisant que chacun y trouve un intérêt.

Sur le plan technique, la fonction de liaison repose sur une compétence à la hauteur d’enjeux complexes, ce qui requiert des habiletés pour :

 Analyser correctement les enjeux de même que les intérêts et engagements des acteurs concernés, identifier les incitatifs et les irritants et faire en sorte de favoriser la cohésion ;

 Informer et convaincre, mais aussi gérer les conflits et amener les parties à des compromis ;

 Organiser, animer et soutenir, y compris en obtenant les ressources requises, les choix collectifs des parties.

1.2.2. L’approche socio-institutionnelle : un modèle d’intervention pour situer la

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