• Aucun résultat trouvé

L’organisation communautaire en CSSS à compter de 2004 77

4.   LA VARIABILITÉ DE LA FONCTION DE LIAISON EN FONCTION DU TEMPS ET DU LIEU 71

4.1.   Les changements de la fonction de liaison dans le temps 71

4.1.3.   L’organisation communautaire en CSSS à compter de 2004 77

Premier constat : « Les organismes communautaires se sont professionnalisés, alors ils n’ont plus nécessairement besoin de l’organisateur communautaire pour avoir les contacts et avoir les entrées » (O014). Du côté de la santé publique arrivent des outils plus raffinés de connaissance des milieux. Le soutien de nombreux projets collectifs relève d’agents divers rattachés à d’autres organismes que le CSSS (CDC, CLD, CRÉ, etc.). Arrive la création des CSSS : « On est dans une institution qui n’a jamais été aussi loin de ses communautés locales. Ils sont obligés de mettre sur pied un forum des partenaires » (O011).

Le virage de 2003 qui a fait disparaître les CLSC comme établissements autonomes et confié aux établissements fusionnés la responsabilité populationnelle de leur territoire, est perçu comme un net recul pour la liaison avec les communautés. Sur le terrain du développement des communautés, l’intégration au Programme national de santé publique (MSSS, 2008) soulève un questionnement : « Moi la perception que j’en ai, c’est que c’est beaucoup dirigé par en haut. Les intervenants n’ont peut-être pas une marge de manœuvre si grande que ça sur le terrain » (O014). On constate que « plus l’établissement grossit », « plus la tendance est d’amener les organisateurs communautaires dans les plates-bandes plus strictes du secteur de la santé et des services sociaux, les tables de concertation, les projets cliniques » (O012), oubliant que « dans une bonne partie de ce qu’ont été les CLSC, c’était la notion de prise en main par le milieu de sa santé et tout le volet social et même le volet économique » (O015). La posture professionnelle de l’OC qui « n’a pas d’intérêt particulier sinon l’intérêt du citoyen » (O014), ne va pas de soi. Dans les dossiers où se jouent des intérêts contradictoires, l’intervenant a besoin de la caution institutionnelle pour être efficace : « Moi, aussitôt que c’était “toutché”’, il était averti » (O013). Dans certains établissements les OC se rivent le nez parce que

cette condition fait défaut (O012). Il y avait dans les CLSC un rapport assez direct avec la direction générale qui a disparu avec la multiplication des échelons d’encadrement : « Le directeur général qui était dans ta boîte au CLSC […] tu pouvais manger avec lui, tu pouvais aller directement et tu pouvais être en réunion avec lui quelque part dans la communauté » (O011). Les fusions ont aussi entraîné l’arrivée de personnel d’encadrement peu familier avec des enjeux communautaires : « Un, c’est un personnel féminin ; deux, formé en nursing entièrement, donc où toutes les interventions étaient vraiment cliniques individuelles » (O014). Les programmes de santé publique imposent des contraintes à l’organisation communautaire : « C’est la santé publique qui essaie d’avoir la prise sur l’organisation communautaire et qui confie ses dossiers à l’OC », de telle sorte qu’il « manque de temps pour les autres besoins dans la communauté » puisque les cadres estiment que « ça là, il faut que ça passe. Le reste, si tu as du temps tu en feras du communautaire » (O013). Maintenant le développement des communautés « c’est beaucoup dirigé par en haut » (O014).

Cependant les programmes ne sont pas seulement des contraintes : « La politique de la ruralité nous a aidés à élargir la conscience des gens » (O011). Les programmes qui favorisent les approches de développement, sont intéressants : le « développement des communautés […] on a décidé, la très grande majorité des OC, d’embarquer là-dedans, de se servir de ça pour continuer à faire du pouce en développement local » (O011). Les actions concertées requises par la mise en œuvre de programmes sont des occasion de travailler avec d’« autres amis » voire en liaison avec l’ensemble des intervenantes et intervenants actifs sur un territoire (O011).

Dans le nouveau contexte des CSSS, avec le jeu des occasions et des contraintes, qu’advient-il de la fonction de liaison en organisation communautaire ? La première constatation, c’est que, en dépit des contraintes, les OC continuent à établir des liaisons entre les acteurs dans leurs milieux d’intervention : « Tu recommences avec le bâton de pèlerin auprès de la population, auprès des institutions locales, après ça auprès de la MRC » (O011). Ce savoir-faire professionnel est un atout pour les approches de programme, à condition qu’il puisse se déployer dans une relative autonomie : « Tant qu’il y a de l’espace pour travailler avec des citoyens, souvent peu importe l’objectif formel, notre habileté à développer des façons d’aller chercher les gens dans ce dont ils ont besoin, offre des opportunités de le faire » (O012). On continue d’habiliter les personnes regroupées à traiter avec les institutions de tous niveaux, de « les mettre en rapport avec des structures » et de les soutenir dans l’apprentissage des « interactions avec les différents niveaux de pouvoir, soit gouvernemental, ministériel ou local municipal ou même auprès des fondations d’organismes privés » (O012). Le transfert de connaissances voire de compétences caractérise ce type d’accompagnement : « Très nombreuses sont les activités, que ce soit à travers de l’accompagnement ou de la participation à des événements dans un milieu, qui nous ont fait passer des connaissance à la communauté, élargir les horizons » (O011).

Les démarches concertées de développement local durable relèvent de processus sociopolitiques complexes où la persévérance devient un facteur de réussite : « Finalement je pense que ce qui a eu gain de cause c’est à force de travailler avec les comités locaux de développement dans les petites municipalités. Eux autres, forcément, n’avaient pas que la dimension économique, mais abordaient toutes les questions de préoccupations sociales, communautaires, culturelles et autres dans les communautés » (O012). Les OC d’expérience, du fait de leur enracinement dans les communautés, continuent à exercer dans leur milieu une fonction de liaison pour la prise en compte de ces nouveaux enjeux : « On est allé plus loin que j’avais été avant. C’est que là, on a amené la question de l’environnement avec le social et l’économique et puis une projection dans un temps beaucoup plus long de construction d’un territoire » (O011).

Même si « l’organisation communautaire reste quand même, par rapport à l’ensemble des autres intervenants employés du CSSS, ceux qui ont le plus de marge de manœuvre » (O012), le contexte de renouvellement des effectifs entraîne l’arrivée de jeunes OC qui ne peuvent miser sur leur ancienneté pour assurer leur autonomie professionnelle. Peuvent-ils avoir les coudées franches dans des institutions qui souhaitent que leur allégeance aille « davantage à l’institution qu’à la communauté » (O011) ? Cette question soulève d’autant plus d’inquiétude que « les jeunes avaient tendance à avoir une relation individuelle avec le cadre » notamment pour avoir quelques avantages en termes d’organisation du travail, mais aussi parce qu’ils sont répartis dans les différents programmes plutôt que regroupés dans une équipe offrant du soutien professionnel : « Il faut rester une équipe, il faut rester soudés, très ouverts, très transparents entre nous autres. Et il ne faut pas craindre de discuter de nos stratégies » (O011). Un autre facteur favorable, c’est la liaison avec les autres agents de développement sur un même territoire : « ça a été une évolution ça nous autres de se créer ce groupe, ce réseau d’agents développement » car cela permet d’élargir l’accès au pouvoir, « que ce soit les maires, les conseillers, les conseils d’administration des institutions du type CLD, SADC, commission scolaire, etc. » (O011).

Le contexte rend plus complexe l’exercice de la fonction de liaison. Il comporte des contraintes nouvelles, mais ce n’est pas la première fois que les OC sont en situation de faire évoluer leurs pratiques en fonction de l’évolution de la conjoncture. Si l’entrevue de groupe a permis d’identifier des inquiétudes, elle a aussi mis en évidence des occasions de développer des pratiques de liaison dans le contexte d’intervention des CSSS. En fait, les OC sont en relations avec les organismes et la population d’un territoire et interviennent dans un système local d’action (SLA) qui offre plus ou moins de facilités, mais qui constitue toujours le milieu dans lequel il est possible de susciter ou soutenir des liaisons. C’est ce territoire comme espace de pratique de la fonction de liaison que la prochaine section se propose d’explorer.

Outline

Documents relatifs