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Être passeur : la fonction de liaison en organisation communautaire

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Academic year: 2021

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ÊTRE PASSEUR

La fonction de liaison en organisation communautaire

Thèse

René Lachapelle

Doctorat en service social

Philosophiae Doctor (Ph.D.)

Québec, Canada

© René Lachapelle, 2014

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RÉSUMÉ

Depuis la création des centres locaux de services communautaires (CLSC), les organisateurs et organisatrices communautaires (OC) ont exercé une fonction de liaison qui s’est transformée au fil des diverses périodes de mise en œuvre de l’approche communautaire de ces établissements. Durant le déploiement du réseau des CLSC (1972-1985), les OC ont contribué à la liaison de leurs services avec le milieu d’intervention. Durant la période d’institutionnalisation (1986-2003), ces pratiques de liaison ont été mises au service de démarches de concertation autour des enjeux sociaux et de santé. La thèse explore ces transformations et répond à la question de ce qu’est devenue, depuis 2004, la fonction de liaison dans le cadre de la responsabilité populationnelle des centres de santé et de services sociaux (CSSS).

Les fonctions constituent un angle mort de la littérature québécoise et nord-américaine sur l’organisation communautaire. Les auteurs ont abordé la liaison comme approche au service des relations entre les établissements de services et les communautés. Les écrits ne fournissent qu’un aperçu des habiletés et compétences requises pour pratiquer la fonction de liaison. La recherche, réalisée selon la méthodologie de la théorisation enracinée, a été réalisée sous forme d’entrevues mettant à contribution les expériences d’OC et d’agents de développement rural (ADR) intervenant dans huit systèmes locaux d’action (SLA) d’une même région, et ce qu’en disent des acteurs avec lesquels ils sont en lien : intervenants du milieu communautaire et directions de CSSS et de MRC. Les résultats de l’analyse de ces données sont présentés en trois chapitres portant sur la variabilité de la fonction de liaison selon les époques et les SLA, les rapports avec les acteurs locaux et régionaux dans les pratiques de liaison et une proposition de définition de la fonction de liaison. La fonction de liaison s’inscrit dans la dimension politique de l’action collective et repose sur l’exercice de cinq compétences pratiques : connaître le milieu, mobiliser les acteurs, garantir la cohésion du SLA, démocratiser les rapports au pouvoir et rendre accessibles les ressources pour la réalisation des actions.

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ABSTRACT

Since the creation of Local Community Service Centres (CLSC), community organizers (OC) have implemented a liaison function that has changed according to the various periods of implementation of the community approach that characterizes these institutions. During deployment of the CLSCs network (1972-1985), the OCs supported the linkage of services and community. During the institutionalization period (1986-2003), these practices moved to the support of collaborative approaches around social and health issues. The thesis explores these changes and answers the question of what has become since 2004 the liaison function within the framework of population-based responsibility of Health and Social Services Centres (CSSS). Functions are a blind spot in Quebec’s and North America’s literature about community organizing. Authors discussed the Community Liaison Approach and Social Planning Model, but literature provides mainly an overview of skills and competencies required to perform the liaison function. Carried out according to grounded theory methods, the research was conducted through interviews with OCs and rural development agents (ARD) involved in eight local action systems (SLA) located in a same region, and with social actors with whom they are linked: community stakeholders, and directors of CSSSs and MRCs. The results of the analysis of these data are presented in three chapters on the variability of the liaison function over time and SLAs, relations with local and regional stakeholders in liaison practices, and a proposed definition of liaison function. Liaison function is in keeping with the political dimension of collective action and is based on five skills: knowing the community, mobilizing stakeholders, ensuring the cohesion of the SLA, democratizing relations with authorities, and making resources accessible for the implementation of actions.

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TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ... I

 

ABSTRACT ... V

 

TABLE DES MATIÈRES ... VII

 

LISTE DES TABLEAUX ... XI

 

LISTE DES FIGURES ... XIII

 

LISTE DES ABRÉVIATIONS ET DES SIGLES ... XV

 

REMERCIEMENTS ... XVII

 

INTRODUCTION ... 1

 

1. Origine de la recherche ... 2

 

2. Brève mise en contexte ... 3

 

2. Visée et buts de la recherche ... 4

 

4. Structure de la thèse ... 5

 

1. PROBLÉMATIQUE DE LA RECHERCHE ... 9

 

1.1. Les travaux empiriques réalisés au Québec et ayant traité de l’organisation communautaire et de ses fonctions ... 9

 

1.2. Les écrits ayant traité des théories et concepts pertinents à l’étude de la fonction de liaison ... 14

 

1.2.1. La notion de liaison en organisation communautaire ... 14

 

1.2.2.

 

L’approche socio-institutionnelle : un modèle d’intervention pour situer la fonction de liaison ... 18

 

1.2.3. La territorialisation des ressources de développement ... 23

 

1.2.4. Le choix d’une théorie du changement social ... 25

 

1.3.

 

La structure conceptuelle de la recherche ... 30

 

1.4.

 

Les questions spécifiques de la recherche ... 32

 

2. MÉTHODOLOGIE ... 33

 

2.1.

 

Une approche qualitative ... 33

 

2.2.

 

La méthodologie de la théorisation enracinée (MTE) ... 34

 

2.3.

 

Les entrevues ... 35

 

2.4.

 

Le mode de recrutement des informateurs ... 36

 

2.5.

 

Les règles d’analyse : dimensions, catégorisation et outils d’analyse ... 40

 

2.6.

 

La territorialité des interventions : les systèmes locaux d’action (SLA) ... 42

 

2.7.

 

Les considérations éthiques ... 44

 

3.

 

MISE EN CONTEXTE HISTORIQUE ... 45

 

3.1.

 

Les débuts des CLSC de 1972 à 1985 : la transition d’un État entrepreneur à un État partenaire ... 46

 

3.1.1.

 

Des groupes populaires aux groupes communautaires ... 46

 

3.1.2.

 

Une période faste de politiques sociales québécoises ... 47

 

3.1.3.

 

Les CLSC : une innovation qui inquiète ... 48

 

3.1.4. Les OC et l’héritage de l’animation sociale ... 50

 

3.2.

 

La structuration des CLSC de 1986 à 2002 : l’État partenaire prend de l’ampleur ... 53

 

3.2.1. La reconnaissance de l’action communautaire et de l’économie sociale et la lutte contre la pauvreté ... 53

 

3.2.2. Une alternance de reculs et de développements des politiques sociales ... 55

 

(8)

3.2.4.

 

Le développement des communautés comme espace de liaison ... 60

 

3.3.

 

La création des CSSS en 2003 : l’accent sur la centralisation ... 61

 

3.3.1.

 

L’action communautaire se professionnalise et les programmes favorisent le financement par projet ... 61

 

3.3.2.

 

Le contrôle de la gestion des programmes passe aux élus locaux ... 63

 

3.3.3.

 

Les CSSS absorbent les CLSC ... 66

 

3.3.4.

 

Exercer la fonction de liaison en contexte de responsabilité populationnelle ... 68

 

3.4.

 

Une fonction qui se transforme ... 70

 

4.

 

LA VARIABILITÉ DE LA FONCTION DE LIAISON EN FONCTION DU TEMPS ET DU LIEU ... 71

 

4.1.

 

Les changements de la fonction de liaison dans le temps ... 71

 

4.1.1.

 

Les débuts de 1972 à 1985 : installer une nouvelle institution dans son milieu ... 71

 

4.1.2.

 

Le développement des communautés 1986 – 2003 ... 74

 

4.1.3.

 

L’organisation communautaire en CSSS à compter de 2004 ... 77

 

4.2.

 

Profil des SLA ... 79

 

4.3.

 

La mise en œuvre de la fonction de liaison dans les SLA ... 83

 

4.3.1.

 

Les SLA et le développement des communautés ... 83

 

4.3.2.

 

Les SLA leaders de la mise en œuvre du Plan d’action gouvernemental pour la solidarité et l’inclusion sociale (PAGSIS) ... 92

 

4.3.3.

 

Les SLA où la fonction de liaison s’exerce en situation difficile ... 101

 

4.4.

 

Synthèse du chapitre sur la variabilité de la fonction de liaison ... 105

 

5. LA FONCTION DE LIAISON, LES ACTEURS DES SLA ET L’ACCÈS AUX RESSOURCES EXTERNES 109

 

5.1.

 

Les institutions locales ... 109

 

5.1.1.

 

Les directions des cinq CSSS ... 110

 

5.1.2.

 

Les représentants des organismes communautaires ... 115

 

5.1.3.

 

Les élus dans les SLA : municipalités, MRC et CRÉ ... 118

 

5.2.

 

Les ressources externes aux SLA ... 122

 

5.2.1.

 

Les programmes nationaux de développement des communautés ... 123

 

5.2.2.

 

Les programmes des sociétés de gestion de la Fondation Lucie-et-André-Chagnon ... 126

 

5.3.

 

Les SLA comme espaces d’hybridation des programmes ... 129

 

6.

 

LA PRATIQUE DE LA FONCTION DE LIAISON ... 131

 

6.1.

 

La dimension politique de la fonction de liaison ... 131

 

6.2.

 

Les dimensions pratiques de la fonction de liaison ... 135

 

6.2.1.

 

Connaître le milieu ... 135

 

6.2.2.

 

Mobiliser les acteurs ... 137

 

6.2.3.

 

Garantir la cohésion ... 143

 

6.2.4.

 

Démocratiser les rapports au pouvoir ... 145

 

6.2.5.

 

Rendre les ressources accessibles ... 148

 

6.3.

 

Une définition synthèse de la fonction de liaison comme pratique d’OC ... 149

 

6.4.

 

Les conditions d’exercice de la fonction de liaison ... 151

 

6.4.1.

 

L’autonomie professionnelle des OC en CSSS ... 151

 

6.4.2.

 

La complémentarité des expertises ... 154

 

6.4.3.

 

Les communautés de pratique ... 156

 

CONCLUSION ... 159

 

(9)

7.1.1.

 

Rappel de la démarche ... 159

 

7.1.2. Les résultats de la recherche ... 163

 

7.2.

 

La fonction de liaison et les leaderships des acteurs dans les SLA ... 168

 

7.2.1.

 

Les leaderships institutionnel et politique ... 168

 

7.2.2.

 

Les leaderships communautaire et citoyen ... 170

 

7.2.3.

 

La fonction de liaison et l’exercice démocratique des leaderships ... 171

 

7.3.

 

La contribution de la recherche et les perspectives ... 172

 

7.3.1.

 

La valeur innovante de l’organisation communautaire et la responsabilité populationnelle des CSSS ... 172

 

7.3.2.

 

La fonction de liaison et le développement territorial intégré ... 174

 

7.3.3.

   

Perspectives de développement professionnel pour les praticiens et praticiennes de la fonction de liaison ... 176

 

Bibliographie ... 179

 

Annexes ... 191

 

Annexe 1 – Instruments de collecte des données ... 191

 

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 – Typologie établie par Proulx, Bourque et Savard (2005) p. 20 Tableau 2 – Quatre idéotypes de traducteur (Beuret, 2006 : 287) p. 21 Tableau 3 – Structure des compétences reliées à la fonction de liaison des OC p. 32 Tableau 4 – Répartition des personnes rencontrées en entrevue p. 38 Tableau 5 – Profil synthèse des SLA p. 80 Tableau 6 – Organisation territoriale des cinq CSSS de la région p. 110 Tableau 7 – Dimensions pratiques de la fonction de liaison et éléments conceptuels tirés de la revue

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LISTE DES FIGURES

Figure 1 – Les logiques en jeu dans la concertation p. 19 Figure 2 – Schéma des 8 systèmes locaux d’action (SLA) et des 22 informateurs rencontrés p. 43

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LISTE DES ABRÉVIATIONS ET DES SIGLES

ACCQ Association des CLSC et CHSLD du Québec ADR Agent de développement rural

ASSS Agence de la santé et des services sociaux CAR Conférence administrative régionale

CDC Corporation de développement communautaire

CDEC Corporations de développement économique communautaire CEGEP Collège d’enseignement général et professionnel

CEQ Centrale de l’enseignement du Québec

CHSLD Centre d’hébergement et de soins de longue durée CJE Carrefour jeunesse emploi

CLD Centre local de développement CLE Centre local d’emploi

CLSC Centre local de services communautaires CRDS Commission régionale de développement social CRÉ Conférence régionale des élus

CSN Confédération des syndicats nationaux CSS Centre de services sociaux

CSSS Centre de santé et de services sociaux FLAC Fondation Lucie-et-André-Chagnon

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INSPQ Institut national de santé publique du Québec

IPCDC Initiative de partage des connaissances et de développement des compétences MAMROT Ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire MDEIE Ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation MESS Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale

MRC Municipalité régionale de comté

MSSS Ministère de la Santé et des Services sociaux MTE Méthodologie de la théorisation enracinée OC Organisatrice ou organisateur communautaire

PAGSIS Plan d’action gouvernemental pour la solidarité et l’inclusion sociale PNR Politique nationale de la ruralité

PRSAC Politique de reconnaissance et de soutien à l’action communautaire PSEPA Politique de soutien à l’éducation populaire autonome

PSOC Programme de soutien aux organismes communautaires ROCQ Regroupement des organisateurs communautaires du Québec

RQIIAC Regroupement québécois des intervenantes et intervenants en action communautaire en CSSS SACA Secrétariat à l’action communautaire autonome

SACAIS Secrétariat à l’action communautaire autonome et à l’intégration sociale SADC Société d’aide au développement des collectivités

SARCA Services d’accueil, de référence, de conseil et d’accompagnement SLA Système local d’action

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REMERCIEMENTS

Au terme d’une démarche de recherche et de rédaction, à laquelle plusieurs ont contribué, il convient de souligner leur apport. Les premières personnes que je tiens à mentionner, ce sont les organisatrices et organisateurs communautaires qui ont alimenté mes questions, mes réflexions et mes découvertes depuis plusieurs années. Je tiens à remercier de façon particulière celles et ceux qui m’ont généreusement guidé dans le cadre de cette recherche en me faisant connaître leur région, en acceptant de m’accorder une entrevue et me présentant des gens avec lesquels ils exercent au quotidien leur métier. C’est leur expérience qui constitue le cœur de la thèse.

La recherche est aussi un métier qui s’apprend. Mes collaborations avec Denis Bourque depuis bientôt sept ans dans le cadre de la Chaire de recherche du Canada en organisation communautaire sont une école de premier ordre. Cela me fournit occasion de participer à des équipes où je suis en contact avec des chercheurs chevronnés.

Mais l’apprentissage passe aussi par l’expérimentation personnelle d’une production originale susceptible de contribuer au savoir en organisation communautaire. Sur ce chemin, c’est Yvan Comeau qui a été mon sherpa. Pour sa diligence à répondre aux diverses demandes que je lui ai formulées, pour la pertinence de son accompagnement de ma démarche et pour la rigueur de ses remarques, je lui dois beaucoup. Qu’il en soit remercié.

Je veux aussi souligner les coups de pouce de Yves Hurtubise et de Louis Favreau au départ de cette aventure, il y a maintenant plus de vingt ans. Merci pour m’avoir introduit à cet univers de la recherche. Enfin, la contribution de mon épouse Louise n’a pas été la moindre. Il n’y a pas d’espace de réflexion et d’écriture sans la patience, le soutien et la complicité qu’elle m’a offerts durant ces années, les trois dernières en particulier.

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INTRODUCTION

Caminante, no hay camino. Se hace camino al andar

(Antonio Machado, 1917) « Voyageur, il n’y a pas de chemin. Le chemin se fait en marchant ». Ces vers de Machado s’appliquent bien à la pratique de l’organisation communautaire dans le cadre d’une multitude de professions pour lesquelles il n’y a pas de meilleures pratiques, mais seulement des pratiques qui produisent des résultats en termes de renforcement de la capacité d’agir de celles et ceux qui sont loin du pouvoir économique ou politique. Ce sont des pratiques qui doivent composer avec de multiples variables sociales, institutionnelles et conjoncturelles, mais surtout avec des personnes libres en interaction dans des milieux qui ont leur culture propre. Les organisateurs et organisatrices communautaires agissent comme des passeurs entre les acteurs collectifs.

Être passeur est une expression empruntée à Marie-Danielle Girouard dans son récit de pratique publié dans

l’édition du cadre de référence du Regroupement québécois des intervenantes et intervenants en action communautaire en CSSS (RQIIAC, 2010 : 102) :

Lors de la transition du CLSC au CSSS, les OC nous avions un rôle important à jouer, le rôle de passeur. On nous a demandé de faire une tournée de quartier. Je trouve que c’est un moment important, l’occasion de présenter tout le patrimoine que la communauté a développé durant les années du CLSC. J’ai ressenti très fort que je transmettais le vécu du quartier et que je servais ainsi d’intermédiaire entre deux générations du réseau, du CLSC au CSSS. (Idem : 105)

Dans un message en janvier 2010, elle écrivait : « Je me rends compte que notre rôle de passeur nous a amenés à créer et encourager un leadership partagé dans le quartier ». Cette façon de parler du rôle des organisatrices et organisateurs communautaires (OC) en CSSS reprenait la désignation des OC comme agents de liaison entre l’institution et les organismes du milieu, qui est souvent revenue lors d’entrevues avec des intervenantes et intervenants communautaires. Au moment de définir le projet de recherche, le concept s’est imposé comme pratique à définir pour comprendre une dimension déterminante des fonctions des OC dans les CSSS.

La question à laquelle cherche à répondre la thèse est la suivante : comment des OC en CSSS pratiquent-ils la fonction de liaison dans le contexte actuel de l’action territoriale au Québec ? Répondre à cette question c’est d’abord préciser à quoi fait référence la fonction de liaison dans la pratique des organisateurs et organisatrices communautaires du réseau public de santé et de services sociaux. À titre provisoire, on peut définir cette fonction comme l’ensemble des actions favorables à la mise en rapport de différents acteurs dans la réalisation d’un projet collectif. L’objectif de la thèse est de préciser comment les intervenants s’y prennent pour assurer cette fonction de liaison et quels changements celle-ci a connus dans le cadre des réformes

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majeures du réseau québécois de la santé et des services sociaux depuis la création des CLSC en 1972 jusqu’à la situation dans les CSSS au moment de la cueillette des données en 2012.

Introduite dans le réseau public de la santé et des services sociaux depuis un peu plus d’une quarantaine d’années, l’organisation communautaire a connu un parcours qui a favorisé son institutionnalisation comme pratique professionnelle. Ce processus historique a certainement modifié les conditions d’exercice et les modes d’action de cette pratique et c’est ce que la thèse se propose d’illustrer à partir de l’évolution de la fonction de liaison que les organisateurs et organisatrices communautaires (OC) ont assumée dans les centres locaux de services communautaires (CLSC) et continuent d’assumer dans les centres de santé et de services sociaux (CSSS). À vrai dire, la thèse s’intéresse aux façons de procéder, aux acteurs concernés et aux types de contribution pour lesquels on les rejoint, aux changements survenus depuis les réformes des années 1990 ainsi qu’à l’explication de ces changements.

1. Origine de la recherche

Depuis 1976, la convention collective du secteur public définit la profession d’OC par trois fonctions : a) l’identification et l’analyse des besoins ; b) la conception, la coordination et l’actualisation de programmes d’organisation communautaire ; et c) le soutien aux groupes du milieu (Lachapelle, 2003 : 18). Dans sa description des services de santé publique suite à la création des CSSS, le Ministère de la Santé et des Services sociaux reprend substantiellement cette définition, mais identifie quatre fonctions : a) mise en évidence des besoins ; b) conception, mise en œuvre et soutien d’actions communautaires ; c) concertation et mobilisation des acteurs ; et d) contribution au développement des communautés (MSSS, 2004 : 83). Les deux descriptions incluent les fonctions de connaissance du milieu (a) et de soutien à l’action communautaire (c dans la version de 1976 et b dans la version de 2004), mais elles se distinguent sur les notions de programme (b dans la version de 1976) et de concertation-mobilisation-développement des communautés (c et d dans la version de 2004). Ce sont des différences qui témoignent de changements des pratiques professionnelles des OC, des institutions dans lesquelles ils œuvrent et des communautés dans lesquelles ils interviennent.

Ces transformations ont déjà été documentées dans des recherches sur l’histoire de l’organisation communautaire au Québec, l’évolution institutionnelle des CLSC aux CSSS, l’intérêt de la santé publique pour le développement des communautés, la maturation de l’action communautaire et la structuration professionnelle de l’organisation communautaire en CSSS (Lachapelle et Bourque, 2007 ; Lachapelle, 2008 ; Lachapelle, Bourque et Foisy, 2009 ; Bourque et Lachapelle, 2010 ; Bourque, Lachapelle et Sénéchal, 2011). Ces réaménagements n’ont pas affecté la vitalité de l’organisation communautaire comme en font foi les multiples démarches d’élaboration de cadres de référence et de planifications stratégiques dans des CSSS,

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qui précisent l’offre de services des OC. Certaines directions de CSSS ont choisi d’entreprendre ces démarches au moment où d’autres annonçaient la disparition des OC au profit d’agents de programmation, un titre professionnel qui se situe davantage dans la ligne dominante de développement et de gestion de programmes que dans celle du soutien à l’action citoyenne qui caractérise l’organisation communautaire. Au Québec depuis les années 1960 le « contenu participatif » (Doré, 1985 : 213) de l’organisation communautaire a permis de la distinguer du développement et de la coordination de programmes (Bourque et Lachapelle, 2007).

Explorer parmi les fonctions des OC celle qui les amène à s’entremettre pour faire la liaison entre les parties prenantes de l’action collective devrait fournir un éclairage particulièrement intéressant sur la continuité et les transformations de l’organisation communautaire en CLSC et en CSSS. Mais une telle démarche devrait surtout aider à comprendre une fonction qui devient de plus en plus importante avec le foisonnement de programmes, d’institutions et de bailleurs de fonds qui font le choix de créer des postes dont la principale fonction est d’établir des liens entre les acteurs de l’action collective, que ce soit dans le champ du développement local, en santé publique ou dans un large éventail d’initiatives de développement social à l’échelle locale. Les appels à des agents de liaison indiquent la pertinence de questionner cette fonction que peut utilement éclairer l’expertise développée en CSLC – CSSS et systématisée par la recherche québécoise en travail social depuis plus de 20 ans.

2. Brève mise en contexte

Développée dans les sociétés anglo-saxonnes en réaction à la désagrégation des conditions de vie des quartiers ouvriers des USA et du Royaume-Uni (Brieland, 1987), l’organisation communautaire se pose en soutien à l’action citoyenne et à la prise en charge de leur collectivité par les personnes qui n’ont pas accès au pouvoir du fait qu’elles subissent l’appauvrissement voire l’exclusion que génère le libéralisme économique. Dans le Québec des années 1960, en pleine période de révolution tranquille et à la faveur de l’enrichissement collectif des Trente glorieuses, les animateurs sociaux ont pris la relève des mouvements d’action sociale d’inspiration chrétienne, des syndicats ouvriers et des coopératives (Doucet et Favreau, 1991) pour stimuler et soutenir les groupes populaires, l’éducation populaire et la revendication de conditions de vie décentes pour les classes populaires dans les quartiers urbains et les collectivités rurales.

Intégrés à ces nouvelles institutions publiques dès la mise en place des premiers CLSC en 1972, au moment où prenaient fin les années de croissance de l’après-guerre, les organisateurs communautaires ont vu leur titre d’emploi officialisé par une convention collective de travail en 1976. Après la période d’implantation des CLSC, l’intégration de ces nouveaux établissements au réseau de la santé et des services sociaux a entraîné un premier épisode de précision de l’identité professionnelle (1986-1994) qui a consacré la pratique comme

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constitutive de la nature des CLSC (Bourque et Lachapelle, 2010) et les OC comme coconstructeurs de leur identité professionnelle (Comeau et al., 2008). L’imposition d’une rationalisation du réseau avec l’intégration

plus poussée des CLSC a suscité une seconde période d’autodéfinition de l’organisation communautaire en CLSC (1995-2002) qui a abouti à la publication d’un premier cadre de référence du Regroupement québécois des intervenantes et intervenants en action communautaire en CLSC et en centre de santé (RQIIAC) (Lachapelle, 2003). Enfin l’intégration totale dans les CSSS en 2004 et la réduction des CLSC au statut de mission de ces nouveaux établissements, de même que l’arrivée de la santé publique comme définiteur en développement des communautés amènent le MSSS à donner une nouvelle définition des interventions communautaires (MSSS, 2004 : 83) et les OC à redéfinir leur pratique comme contribution à la mise en œuvre de la responsabilité populationnelle des CSSS (Lachapelle, 2008). La publication du second cadre de référence du RQIIAC (2010) ouvre une nouvelle période de développement de la pratique de l’organisation communautaire dans le réseau public de santé et de services sociaux.

Le contexte communautaire aussi a profondément changé au cours des 15 dernières années, d’abord par la création des centre locaux de développement (CLD) en 1997 et l’adoption par Québec d’une politique de reconnaissance et de soutien à l’action communautaire (Québec, 2001a), mais aussi avec la politique nationale de la ruralité, l’adoption en 2004 d’une nouvelle Loi des régions qui a créé les conférences régionales des élus (CRÉ), l’intégration du développement des communautés dans le programme national de santé publique (2008) et le développement de partenariats entre l’État québécois et la Fondation Lucie-et-André-Chagnon (FLAC). Non seulement le contexte institutionnel dans lequel les OC pratiquent leur profession a changé, mais ils côtoient aussi de nouveaux intervenants qui, sans toutefois s’identifier comme organisateurs ou organisatrices communautaires, assument sur le même terrain local des fonctions professionnelles similaires.

2. Visée et buts de la recherche

Le discours de nombreux acteurs dans des recherches récentes (Lachapelle, Bourque et Foisy, 2009 ; Bourque et al., 2010) souligne la fonction de liaison qu’assument les OC dans la conduite de projets collectifs,

notamment dans le cadre d’activités de concertation qui occupent une part nettement plus importante de leurs tâches qu’aux premières années des CLSC. C’est aussi une fonction de liaison que met en évidence le titre d’emploi de plusieurs intervenantes et intervenants œuvrant dans des postes créés par les CLD, les sociétés de gestion issues de la FLAC, les CRÉ, etc. Ce discours manifeste sans doute des changements dans les fonctions d’organisation communautaire, changements dont la démonstration empirique n’est pas encore faite. La recherche se propose de documenter cette évolution et de fournir une contribution complémentaire à l’approche socio-institutionnelle (Bourque et Lachapelle, 2007) et aux travaux sur la concertation et les

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partenariats (Bourque, 2007 et 2008). Elle vise à préciser ce que signifie aujourd’hui la fonction de liaison en organisation communautaire et, ce faisant, à fournir un outil d’affirmation professionnelle à celles et ceux qui exercent cette fonction sur des territoires qui veulent prendre en main leur développement, et une contribution aux approches intégrées de développement tout en fournissant un cadre critique pour la mise en œuvre de la responsabilité populationnelle des CSSS.

4. Structure de la thèse

La thèse comporte six chapitres auxquels s’ajoute un chapitre de conclusion. Les trois premiers s’attachent à préciser la démarche de recherche. Les trois chapitres suivants rendent compte de l’analyse des données recueillies sur le terrain, du point de vue des résultats, des acteurs et de la définition de la fonction de liaison qui se dégage de la recherche. Ils constituent le cœur de la thèse. Le chapitre de conclusion rappelle brièvement ces résultats afin de préciser ce qu’ils apportent au cadre conceptuel de départ, et ouvre des perspectives sur quelques enjeux.

Le premier chapitre campe la problématique de la recherche. Nous proposons d’abord un inventaire des travaux empiriques déjà réalisés sur l’organisation communautaire en CLSC et sur les fonctions de ceux et celles qui la pratiquent. Cette section mettra en évidence la pertinence d’une recherche sur la fonction de liaison puisqu’il s’agit d’une fonction déterminante, mais peu documentée au plan de la recherche. La seconde partie du chapitre présente le cadre conceptuel de la recherche. Pour analyser les pratiques de liaison entre des établissements publics et le milieu, nous avons choisi l’approche socio-institutionnelle en organisation communautaire qui définit la participation citoyenne comme critère incontournable pour l’analyse des pratiques, et les concepts de territorialité et de système local d’action pour étudier la territorialisation des ressources requises pour mettre en œuvre des projets. Enfin, nous considérons nécessaire de préciser une théorie du changement social et nous avons retenu à cette fin la théorie de la structuration appliquée à l’intervention professionnelle. La dernière section du chapitre précise les questions spécifiques auxquelles s’attaque la recherche.

Le second chapitre est consacré à l’approche méthodologique. Le choix de la méthodologie de la théorisation enracinée s’appuie sur la conviction que le discours des personnes engagées dans l’action collective fournit un accès privilégié aux diverses dimensions de leurs pratiques. Le chapitre fait une brève présentation des principes et méthodes qui conviennent à cette approche méthodologique. Il établit en particulier la pertinence d’entrevues semi-directives et les modes de codage qui permettent d’en exprimer les unités de sens pertinentes. Le chapitre décrit ensuite le mode de cueillette des données en fonction de systèmes locaux d’action (SLA) qui constituent les milieux d’application de la fonction de liaison. Le cadre éthique dans lequel la recherche a été réalisée clôt ce chapitre méthodologique et nous verrons que le Comité plurifacultaire du

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Comité d’éthique de la recherche avec les êtres humains de l’Université Laval (CÉRUL) a approuvé les mesures déontologiques prises dans notre démarche.

Pour camper la pratique de l’organisation communautaire en CSSS, une mise en contexte s’impose puisque « l’histoire du service social est aussi l’histoire de la société à laquelle il appartient » (Mayer, 2002 : 17). Le troisième chapitre propose donc comme mise en contexte sur le plan historique, un découpage en trois périodes des quatre décennies au cours desquelles ont évolué les pratiques d’organisation communautaire en CLSC – CSSS. La lecture de chacune de ces périodes est développée à partir d’éléments qui, selon la grille de Mayer (2002), conditionnent la fonction de liaison : la société et l’action citoyenne, les politiques sociales québécoises, la santé et les services sociaux et les pratiques des OC.

Une fonction se mesurant par ses réalisations, c’est d’abord en termes de résultats que le quatrième chapitre présente l’exercice de la fonction de liaison d’abord dans une perspective temporelle à partir d’une entrevue de groupe avec cinq (5) OC à la retraite ayant pratiqué dans la même région. La seconde partie du chapitre est un portrait des territoires où les entrevues ont été recueillies. En dépit des contraintes que cela impose, le choix qui a été fait est de brosser une esquisse dénominalisée des milieux d’intervention et des acteurs collectifs concernés par les pratiques d’organisation communautaire. L’analyse propose donc un profil en termes de systèmes locaux d’action (SLA) de huit territoires de MRC d’une même région administrative. Ce sont en fait les territoires pour lesquels un OC a répondu favorablement à la demande d’entrevue et accepté de désigner deux partenaires d’intervention comme informateurs à rencontrer. Treize personnes ont ainsi été ajoutées à la liste d’entrevues individuelles réalisées à l’été 2012. Une entrevue complémentaire a été menée au printemps 2013 pour combler certaines lacunes d’information. Les données ainsi recueillies sont à la base du portrait des huit SLA que l’analyse a permis regrouper en trois catégories : ceux où les agents de liaison affichent des réussites en termes de développement des communautés ; ceux où ils assument le leadership dans la mise en œuvre du Plan d’action gouvernemental pour la solidarité et l’inclusion sociale (PAGSIS) ; et

ceux où les pratiques de liaison s’avèrent un exercice plus difficile.

Le cinquième chapitre analyse comment répondent les divers acteurs sollicités dans la mise en œuvre de la fonction de liaison. La première section du chapitre est consacrée aux institutions locales : analyse du discours des directions et des modes d’organisation des CSSS qui emploient les OC ; le second groupe, les acteurs du milieu communautaire, réagit aux programmes qui deviennent de plus en plus un passage obligé pour accéder aux ressources dont ils ont besoin ; et finalement les élus municipaux à qui des mandats de mise en œuvre des programmes publics sont dévolus à l’échelle des municipalités régionales de comté (MRC) et des conférences régionales des élus (CRÉ). La seconde section du chapitre présente les ressources externes aux SLA qui dispensent les programmes de développement des communautés, et les sociétés de

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gestion de la Fondation Lucie-et-André-Chagnon (FLAC). La dernière section de ce chapitre propose une analyse des SLA comme espaces d’hybridation des programmes avec les initiatives issues des communautés locales.

Le sixième chapitre porte sur la pratique de la fonction de liaison. Il présente comment les OC et les agents de développement rural (ADR) mettent en œuvre la fonction de liaison, d’abord au niveau politique comme approche de mise en relation d’une institution avec son milieu, puis au niveau des actions qui rendent effectives les relations entre les divers acteurs d’un système local d’action. L’analyse fournit les matériaux permettant de proposer une définition de la fonction de liaison en organisation communautaire telle qu’elle émerge de la recherche. L’exploration des conditions de mise en œuvre de la fonction de liaison termine ce chapitre.

Le chapitre de conclusion de la thèse boucle la démarche en examinant les résultats de la recherche en regard des questions auxquelles elle se propose de répondre. La première partie de cette section rappelle brièvement la démarche de la thèse puis présente l’évolution de la fonction de liaison, sa contribution au développement de la territorialité, à la participation citoyenne et à l’hybridation des logiques descendante des programmes et ascendante du milieu local. Ces résultats confirment l’actualité de la fonction de liaison en organisation communautaire dans les CSSS et dans les communautés locales. La deuxième section du chapitre présente comment la fonction de liaison soutient l’exercice des divers leaderships en jeu dans les systèmes locaux d’action. La dernière section du chapitre examine quelques questions sur lesquelles il y a du travail à faire pour améliorer la contribution de l’organisation communautaire aux défis des CSSS et des communautés locales. L’organisation communautaire en CSSS demeure une pratique d’intervenantes et d’intervenants aux frontières, dont les perspectives d’avenir reposent pour une bonne part sur les choix institutionnels qui seront faits, mais aussi sur la posture qu’adopteront les OC et les autres agents de développement qui contribuent à lier les acteurs d’un milieu local.

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1. PROBLÉMATIQUE DE LA RECHERCHE

Même si la fonction de liaison en organisation communautaire n’a pas fait, à notre connaissance, l’objet de recherches spécifiques au Québec, il est intéressant d’identifier comment les écrits posent la question des fonctions assumées par les organisateurs et organisatrices communautaires (OC). Le chapitre propose d’abord une présentation des travaux empiriques qui ont traité de l’organisation communautaire en CLSC – CSSS. Ces travaux ont évoqué la fonction de liaison, mais ne l’ont pas abordée de manière spécifique. Puis le chapitre examine les écrits qui exposent des théories et des concepts utiles à une démarche de recherche sur la fonction de liaison. Pour terminer, le texte définit le cadre conceptuel et précise les questions spécifiques de la recherche.

1.1. Les travaux empiriques réalisés au Québec et ayant traité de

l’organisation communautaire et de ses fonctions

Dans cette section, nous verrons que les travaux sur l’organisation communautaire en CLSC l’ont abordée de différentes manières et que l’attention portée aux fonctions l’a été de manière plutôt générale. En fait, la présence d’OC dans les CLSC a suscité depuis leur origine des questionnements sur leurs rapports avec une institution relevant de l’État, d’une part, et, d’autre part, avec le milieu et des organismes autonomes. Au moment où l’État « récupère » les cliniques populaires, selon les uns, ou met en place une nouvelle approche de la santé, selon les autres, les allégeances des OC occupent une place centrale dans ces analyses. Ce qui est significatif dans ces questionnements, c’est la position frontière entre l’institution publique et l’action citoyenne occupée par l’organisation communautaire dans les CLSC. En durcissant volontairement le trait, les premières années de la présence de l’organisation communautaire sont analysées soit comme une contribution pour rapprocher les services publics des besoins des communautés – c’est l’approche communautaire de la Fédération des CLSC du Québec (FCLSCQ) –, soit comme une pratique de solidarité avec les classes populaires contre un État capitaliste – c’est l’approche du Regroupement des organisateurs communautaires du Québec (ROCQ).

Une recherche de Doré et Larose (1979) portant à la fois sur les OC en CLSC et ceux à l'emploi d'autres organismes, est réalisée dans le cadre du ROCQ dont les buts sont « de briser [l']isolement de ses membres, de leur fournir des éléments pour mieux définir leur pratique […] et leur permettre de situer leur lutte sur les conditions de travail dans le réseau des alliances possibles » (Doré et Larose, 1979 : 70-71). Les auteurs

estiment « que le Québec comptait, en 1978, au moins 500 organisateurs communautaires » désignés par

trente-huit (38) titres d'emploi différents. La recherche s'est intéressée à la définition de poste, à la formation, aux groupes-cibles, aux orientations et stratégies d'intervention et à la situation du travail en organisation communautaire. Sa conclusion majeure est l'identification d'une « contradiction structurelle » qui se manifeste

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« surtout par le tiraillement continuel entre l'assimilation de l'organisateur communautaire au groupe des gestionnaires des établissements et sa mise en disponibilité au service des groupes autonomes du milieu » (Ibid.: 94-95). Doré et Larose (1979) identifient donc les rapports CLSC-milieu en termes de contradiction plutôt que de liaison.

L'étude de Lafrance et Lesemann (1980), réalisée de concert avec cinq intervenant-e-s dans le cadre d'un cours de maîtrise, s'est intéressée aux OC de 23 CLSC de la région de Montréal. Son propos est de préciser à quel modèle d'intervention les OC rattachent leur pratique. Selon ces auteurs, « il semble que des actions communautaires soient menées par d'autres professionnels que les OC [principalement auprès de] clientèles-cibles du MAS » (Lafrance et Lesemann, 1980: 6). Les pratiques spécifiques des OC se départagent à parts

égales entre deux idéologies : d’un côté, « une idéologie à caractère intégratif », de l’autre, « une idéologie de transformation soit progressive, soit radicale » (Idem : 24). Ils en viennent à la conclusion qu’« un modèle d'organisation communautaire se profile derrière cette recherche: c'est celui de la planification et de la gestion des services » (Idem : 28), ce qu’ils considèrent comme un processus de professionnalisation.

Une troisième recherche, réalisée par Marie Jobin (1986) pour le compte de la Fédération des CLSC du Québec comme contribution aux travaux du comité d'étude sur les CLSC créé par la ministre des Affaires sociales et dirigé par le Dr. Jacques Brunet, montre que « les CLSC jouent un rôle de concertation et de complémentarité avec les organismes du milieu » (Jobin, 1986 : 18). Cette conclusion est plus proche de la liaison que les points de vue à l’effet qu’il y ait une antinomie entre des CLSC-appareils-d’État et des pratiques-issues-de-la-communauté (Godbout et Martin, 1974; Godbout, Leduc et Collin, 1987; Godbout et Guay, 1988) ou entre une perspective technocratique et une perspective communautaire (Alary et Lesemann, 1975; Lesemann, 1977; Lamoureux et Lesemann, 1987). Pour plusieurs auteurs à l’époque, l'organisation communautaire, de plus en plus au service des programmes, serait assimilable à l'approche communautaire définie comme stratégie étatique de mise au pas de l’action sociale :

L’organisation communautaire est une stratégie d’intervention majeure des CLSC. Au cours des premières années, les organisateurs communautaires ont mobilisé des groupes de citoyens sur des enjeux comme le chômage, les pratiques commerciales douteuses, les habitations délabrées et la pollution, et ils ont eu recours à des tactiques qui en sont venues à susciter une hostilité considérable et une opposition des élites locales. Il y a eu des discussions enflammées sur le rôle de l’action sociale dans les CLSC. Le ministère des Affaires sociales (MAS) a resserré la mission des CLSC en précisant les services qu’ils ont le mandat de fournir. […] Les radicaux de l’intérieur ont été mis au pas et, dans un effort pour éviter la controverse, l’action sociale comme stratégie majeure a vu son influence minimisée au profit de ce que l’on désigne comme l’approche communautaire. (Notre traduction de Gulati and Guest, 1990 : 64).

Cette évaluation rejoint celle de Doré (1985) qui, sur la base d’une approche normative de l’organisation communautaire évalue que l’approche communautaire « empruntée au rapport Barclay (Angleterre), s’inscrit en réalité dans un courant de retour sur la socialisation des risques sociaux à la base de l’État-Providence,

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pourtant gagnée de haute lutte comme un compromis historique entre la classe ouvrière et la classe capitaliste » (Doré, 1985 : 226). Selon cet auteur, les OC seront soumis à « une logique gestionnaire » qui les poussera à « se transformer en promoteurs et coordonnateurs d’agences bénévoles […] schéma ‘assistancialiste’, nouvelle version » (Idem). Le directeur de la Fédération des CLSC, pour sa part, y voit plutôt un rempart contre « les approches réductrices et le danger d’une récupération du social par la médecine » (Sénéchal, 1994 : 23). Selon ce porte parole de la FCLSCQ « le développement des CLSC et celui de l’action communautaire [sont] intimement liés » (Idem : 22).

La qualité partenariale des relations des établissements avec leur milieu repose en bout de ligne sur leur capacité à établir des rapports corrects entre les intervenants du CLSC et les acteurs de la communauté. Pour la FCLSCQ, l’approche communautaire permet de ménager, dans le cadre du modèle médical dominant, un espace de singularité dans lequel l’action communautaire occupe une position déterminante (Lachapelle, 1991 ; FLSCQ, 1994). Des intervenantes et intervenants, on s’attend à ce qu’ils respectent et la mission de l'un et la réalité de l'autre. Dans cette approche, les OC sont les intervenants qui présentent le plus haut risque de se trouver au cœur de rapports conflictuels « plus qu'aucune autre profession, l'action communautaire est sur la ligne des conflits potentiels entre l'institution, l'État et les groupes de citoyens. […] La tentation peut être forte de déplacer des intervenants d'un programme à un autre pour répondre à des mandats impératifs et d'encadrer de cette façon des pratiques “à hauts risques politiques” » (Hurtubise, 1989: 52 et 53).

Au terme de la première époque des CLSC, l’organisation communautaire est donc perçue comme une pratique de frontière : à la fois en institution relevant de l’État et en rapport avec des groupes représentant des intérêts citoyens, les OC exercent des fonctions politiques, ordinairement réservées à la direction de l’institution, sur des terrains qui débordent largement les enjeux d’organisation des services sociaux et de santé. Cet enjeu de confiner l’organisation communautaire aux programmes de santé sera l’une des questions abordées dans le rapport du comité présidé par le Dr. Jacques Brunet (1987) mandaté par la ministre des Affaires sociales pour évaluer les CLSC.

C’est dans le contexte de cette évaluation que des OC prennent l’initiative de lancer, avec l’appui de chercheurs universitaires, une enquête portant spécifiquement sur l'action communautaire (Hurtubise et al.,

1989) réalisée au moyen d’un questionnaire qui a rejoint la quasi totalité des OC en CLSC. Elle situe la question de l'autonomie professionnelle dans la perspective où « le travail d'intervention communautaire comporte, par définition, des contradictions entre l'appartenance à l'institution et la solidarité concrète avec les populations » (Idem : 2). Les résultats démontrent que les OC « collaborent trois fois sur quatre avec un

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(pour 62,3 %), ensuite avec des organismes de promotion et de développement (25 %) mais aussi avec des groupes de défense des droits (13 %) » (Idem : 31). Le rapport ajoute : « Les fonctions exercées par les organisateurs et travailleurs communautaires de CLSC nous renvoient essentiellement à un travail direct de recrutement, de mobilisation et d’animation : pour près de 40 %, les intervenants exercent cette fonction », à quoi il convient d’ajouter les 17 % qui interviennent à titre d’agent de concertation (Idem : 32). Il faut noter que cette fonction de concertation s’exerce quasi essentiellement (plus de 80 % des interventions) dans l’organisation de services et d’entreprises communautaires (Idem : 41). Bref, près de 60 % des OC exercent des fonctions qui comportent une dimension de liaison entre et avec les acteurs locaux.

Quelques années plus tard, la recherche de Favreau et Hurtubise met en évidence que « la pratique de l’organisation communautaire est en renouvellement » (Favreau et Hurtubise, 1993 : 76). Parmi les changements, une importance accrue de la concertation les « amène à travailler avec des représentants d’organismes hétérogènes et à revoir les stratégies d’intervention » (Idem : 85). Les tables de concertation sectorielles ou thématiques se multiplient, en raison de la spécialisation plus poussée de l’action communautaire autonome, mais aussi parce que certaines problématiques plus complexes, notamment l’appauvrissement provoqué par la crise économique et l’affaiblissement des ressources budgétaires de l’État, appellent de nouveaux modes d’intervention :

Ainsi la concertation, qui est un moyen d’affronter certains problèmes, constitue-t-elle également un dossier de travail ayant ses exigences propres : faire travailler ensemble des organismes dont les orientations et les objectifs ne coïncident pas toujours, trouver le point de consensus qui incite à additionner les forces, savoir négocier et faire accepter les désaccords sans tomber dans les affrontements stériles. (Favreau et Hurtubise, 1993 : 80)

Jusqu’au milieu des années 2000, la recherche sur l’organisation communautaire au Québec marque une pause, les réflexions sur le métier se cantonnant dans les activités du RQIIAC. Reprenant en 2004 l’enquête réalisée par Hurtubise et al. (1989), Comeau et al. (2008) confirment les conclusions de Favreau et Hurtubise

(1993) : parmi 11 courants stratégiques proposés par les chercheurs, c’est celui de la concertation qui vient largement en tête avec 33,9 % des mentions (Comeau et al., 2008 : 48). La recherche identifie aussi d’autres

caractéristiques qui interpellent les compétences relationnelles des OC. C’est le cas notamment de l’intervention en contexte de ruralité qui « suppose : 1) des modèles d’intervention fortement inspirés du développement local ; 2) des rapports interpersonnels de proximité ; et 3) une incitation à concevoir une pratique de l’organisation communautaire plutôt consensuelle » (Idem : 148).

La Chaire de recherche du Canada en organisation communautaire (UQO) a mené en 2009 une enquête exploratoire dans des collectivités où il y a des organismes multisectoriels et partenariaux que nous avons désignés comme des infrastructures communautaires de développement des communautés (Lachapelle, Bourque et Foisy, 2009). La recherche a mis en évidence que les OC des CSSS exercent dans ces milieux

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une fonction de liaison entre de telles infrastructures et les établissements publics parce qu’ils comprennent comment les choses se passent à l’interne, de part et d’autre. En dépit des rapports directs entre les organismes communautaires et les directions de CSSS dans le cadre des projets cliniques et des réseaux locaux de services, ils jouent un rôle de passeurs entre des organisations dont les cultures diffèrent. Les attentes à l’égard des OC portent à la fois sur un leadership de processus et une expertise du milieu, notamment en termes de mémoire des démarches déjà réalisées et de connaissance de l’état de santé des populations, des priorités de santé identifiées aux échelles nationale et régionale, des modes d’intervention dont l’efficacité a été scientifiquement établie, etc. Sur le plan des processus cela veut dire : amener les gens à ne pas brûler les étapes dans l’action ; assurer la place des citoyens en faisant en sorte qu’ils puissent s’exprimer ; agir comme des catalyseurs qui savent faire en sorte que chacun des partenaires y trouve son compte ; et, parce que ce sont des intervenants habitués à agir aux frontières des milieux institutionnels et communautaires, rallier des acteurs de cultures organisationnelles différentes ; bref, exercer un leadership rassembleur ajusté à ce que les communautés veulent faire tout en expérimentant de nouvelles façons de faire assurant un équilibre des pouvoirs entre les partenaires. Cette description de la contribution des OC comporte déjà des éléments de définition de la fonction de liaison qui exigent un talent peu commun d’animation et de synthèse de la part d’OC qui doivent être des accompagnateurs plutôt que des experts. Comme nous venons de le voir, les recherches québécoises campent la problématique de l’organisation communautaire dans un contexte spécifique et fournissent un certain nombre d’éléments relatifs à la fonction de liaison des OC de CSSS :

 Elle concerne les rapports de l’institution avec la communauté, mais aussi entre les divers acteurs de la communauté ;

 Elle porte la marque d’une préoccupation de participation citoyenne ou à tout le moins d’une reconnaissance de l’action des organismes d’action communautaire autonome ;

 Elle s’inscrit dans des approches de type consensuel entre acteurs dont les intérêts « ne coïncident pas toujours »,ce qui suppose de savoir « additionner les forces, savoir négocier et faire accepter les désaccords sans tomber dans les affrontements stériles » (Favreau et Hurtubise, 1993 : 80).

En tout état de cause, ces travaux ne visent pas directement la fonction de liaison et, pour cette raison, notre projet de réaliser une recherche sur la question trouve là une justification. En outre, les études québécoises sur l’organisation communautaire ne fournissent pas à proprement parler de définition de la fonction de liaison dans les processus de changement. Elles ne permettent pas de situer le rôle des OC en rapport aux attentes des acteurs engagés dans le développement durable des communautés et dans le développement de rapports de partenariat, ni dans les démarches de concertation entre des acteurs ayant des intérêts

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divergents. Or, dans le contexte où la mondialisation rejoint les communautés et où le développement durable devient un impératif, on peut considérer avec Weil et Gamble (2005) que, depuis le milieu des années 1980,

la concertation communautaire (community liaison) est progressivement devenue non

seulement souhaitable mais nécessaire pour développer un programme gagnant. L’approche communautaire (community outreach), la concertation (liaison) et la planification conjointe de

services avec les membres de la communauté, les organismes, les groupes et les intervenants au service de la population deviennent rapidement partie intégrante du développement de programme (Notre traduction de Weil et Gamble, 2005 : 136).

Nous venons de montrer l’importance de réaliser une recherche afin de bien camper la fonction de liaison en organisation communautaire en CLSC – CSSS au cours des diverses périodes de son évolution institutionnelle et professionnelle. Les indices sont nombreux à l’effet que la fonction a évolué, probablement dans le sens d’une complexification, tout en conservant ses traits d’origine en termes de liaison entre l’institution et la communauté. Pour être en mesure de répondre à la question de recherche sur la nature et les transformations de la fonction de liaison à l’aide de concepts pertinents, il convient maintenant de revoir certains travaux empiriques et d’évoquer d’autres écrits. Ceux-ci complèteront notre recension des écrits par l’identification et la définition de concepts et de théories. C’est ainsi que nous serons en mesure d’adopter une structure conceptuelle mettant à contribution les acquis théoriques. Comme on le verra dans le chapitre sur la méthodologie de la recherche, cette structure conceptuelle n’est pas ce que l’on cherche à vérifier, mais elle campe la posture épistémologique du chercheur dans l’exploration d’une notion à théoriser.

1.2. Les écrits ayant traité des théories et concepts pertinents à

l’étude de la fonction de liaison

Cette partie regroupe autour de quatre thèmes les théories et les concepts qui ressortent des écrits consultés et qui peuvent être utiles à notre démarche. La notion de liaison en organisation communautaire a fait l’objet d’écrits dans le recueil de Taylor (1985), qui rendent compte de l’expérience des organismes américains de services communautaires. Nous ferons aussi une présentation de l’approche socio-institutionnelle développée par Bourque et Lachapelle (2007) comme alternative au modèle de planification sociale moins courant au Québec qu’aux USA. La liaison comme fonction est confrontée à des impératifs de résultat, notamment quant à l’enjeu de la territorialisation des ressources. À cet égard, les concepts de territorialité et de système local d’action s’avèrent pertinents pour notre étude. Enfin, nous avons choisi la théorie de la structuration en tant que perspective constructiviste du changement social. Chacun de ces thèmes est l’objet de l’une des sous-sections qui suivent.

1.2.1. La notion de liaison en organisation communautaire

Plusieurs écrits traitent de la notion de liaison en intervention collective, mais pas en tant que fonction des OC. Une fonction c’est « ce que doit accomplir une personne pour jouer son rôle dans la société, dans un groupe

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social » (Petit Robert, 1989). Le concept renvoie donc à ce qui, dans la pratique professionnelle d’organisation communautaire, permet de produire des résultats. La fonction de liaison caractérise une pratique professionnelle qui « contribue à ce que les individus d’un groupe améliorent leur connaissance, leur compréhension et leurs contacts concernant les individus [d’un] autre groupe et inversement » (Liedholm et Lindberg, 2007).

Dans un texte sur l’« approche de liaison communautaire » (Community Liaison Approach) Taylor (1985)

précise qu’elle engage à des activités de relation avec la communauté : « Le dictionnaire définit la liaison comme “un lien ou raccord ; un maillage ; aussi, coordination d’activités ; coopération.” Cette définition comporte une dimension qualitative de relations qui élargit le travail communautaire au-delà du rôle secondaire que l’on attribue habituellement à cette pratique lorsqu’elle est le fait du personnel d’agences de services directs aux personnes » (Notre traduction de Taylor, 1985 : 201). L’auteur s’intéresse à la liaison non pas comme fonction, mais comme stratégie d’organisation communautaire, c’est-à-dire en tant que « manière d’envisager une problématique et de prévoir l’intervention appropriée » et « outil d’analyse des pratiques permettant de composer adéquatement avec les dynamiques présentes dans la communauté » (RQIIAC, 2010 : 40). Sa définition est toutefois intéressante dans la mesure où elle inscrit la liaison dans l’ordre de la responsabilité relationnelle d’un établissement avec son milieu. Elle fournit de ce fait une première caractéristique à la liaison : c’est une activité qui a un caractère politique.

Au niveau de la mise en œuvre de cette approche, Taylor propose trois principes essentiels : l’engagement, la compétence et la légitimité. L’engagement relève du caractère partenarial résultant non pas d’un choix individuel d’intervenant, mais d’une décision d’organisme d’établir des relations avec d’autres organismes de la communauté (Taylor, 1985 : 208). Du même ordre, la légitimité « tient à la promesse de s’appuyer sur des principes et des façons de faire démocratiques et de respecter les attentes et les droits des participants » de telle sorte que « les meilleurs intérêts du quartier ou de la communauté vont primer et que les participants vont réaliser des gains aussi bien dans le processus qu’au niveau des tâches » (Notre traduction de Idem : 210). La compétence doit être à la hauteur des environnements complexes qui caractérisent les communautés (Idem : 209). Elle renvoie moins à la dimension politique de la liaison qu’à l’intervention qui la rend possible. Kurzman (1985), dans un texte sur le développement de programmes dans les services sociaux, n’utilise pas la notion de fonction, mais identifie « cinq grands ensembles d’habiletés que l’organisateur communautaire ou le coordonnateur doit apprendre à maîtriser : les habiletés organisationnelles, stratégiques ou politiques, analytiques, relationnelles ou d’engagement et administratives ou gestionnaires » (Notre traduction de Kurzman, 1985 : 108). Certains de ces ensembles d’habiletés renvoient à la dimension politique de la liaison

(34)

(les habiletés stratégiques ou politiques, relationnelles ou d’engagement), les autres sont davantage d’ordre technique (habiletés organisationnelles, analytiques, administratives ou gestionnaires).

La capacité des intervenants de rallier les forces autour des intérêts d’une communauté et de maintenir leur collaboration repose sur un profil exigeant, proche des principes essentiels identifiés par Taylor : « L’autorité vient de l’expertise professionnelle, d’un sens reconnu de l’équité, et d’un esprit ouvert voire disposé à considérer comme un avantage le droit pour des organismes désignés d’occuper une place prépondérante dans la communauté » (Notre traduction de Kurzman, 1985 : 119).

Les ensembles d’habiletés de Kurzman donnent du relief à la fonction de liaison. C’est le cas d’une part des « habiletés stratégiques » qui permettent

de jauger les intérêts et engagements des parties à une transaction, d’identifier les sources internes et externes d’influence et de pouvoir, de renforcer la cohésion des appuis, et d’identifier les espaces de conflit et de convergence des intérêts entre les parties. En conséquence, s’impose la capacité de persuader aussi bien verbalement que par écrit, un talent de négociation, et une habileté à identifier des positions appropriées de compromis. […] De plus, le travailleur doit savoir définir une cible qui correspond aux enjeux centraux, ce qui inclut une évaluation des occasions et des contraintes reliées au contexte de la situation. (Notre traduction de Kurzman, 1985 : 109)

À ces habiletés stratégiques, s’ajoutent des habiletés techniques : « le travailleur communautaire doit savoir organiser et travailler correctement avec l’ensemble des buts, stratégies et ressources qu’il pourrait falloir harmoniser pour venir à bout du problème, et ensuite détailler les tâches à assumer, préciser par qui et avec quelles ressources. » (Notre traduction de Idem). Ajoutant qu’un tel profil pourrait ne pas correspondre à ce que l’on peut attendre d’une seule personne, il ajoute que cela conduit au « besoin d’une maîtrise progressive d’un ensemble d’habiletés qui se superposent et s’entrecroisent pour se réclamer d’une expertise professionnelle » requérant « non seulement une plus grande maîtrise mais aussi un plus large spectre et répertoire d’habiletés » (Notre traduction de Idem). Le potentiel de leadership de liaison, en ce qui nous intéresse, tient en fait à la « capacité conceptuelle de voir que l’ensemble est plus que la somme des parties et [à] la créativité pour entrevoir les possibilités au-delà des évidences » (Notre traduction de Idem).

Traitant d’organisation communautaire dans les services en santé mentale, Stoner (1985) propose une définition de la concertation (coordination) en termes de liaison (linkage) et identifie un certain nombre d’interventions qui la caractérisent :

On définit la concertation comme l’établissement de liens d’information et le partage de point de vue (opinion) entre des organismes et des établissements. Le but est de lier services et

personnes aussi bien que groupes et organismes dans un effort de partage d’information pratique et politique et d’établir des choix qui rejoignent les intérêts de plusieurs groupes. Souvent de telles liaisons entraînent des accords entre organismes et des changements dans les orientations de groupes particuliers. De tels accords reposent sur le consensus de telle

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sorte que les organisateurs communautaires qui proposent la concertation ne peuvent faire usage de contrainte envers les groupes partenaires. (Notre traduction de Stoner, 1985 : 300)

Poursuivant cet intérêt pour les processus et les exigences de la concertation Bourque (2008) estime que « la circulation de l’information est une clé essentielle » et que c’est « la qualité de la démocratie délibérative qui permet que les questions soient débattues sur le fond et que chacun s’exprime » (Bourque, 2008 : 92). Il précise aussi qu’il faut « bien évaluer la période de temps requise pour obtenir des résultats » et pour que des rapports de confiance s’établissent entre les acteurs (Idem : 94). La fonction de liaison devrait assurer ce que Bourque considère être les facteurs de succès d’un partenariat : le caractère endogène, c’est-à-dire enraciné dans la réalité du milieu ; des rapports d’équité entre les partenaires ; et la capacité de « faire cohabiter entre elles des logiques, des approches d’intervention, et même des conceptions de la communauté qui sont souvent différentes » (Idem : 98). Il précise que les « compétences professionnelles à développer sont […] à la fois d’ordre méthodologique, mais aussi d’ordre stratégique et politique » (Idem : 108). Au niveau méthodologique, il mentionne la connaissance du milieu (Idem : 106) et l’animation efficace des réunions (Idem : 107). Au niveau stratégique et politique, il précise qu’il faut savoir « soutenir un processus d’évaluation globale d’un milieu donné » (Idem : 107), « bien saisir les enjeux pour les acteurs en présence », savoir gérer les conflits et négocier, mettre « à contribution des expertises » et élaborer des compromis, « composer avec la complexité des objectifs et l’imprévisibilité des comportements » et « assurer la vitalité » par la participation citoyenne (Idem : 108).

La liaison n’est pas définie par ces auteurs comme une fonction en organisation communautaire, mais comme stratégie d’intervention. Les interventions qui y sont reliées, sont décrites en termes à la fois stratégiques et techniques qui fournissent des indications sur ce que pourrait être la liaison en tant que fonction, c’est-à-dire ce que doit faire une ou un OC pour que s’établissent des rapports de collaboration entre les acteurs sociaux en vue du bien commun d’un milieu.

Sur le plan stratégique ou politique, la fonction de liaison renvoie à :

 La mise en œuvre d’un engagement d’organisme à établir des relations avec le milieu ou les organismes du milieu, ces relations pouvant s’établir sur le mode de la collaboration, de la concertation ou du partenariat ;

 Des façons de faire appuyées sur les attentes du milieu et favorables à la participation ;

 Une capacité d’identifier les intérêts particuliers voire divergents et de rallier autour de l’intérêt général tout en favorisant que chacun y trouve un intérêt.

Sur le plan technique, la fonction de liaison repose sur une compétence à la hauteur d’enjeux complexes, ce qui requiert des habiletés pour :

Figure

Figure 1 – Les logiques en jeu dans la concertation
Tableau 1 – Typologie établie par Proulx, Bourque et Savard (2005)
Tableau 2 – Quatre idéotypes du traducteur (Beuret, 2006 : 287)
Tableau 3 – Structure de compétences reliées à la fonction de liaison des OC
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