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Les directions des cinq CSSS 110

5. LA FONCTION DE LIAISON, LES ACTEURS DES SLA ET L’ACCÈS AUX RESSOURCES EXTERNES 109

5.1.1.   Les directions des cinq CSSS 110

Le premier acteur local à déterminer la fonction de liaison c’est l’institution qui emploie les OC : le CSSS établit littéralement le cadre dans lequel s’exerce cette fonction. La section historique du chapitre précédent a montré que les CLSC pour s’installer dans les collectivités locales ont misé sur le travail des OC intervenant aux frontières entre le milieu et un nouvel établissement de services sociaux et de santé de première ligne. Les CSSS créent un nouveau contexte dont les traits sont apparus dans la description des SLA et que ce chapitre se propose de préciser.

La région est desservie par cinq CSSS qui regroupent 20 territoires de CLSC. Le CSSS qui dessert le SLA Des Lacs, a été constitué par le regroupement de quatre territoires de CLSC installés sur un même territoire de MRC (43 000 h). Le plus gros CSSS de la région regroupe cinq territoires de CLSC et dessert l’agglomération métropolitaine et quatre territoires de MRC (238 800 h) dont les SLA Des Monts, Des Terres et Des Fermes. Le CSSS qui dessert les SLA De la Vallée et De l’Industrie (70 250 h), regroupe cinq territoires de CLSC tout comme le CSSS qui couvre les deux MRC du SLA Du Fleuve (41 130 h) et regroupe lui aussi cinq territoires de CLSC. Enfin le CSSS du SLA Des Bois couvre une MRC (17 300 h) qui était aussi un territoire de CLSC. Le tableau 5 permet de visualiser la situation de chaque SLA par rapport aux cinq CSSS qui desservent la région.

Tableau 6 – Organisation territoriale des cinq CSSS de la région

CSSS A 4 CLSC CSSS B 5 CLSC CSSS C 5 CLSC CSSS D 5 CLSC CSSS E 1 CLSC Des Lacs Des

Monts Des Terres Des Fermes De la Vallée De

l’Industrie Du Fleuve Des Bois La directrice des services à la communauté du CSSS A qui dessert le territoire du SLA Des Lacs est la supérieure immédiate de l’OC. Elle lui accorde un appui inconditionnel et se dit particulièrement favorable au modèle CLSC. Elle souhaite mettre en place une approche populationnelle qui devrait entraîner un investissement plus important de l’organisation communautaire auprès des équipes du CSSS. Au moment de l’enquête elle venait d’ouvrir un deuxième poste d’OC.

Les OC qui interviennent dans les SLA Des Monts, Des Terres et Des Fermes relèvent de la direction générale adjointe (DGA) du CSSS B, qui leur accorde un appui conditionnel à une réorientation de leurs pratiques en fonction de l’approche populationnelle du CSSS. Il y a un poste cadre de coordination entre la DGA et les OC.

Au CSSS C desservant les SLA De la Vallée et De l’Industrie, les OC relèvent aussi de la DGA. Tout comme sa collègue du CSSS B, elle estime qu’il revient à la direction générale d’établir la liaison avec les communautés et d’encadrer les OC pour qu’ils soient au service de cette liaison, en particulier en la stimulant dans les équipes programmes du CSSS. L’organisation communautaire est une profession ancillaire pour parvenir à ce virage populationnel et les partenaires du milieu sont considérés comme des apports dans le modèle de réseau local de services.

Le CSSS D qui couvre le territoire du SLA Du Fleuve a confié l’encadrement des OC à la direction des services dans la communauté, qui fait le relais entre eux et la direction générale. Les OC disposent d’une capacité d’affirmation à l’interne, mais les entrevues ont fourni des indices à l’effet que la direction leur manifeste peu d’appui.

Quant au territoire du SLA Des Bois il est desservi par un CSSS dont la direction générale assume l’encadrement des OC. Le CSSS a mis en place « une cellule opérationnelle à l’interne où tous les chefs de programme sont là, le mardi matin, et les organismes peuvent prendre rendez-vous pour venir présenter leurs services » (O825) sans recourir aux services des OC.

5.1.1.1. Pratiquer l’organisation communautaire dans le cadre de la responsabilité populationnelle du CSSS

« Avec l’arrivée des CSSS et de la responsabilité populationnelle […] le rôle des directeurs et des directeurs généraux […] est de plus en plus, je dirais, en relation avec les partenaires externes qui constituent le réseau local de services, donc toute la communauté » (D524). Le mandat des CSSS à l’égard de la responsabilité populationnelle est assez clair même si sa mise en œuvre semble s’être faite jusqu’à maintenant de façon assez inégale selon les CSSS. La loi définit trois niveaux d’exercice de cette responsabilité : la coordination d’un réseau local de services, la prise en compte des besoins des populations dans la définition d’un projet clinique et les collaborations avec « les autres intervenants du milieu, incluant le milieu communautaire, en vue d’agir sur les déterminants sociaux » (LRQ, ch. S-4.2, art. 100). Cette responsabilité oblige donc les CSSS à « une ouverture aux clients qui ne sont pas malades et qui ne viennent pas chercher des services, desquels il faut s’occuper » (D524). Les CSSS de la région ont donc constitué un conseil des partenaires « rattaché à la direction générale, où l’on traite des grands enjeux » (D524).

En même temps qu’elles se tournent vers l’extérieur, les directions des CSSS sont préoccupées que l’ensemble du personnel s’approprie une approche populationnelle. La DGA du CSSS B explique les choix stratégiques qui ont été faits pour y arriver : « Alors on a mis sur pied un comité qui est vraiment présidé par le DG. […] On l’appelle le comité de pilotage de la responsabilité populationnelle » (D206). Le CSSS offre une formation à l’interne à l’ensemble de ses cadres en mettant à contribution les ressources de l’Initiative de

partage des connaissances et de développement des compétences (IPCDC) et il lance la mise en œuvre de programmes selon un modèle de responsabilité populationnelle. Dans cette démarche la direction attend une contribution des OC pour que l’habitude de « travailler avec la communauté » dépasse la première ligne : « On s’était dit on va se faire la main avec deux projets, mais vraiment dans une approche populationnelle où nos organisateurs communautaires en fait sont très, très impliqués » (D206).

Les OC du CSSS B, répartis sur chacun des cinq territoires de CLSC, travaillent en équipe avec les agents de prévention-promotion (PP) formant des équipes de trois ou quatre intervenants par territoire : « Mes champions ce sont mes OC et mes agents PP » (D206). Le programme Vieillir en santé sert de projet pilote. Il est porté par un OC sénior qui accompagne dans son déploiement l’équipe d’OC et d’agents de prévention- promotion d’un territoire de CLSC de façon qu’ils puissent continuer par eux-mêmes au moment où l’OC sénior reprendra la même démarche d’initiation avec une autre équipe territoriale. Cet « apprentissage » devra profiter aux équipes programmes du CSSS : « Mais les OC on veut qu’ils soient intégrés dans les équipes des directions [de programmes]. Dans chacun des CLSC on demande aux directions de les inviter pour qu’ils puissent travailler avec leurs équipes parce qu’il faut qu’ils soient branchés avec les équipes de ces directions » (D206). On attend en fait des OC qu’ils concentrent leurs efforts sur des interventions reliées aux programmes : « Continuez d’agir, mais faites-nous la démonstration qu’il y a un lien avec les programmes. Et si vous ne la faites pas ou si vous ne pouvez pas la faire, on va questionner votre rôle, on va questionner votre implication » (O513).

La tendance du réseau de la santé et des services sociaux c’est de définir des modèles à faire descendre dans les communautés comme l’illustrent les programmes de santé publique basés sur les meilleures pratiques. La jonction de l’organisation communautaire et de la prévention-promotion dans une même équipe (D206), l’idée de « mettre tout ça ensemble pour faire un “melting pot” » (D930), ouvre la porte à la définition par le CSSS non seulement des mandats, mais aussi des modes d’intervention des OC : « Vraiment là, il manque des services dans cette communauté-là, alors là je me sers de l’OC et je dis… […] il faudrait vraiment qu’on développe ça parce qu’il manque des services » (D206). Le développement des communautés devient non plus une stratégie pour que la communauté se prenne en main, mais un mandat défini par l’établissement : « Et là dans le fond, c’est moi qui leur donne le mandat de regarder pour développer ça dans la communauté. C’est du développement de la communauté quand même. Regarde ça : qu’est-ce qu’on pourrait faire, parce qu’il y a un problème là, et c’est qui les organismes existant qui peuvent aider » (D206). Cette tendance se manifeste aussi pour le fonds de partenariat dont disposent les CSSS et qui permet d’allouer des ressources de caractère ponctuel à des organismes communautaires : « Ce sont des sous qui sont réservés au développement des communautés » (O616). Les CSSS ont décidé, dans le but d’en

accroître la performance, de modifier les règles d’attribution : « Du saupoudrage, on n’en fait plus. Des petits 500 $, on dit non. On veut des projets d’envergure, mais [dont] on convient tout le monde que c’est une priorité pour notre territoire et que l’on travaille ensemble » (D206). « Ce qu’il faut faire c’est de s’assurer que les actions vont être vraiment porteuses et que ça ne sera pas du financement déguisé d’organismes communautaires » (D524).

5.1.1.2. Les initiatives de rapprochement avec le milieu

Regroupant cinq territoires de MRC, dotés chacun à l’époque d’un CLSC, le CSSS B a choisi de mettre en place une stratégie d’occupation de son territoire avec une perspective d’ensemble, mais en voulant respecter la couleur locale. L’organigramme prévoit donc que la direction générale adjointe est responsable des communications avec les communautés et que chaque territoire de CLSC se voit en outre désigner « un directeur répondant » (D206). Sur chacun de ces territoires, on met en place un comité de santé et services sociaux où se retrouvent des représentants de la MRC, les attachés politiques des députés, une personne représentant l’Agence de la santé et des services sociaux et la directrice générale adjointe du CSSS qui agit comme « la courroie de transmission entre tous les comités de santé et le directeur répondant » (D206). La planification stratégique du CSSS a donné lieu à une tournée des territoires : « On a rencontré des partenaires de la communauté dans chacun des secteurs pour les consulter sur qu’est-ce que devraient être nos priorités » (D206). La direction du CSSS A, elle aussi, a fait une tournée de son territoire avec l’OC et compte sur ses liens avec les acteurs du milieu pour concrétiser la responsabilité populationnelle (D930).

Ces efforts sont bien perçus dans les milieux : « Alors là quand même, on sent qu’il y a plus une stabilité et surtout une volonté en termes de partenariat. On est là-dedans actuellement, à se faire courtiser [comme] réseau des partenaires du CSSS » (C411). Le rapprochement passe aussi par des initiatives qui créent des liens directs : « Avec le nouveau directeur général du CSSS, […] le conseil d’administration se déplace. Comme là en novembre il va venir siéger ici. […] Ça crée un rapprochement. Puis ils invitent notre population à assister à la rencontre qui est publique. Avant la rencontre, il y a une rencontre d’échange avec nos maires » (D309).

5.1.1.3. L’organisation des CSSS et la pratique de l’organisation communautaire

Le territoire Des Fermes n’était pas desservi par un OC au moment de la collecte de données. La situation a été corrigée depuis, mais elle a mis en lumière certains effets de la création des CSSS sur la pratique de l’organisation communautaire. Le territoire a été desservi par un OC qui y a mené toute sa carrière depuis l’ouverture du CLSC et a pris sa retraite il y a quelques années. La personne qui l’a remplacé est en congé sans solde pour expérimenter un autre emploi ailleurs. Pour la coordonnatrice de la CDC les fusions successives d’établissements au cours des dix dernières années « ça vient jouer au niveau de la stabilité »

puisqu’avec l’étendue du territoire couvert par le CSSS « on se ramasse souvent avec des jeunes personnes qui commencent dans leur travail […] qui ne viennent pas du milieu, qui ne connaissent pas du tout la réalité » (C102). Si on ajoute les congés de maternité et l’instabilité des remplacements, le territoire se trouve en déficit de soutien. Cette analyse est confirmée par la directrice générale adjointe du CSSS qui explique que l’application de la convention collective de travail sur des territoires regroupés provoque des phénomènes d’instabilité de personnel. Sur les territoires de CLSC, « les gens habitaient surtout dans le territoire, ils connaissaient le territoire et ils étaient plus proches de la communauté » (D206). Suite à la fusion, les membres du personnel « peuvent appliquer sur des postes dans tout le territoire. Ils peuvent avoir des postes plus rapidement et ils peuvent se déplacer. Donc c’est un des inconvénients qu’effectivement ça ouvre la porte à un roulement de personnel » (D206) puisque la provenance de la personne candidate ne l’empêche pas de postuler pour un poste éloigné qui se trouve quand même sur le territoire du CSSS. Consciente des effets de cette situation et du fait que « c’est long à créer des liens de confiance et comment travailler en partenariat » (D206), elle a donc pris des mesures d’atténuation : « Je suis allée chercher un ancien OC qui était très apprécié du milieu et qui habite le territoire et je lui ai demandé de venir être le mentor de mes deux jeunes qui étaient là et de voir à leur intégration dans le milieu » (D206).

Autre effet connexe de la création des CSSS, l’éloignement du milieu : « Le CLSC on allait dans les besoins des populations » (O307). Le nouveaux établissements, du fait de leur taille et de leur territoire de desserte n’ont plus la souplesse organisationnelle qui permettait cette proximité, de telle sorte que « avec nos structures, nos refontes organisationnelles, on a tassé des activités qui donnaient des résultats intéressants », notamment « au niveau du dépistage » (O307). Avec les CSSS, « on est dans une institution qui n’a jamais été aussi loin de ses communautés locales. Ils sont obligés de mettre sur pied un forum des partenariats » (O011).

La disparition des territoires de CLSC représente une perte particulièrement pour des milieux ruraux : « On avait un CLSC, une entité » (C411). Le CLSC installé sur le territoire faisait partie des institutions locales. Avec les processus des fusions, le point de service est demeuré, mais « comme territoire nous on s’est considérés pendant quelque temps perdant dans tout ça » (C411). Les acteurs locaux se retrouvent en relation avec un établissement qui dessert « un territoire aussi grand que cinq MRC » (C411). C’est la liaison directe de l’établissement avec le territoire d’appartenance qui se perd dans ce processus : « On a été un réseau de partenaires, finalement pendant deux ans presque complètement là, ce que l’on a senti c’est que le réseau de la santé se regardait » (C411). Lorsque s’ajoutent les effets de roulement de personnel, il devient difficile d’établir des liens : « tu as une nouvelle personne aux six mois » (C411).

Comme employeurs des OC, les CSSS sont dans les SLA à la fois comme partenaires et comme dispensateurs de services de soutien. La liaison avec le milieu passe donc à la fois par les rapports que les directions tiennent à développer et entretenir elles-mêmes avec les acteurs locaux dans le cadre de l’exercice de leur responsabilité populationnelle, et par le travail professionnel des OC qui est généralement reconnu par les partenaires aussi bien au niveau de la liaison avec le CSSS qu’au niveau du soutien à l’action communautaire et aux démarches d’action concertée. Le passage des structures de l’échelle CLSC à l’échelle CSSS impose une révision des rapports entre la direction et les OC de façon à clarifier l’apport de chacun dans les pratiques de liaison.

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