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2.2. Cadre conceptuel de la recherche

2.2.3. Dimensions de la logique d’action

2.2.3.2. La situation d’action

Pour comprendre le comportement du dirigeant de PME et le rendre intelligible, l’acteur

« doit être mis en présence de la situation d’action » (Amblard et al., 2005, p. 210). Ces

auteurs expliquent que les dimensions relatives à l’acteur n’apportent pas un éclairage complet et préconisent d’analyser la situation d’action, deuxième composante de l’équation à travers les instances suivantes :

- Contexte historique et institutionnel :

En sociologie des organisations, la priorité est d’abord accordée à l’analyse interne et aux variables endogènes pour comprendre le fonctionnement de l’ensemble étudié, au détriment des variables relatives à l’histoire et à l’environnement. Le raisonnement des logiques

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147 d’action tel que proposé par Amblard et al. (2005) préconise de procéder à un rééquilibrage des pondérations relatives à chaque type de variables, endogènes et exogènes. Dans ce sens, les auteurs expliquent que l’intégration de telles variables permet de renforcer la compréhension d’un même phénomène en changeant d’angle d’analyse. En effet, les choix de l’acteur peuvent également s’éclairer au moyen de références historiques et institutionnelles, comme le marché, l’histoire, les institutions et le contexte historique ainsi qu’un éclairage macro-social (Amblard et al., 2005).

Dans la littérature mobilisant l’approche d’Amblard et al. (2005), cette dimension se traduit par les règles macro-environnementales et l’environnement (marchés et institutions) (Schieb-Bienfait et Sylvander, 2004). Concrètement, il s’agit du cadre juridico-politique, l’état du marché et de la concurrence, la situation générale du système économique, le climat social, les spécificités structurelles et dynamiques des activités du lieu d’implantation de l’entreprise, la politique gouvernementale (aides, fiscalité, gestion des infrastructures) (Guyot et Vandewattyne, 2004). Dans le domaine de la RSE, cette dimension est en lien avec les travaux proposant d’analyser les pratiques RSE des PME dans le cadre des contextes historique, institutionnel et économique notamment national (Campbell, 2007 ; De Matten et Moon, 2008) ainsi qu’à travers les pressions des parties prenantes comme l’Etat (Quairel et Auberger, 2005 ; Murillo et Lozano, 2006 ; Williamson et al., 2006 ; Santos, 2011).

- Instance symbolique et mythique :

L’entreprise a ses mythes (ses héros, ses figures de démons, ses boucs émissaires, ses pères et ses fils) qui fondent les catégories avec lesquelles les communautés humaines pensent et vivent le monde (Amblard et al., 2005).

Dans leur travail pour adapter le cadre d’Amblard et al. (2005) à l’entrepreneuriat, Guyot et Vandewattyne (2004) proposent des éléments contextuels relevant de ces instances. Ils citent par exemple le système de valeurs en vigueur dans une société à un moment donnée, le climat culturel (disponibilité à prendre des risques et à accepter l’échec, perception des difficultés liées à la création, importance et respect portés aux petites entreprises et leur propriétaire, type de socialisation des enfants dans le système éducatif, attitudes pro-entrepreneuriales) ou encore l’impact du contexte local sur la formalisation des identités professionnelles.

De par leurs spécificités, les PME semblent offrir un terrain favorable pour la prolifération et le développement de symboles et de mythes comme héros, figures de démons, boucs émissaires, success-stories et nous retrouvons aujourd’hui diverses histoires relatant la trajectoire de dirigeants à succès. En matière de DD, d’autres récits traitent et valorisent le

148 rôle sociétal joué par certaines PME. En effet, dans le cadre de la RSE, beaucoup de dirigeants cherchent aujourd’hui à construire une image citoyenne et engagée de leur entreprise (Sen et Cowley, 2013), notamment à travers la mise en œuvre de procédures formalisées comme les labels et les certifications ou encore en communiquant dans leurs discours leurs actions responsables. L’intégration des instances symbolique et mythique dans l’analyse des logiques d’action des dirigeants pourrait dans ce sens apporter un éclairage complémentaire pour comprendre leur engagement RSE.

- Dispositif de la situation :

Cette dimension touche aux dispositifs matériels, matière, équipements, infrastructures (Guyot et Vandewattyne, 2004 ; Amblard et al., 2005). La forme d’un objet, ses fonctions, ses potentialités, ses rigidités permettent de comprendre la stratégie développée par les acteurs ainsi que les systèmes de règles qui sont mis en place pour gérer les objets. (Amblard et al., 1996). Les auteurs précisent que « de l’agencement des diverses entités d’une situation naissent des contraintes qui expliquent les raisons d’apparition de telle ou telle logique

d’action » (Amblard et al., 2005, p. 214)

Dans leur adaptation de l’approche d’Amblard et al. (2005) à l’entrepreneuriat, Guyot et Vandewattyne (2004) expliquent que cette dimension constitue un contexte pouvant jouer un rôle positif ou négatif, et l’appréhendent à travers les infrastructures, la dimension géographique du contexte de la création notamment en termes d’infrastructures disponibles et de spécialisation spatiale, barrières à la création liées à l’intensité technologique de l’activité (Guyot et Vandewattyne, 2004). Dans le champ de la RSE, le manque de ressources a été souvent cité comme principal frein à l’engagement des PME (Bowen, 2002 ; Ammenberg et Hjelm ; 2003 ; Berger-Douce, 2008 ; Lepoutre et Heene, 2006). L’intégration du dispositif de la situation pourrait amener à une meilleure compréhension des logiques d’action à l’œuvre face à l’adoption des pratiques sociétales par ce type d’entreprises.

- Histoire de l’entreprise :

Cette instance renvoie à une étude historique interne de l’entreprise avec ses succès, ses déboires et ses difficultés (Guyot et Vandewattyne, 2004). L’histoire du cadre restreint permet d’identifier le passé vivace dans la mémoire collective des membres qui produit certains

« types de comportements, des habitudes, des cultures, des systèmes d’équivalences qui permettent à ceux qui font l’entreprise d’évoluer dans un même monde, une même « cité ». […] L’approche historique de l’entreprise, dans son déroulement certes, mais également

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dans sa dimension synchronique, en tant que cité réalisée, s’impose également à l’analyse. »

(Amblard et al., 2005, p. 215).

Concernant l’engagement sociétal, la prise en compte des antécédents ou accidents antérieurs en rapport avec la PME, notamment dans ses relations avec ses différentes PP, nous permettraient de mieux comprendre la logique d’action de son dirigeant face à la RSE. Ces éléments de l’histoire de la PME peuvent induire des types de comportements favorisant ou pas la responsabilité envers les PP.

Nous proposons dans le tableau 3.3 suivant une synthèse des différentes dimensions du concept de logique d’action.

Tableau 3. 3: Une revue de la littérature sur les dimensions des logiques d’action

Constituants Dimensions

Acteur

Stratégique

- Objectifs poursuivis (Schieb-Bienfait et al., 2009), intentions et buts (Schieb-Bienfait et Sylvander, 2004 ; Guyot et Vandewattyne, 2004). - Ressources mobilisées dont l'acteur peut et a intérêt à se servir (Bienfait et Sylvander, 2004 ; Guyot et Vandewattyne, 2004 ; Schieb-Bienfait et al., 2009).

- Contraintes telles qu’interprétées par l’acteur (Schieb-Bienfait et Sylvander, 2004 ; Guyot et Vandewattyne, 2008).

Social-historique

- Histoire de vie (Amblard et al., 2005), ancrage micro-social (caractéristiques individuelles) (Guyot et Vandewattyne, 2008)

- Identité professionnelle : Parcours professionnel individuel (formation de départ et diplômes) et expérience de travail (postes et niveaux de responsabilités exercés) (Amblard et al., 2005 ; Schieb-Bienfait et Sylvander, 2004 ; Guyot et Vandewattyne, 2008).

Groupale et

pulsionnelle

Groupale : Environnement immédiat de l’acteur constitué des groupes, relations et réseaux : familiaux, professionnels et sociaux (Schieb-Bienfait et Sylvander, 2004 ; Guyot et Vandewattyne, 2004, 2008 ; Schieb-Bienfait et al., 2009)

Pulsionnelle : Personnalité et pulsions traversant l’entreprise ou l’acteur (Guyot et Vandewattyne, 2004 ; Schieb-Bienfait et al., 2009).

Situation d’action Contexte historique

et institutionnel Variables exogènes : marché, histoire, institutions, contexte historique et éclairage macro-social (Amblard et al., 2005). Instances symbolique

et mythique

Mythes de l’entreprise fondant les catégories avec lesquelles les communautés humaines pensent et vivent le monde : héros, figures de démons, boucs émissaires, success-stories (Amblard et al., 2005).

Dispositif de la

situation Dispositifs matériels, équipements, infrastructures (Guyot et Vandewattyne, 2004 ; Amblard et al., 2005).

Histoire de

150

3. C

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