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1.3. Précisions conceptuelles

1.3.1. Principales définitions de la RSE

Si la RSE a été parmi les sujets de recherche les plus explorés durant les cinquante dernières années et a suscité l’intérêt des chercheurs et des professionnels (Mathews, 1997), de nombreux chercheurs ont tenté de « fournir des définitions du concept sans pour autant qu’un

consensus ne se dégage » (Zeribi et Boussoura, 2007, p.3). Nous chercherons dans ce qui suit

à exposer une revue de la littérature des principales définitions du concept de la RSE proposées dans les travaux portant sur ce thème.

Bowen (1953) a soutenu, d’une manière normative et idéaliste (Bowen, 1978), que le concept se réfère aux obligations de l’homme d’affaires de poursuivre des politiques, prendre des décisions, ou de suivre des lignes d’actions concordant avec les objectifs et les valeurs de la société (Falck et Heblich, 2007). Une décennie après, d’autres travaux ont participé au développement de ce concept tel que Davis (1960), Fredrick (1960) et McGuire (1963). Ces

22 auteurs, comme Bowen, ont fait référence uniquement à l’homme d’affaires. Il a fallu attendre le travail de Davis (1967) pour finalement élargir la définition de la RSE aux institutions et entreprises (Falck et Heblich, 2007).

Plusieurs définitions de la RSE ont ainsi été proposées dans la littérature et souvent il n’y a pas eu de définitions claires et consensuelles, ce qui a accentué l’ambigüité du concept (Carroll, 1979) et rendu difficile son développement théorique et sa mesure (Mc Williams et al., 2006). Des arguments d’ordre sémantique pourraient être avancés à ce niveau pour expliquer cette situation. Comme l’expliquent Gond et Mullenbach (2004), les trois termes « Responsability », « Accountability » et « Reliability » sont traduits par « Responsabilité ». Cette confusion persiste pour le terme anglo-saxon « social » qui peut recouvrir aussi bien le terme « social » que « sociétal ». En effet, selon Soors (1981, cité par Toublan, 1995), le terme « social » est relatif aux travailleurs de l’entreprise. Alors que « sociétal », selon Amadieu (1999, cité par Gond et Mullenbach-Servayre, 2005, p.94), c’est une notion intégrant l’ensemble des impacts et répercussions humaines et sociales de l’activité de l’entreprise. Ces difficultés au niveau de la traduction de notions venues d’outre-Atlantique semblent ainsi entraver l’adoption d’une définition consensuelle de la part des chercheurs. Nous présentons dans le tableau 1.1 suivant les principales définitions proposées.

Tableau 1. 1 : L’évolution des définitions de la responsabilité sociétale2

Source Définition

1. La RSE va au-delà de l’intérêt économique direct de la firme.

Bowen (1953)

La RSE renvoie à l'obligation, pour les hommes d'affaires, de mettre en œuvre les politiques, de prendre les décisions et de suivre les lignes de conduite qui répondent aux objectifs et aux valeurs considérées comme désirables par notre société.

Davis (1960) La RSE est la considération de la firme et sa réponse à des problèmes qui vont au-delà de ses engagements économiques, techniques et légaux pour atteindre le « social benefit ».

McGuire (1963) L'idée de responsabilité sociétale suppose que l'entreprise n'a pas seulement des obligations légales ou économiques, mais qu'el le possède également des responsabilités envers la société, lesquelles vont au-delà de ces obligations. Backman (1975) La RSE renvoie aux objectifs ou aux raisons qui donnent une âme aux

affaires plutôt qu'à la recherche de la performance économique. Hay, Gray et Gates

(1976) la responsabilité sociétale pousse les entreprises à « prendre des décisions et à s’engager » Jones (1980) La responsabilité sociétale est [l'idée] selon laquelle les entreprises, au-delà des prescriptions légales ou contractuelles ont une obligation envers les acteurs sociétaux.

2. La RSE consiste à maximiser le profit pour les actionnaires

2 Source : Gond, J.P., Mullenbach-Servayre, A. (2004), « Les fondements théoriques de la responsabilité

CHAPITRE 1 : De la RSE dans l’univers des PME

23 Friedman (1962) Rien n'est plus dangereux pour les fondements de notre société que l'idée

d'une responsabilité sociétale des entreprises autre que de générer un profit maximum pour leurs actionnaires.

Friedman (1970) La responsabilité sociétale de l'entreprise est d'accroître ses profits. Elle consiste, à utiliser ses ressources et à s'engager dans des activités destinées à accroître ses profits, pour autant qu'elle respecte les règles du jeu c'est-à-dire celles d'une concurrence ouverte et libre sans duperie ou fraude.

3. La RSE consiste à répondre aux attentes de la société de façon volontaire

Caroll (1979) La responsabilité sociétale est ce que la société attend des organisations en matière économique, légale, éthique et volontaire, à un moment donné. Manne (1972) Un autre aspect de la définition de la RSE est que le comportement des

firmes doit être volontaire. Ackerman et Bauer

(1976) La RSE est l’obligation d’assumer quelque chose. Une approche en termes de sensibilité (Responsiveness) est plus juste car elle permet de répondre à la demande sociale plutôt que de décider quoi faire.

4. La RSE se compose d’un ensemble de principes se déclinant aux niveaux

institutionnel, organisationnel et managérial

Wood (1991) La responsabilité sociétale ne peut être appréhendée qu'à travers l'interaction de trois principes : la légitimité, la responsabilité publique et la discrétion managériale. Ces principes résultant de trois niveaux d'analyse, institutionnel, organisationnel et individuel.

Swanson (1995) La RSE intègre une double perspective de contrôle social de la société sur l'entreprise et de respect volontaire par l'entreprise d'un ensemble de devoirs. Ces deux orientations se déclinent au niveau de macro-principes institutionnels et organisationnels et de micro-principes mis en œuvre dans les processus de prise de décision.

5. La performance sociétale comme intégration des multiples approches de la

responsabilité sociétale (principes, processus, etc.)

Carroll (1979) La PSE est l'articulation et l'interaction entre (a) différentes catégories de responsabilités sociétales, (b) des problèmes spécifiques liés à ces responsabilités et (c) des philosophies de réponse à ces problèmes.

Wartick et Cochran

(1985) La PSE est l'interaction sous-jacente entre les principes de responsabilité sociétale, le processus de réceptivité sociétale et les politiques mises en œuvre pour faire face aux problèmes sociaux.

Wood (1991) La PSE est une configuration organisationnelle de principes de responsabilité

sociétale, de processus de réceptivité sociétale et de programmes/politiques/résultats observables liée aux relations sociétales de l'entreprise.

6. La performance sociétale de l’entreprise comme capacité à satisfaire les stakeholders

Clarkson (1995) La PSE peut se définir comme la capacité à gérer et à satisfaire les différentes parties prenantes de l'entreprise.

Outre le milieu académique visant à comprendre le comportement responsable des entreprises, la notion de RSE semble aujourd’hui évoluer sous l’impulsion de différents types d’acteurs aux objectifs différents. Le premier est constitué des pouvoirs politiques et publics intéressés par les préoccupations et enjeux du DD comme les grandes ONG et les mouvements anti-mondialisation qui cherchent à diffuser massivement la philosophie de la RSE grâce à diverses initiatives de sensibilisation et d’accompagnement des entreprises à tous

24 les niveaux : du local au global. Le second milieu est celui du monde professionnel davantage pragmatique et préoccupé par l’identification de règles et codes de conduite ainsi que des outils destinés aux acteurs de terrain en quête de normalisation.

Dans ce cadre, Déjean et Gond (2004) distinguent définitions académiques et définitions institutionnelles de la RSE. Ces auteurs précisent que les définitions académiques du concept cherchent à établir « un cadre d’analyse général indépendant des objectifs propres à une

organisation donnée » (Déjean et Gond, 2004, p.14). Alors que les définitions élaborées dans

la sphère institutionnelle spécifient que l’engagement de l’entreprise doit dépasser les obligations et les attentes réglementaires tout en tenant compte des PP les plus significatives pour l’organisation. Parmi les différentes contributions proposées pour définir la RSE, la définition institutionnelle de la Commission Européenne (CE) qui a publié en juillet 2001 un Livre Vert consacré à la promotion d’un cadre européen pour la RSE semble être la plus fédératrice et de nature à permettre de rapprocher les objectifs de ces différents milieux puisqu’elle a été utilisée dans plusieurs recherches académiques (Perrini et al., 2007 ; Dupuis et al., 2007 ; Jenkins, 2006). Selon la CE (2001), la RSE est définie comme « l'intégration volontaire des préoccupations sociales et écologiques des entreprises à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes. (…)Être socialement responsable signifie non seulement satisfaire pleinement aux obligations juridiques applicables, mais aussi aller au-delà et investir "davantage" dans le capital humain,

l'environnement et les relations avec les parties prenantes.» (CE, 2001, p.7). En octobre 2011

et en s’inspirant de la norme ISO 26000 (2010), la commission a redéfini la RSE comme l’engagement des entreprises, « en collaboration étroite avec leurs parties prenantes, dans un processus destiné à intégrer les préoccupations en matière sociale, environnementale, éthique, de droits de l’homme et de consommateurs dans leurs activités commerciales et leur

stratégie de base» (CE, 2011).