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2.1. Des spécificités des PME

1.1.2. Principales notions périphériques

Selon Faber (2000), le terme entrepreneur évoque la notion de «self-made-man ». Cependant, l’entrepreneur n’est pas obligatoirement un créateur puisqu’il peut avoir hérité ou racheté une entreprise créée par un autre. En effet, si l’on dépasse cette première notion de créateur d’entreprise, l’entrepreneur se caractérise par un comportement proactif vis-à-vis de l’environnement (Observatoire des PME, 2005). Dans cette optique, un dirigeant qui privilégie une approche centrée sur la gestion au détriment du développement de ses activités, ne peut être qualifié d’entrepreneur. De même, cette qualité n’est pas non plus réservée au dirigeant (Marchesnay et Fourçade, 1997).

1.1.2.1.Entrepreneur et dirigeant-propriétaire

En raison du chevauchement entre ces deux termes : entrepreneur et dirigeant de PME (Grandclaude et Nobre, 2013), plusieurs travaux ont cherché à approfondir cette ambiguïté (Faber, 2000). Nous citons d’abord, Marchesnay et Fourcade (1997) qui appellent à la différenciation entre dirigeant et entrepreneur. Ces auteurs expliquent que la désignation d’entrepreneur ne peut se limiter aux dirigeants de la PME puisqu’un salarié d’une grande entreprise peut également être innovateur et preneur de risque et donc avoir un comportement entrepreneurial. Ils ajoutent ensuite que qualificatif n’est généralement pas durable, selon les circonstances externes et les opportunités qui se présentent à eux.

Par ailleurs, Martin (1982) affirme que « la créativité entrepreneuriale est différente de la créativité artisanale du dirigeant- propriétaire », ce qui pourrait être expliqué par le type de

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69 relations qu’entretient le dirigeant avec l’entreprise. En effet, selon Fonrouge (2002)

« l’entrepreneur entretient avec son entreprise des relations éminemment plus affectives que le manager ou le salarié. L’idée innovante lui appartient, les méthodes sont les siennes et il

entend faire comme bon lui semble ». Mc Clelland (1961) affirme également que

l’entrepreneur est présent dans les différentes fonctions de son entreprise en exécutant des tâches diverses ; contrairement au dirigeant-propriétaire qui est plutôt dans la recherche de l’accomplissement de soi. Carland et al. (1984) font écho au postulat de Mc Clelland (1961) et présentent le dirigeant-propriétaire comme un individu qui établit et qui gère l’entreprise pour réaliser des buts personnels. Alors que l’entrepreneur est présenté comme un individu innovant, ayant une préférence pour la création et dont le but principal est de réaliser du profit.

Dans sa thèse, Richomme (2000) a dressé un tableau comparatif entre entrepreneur et dirigeant propriétaire sur la base de différents critères distinctifs qui sont : le profil psychologique, le profil sociologique, les motivations et d’autres caractéristiques (Tableau 2.3).

Tableau 2.3. La distinction entre entrepreneur et dirigeant- propriétaire11

Critères Entrepreneur Dirigeant- propriétaire Auteurs

Profil psychologique - Forte internalité - Besoin d’autonomie - Besoin de pouvoir - Besoin de domination - Faible internalité - Besoin d’indépendance - Besoin de socialisation - Besoin d’appartenance Rotter (1966), McClelland (1965), Kets de vries (1986),Timmons (1971), Hornaday (1982), MacGraw et Marchesnay (1997) Profil sociologique - Père entrepreneur - Logique entrepreneuriale - Reproduction et amélioration de modèles familiaux - Père indépendant. - Logique d’insertion sociale. - Reproduction de modèles familiaux ou d’archétypes. Shapero et Sokol (1992), Brockhaus (1982), Cooper et Dunkelberger (1984), Sabourin (1987), Kombou (1986), Pendéliau (1997), Bonnet (1998) Motivations

- Créer pour revendre - Exploiter une idée - Profit et croissance - Innovation - Autonomie - Pouvoir, puissance - Convoiter un statut social

- Continuer une tradition familiale, pérennité - Buts personnels - Obtenir un revenu - Indépendance - Pas d’autre solution

Laufer (1975), Bamberger (1983), Gervais (1978), Boswell (1971), Julien et Marchesnay (1988), Lafuente et Salas (1989), Bauer (1993), Pendéliau (1997), Carland et al (1984) 11 Source : Richomme (2000, p 89)

70 Caractéristiques - Comportement innovant - Pratiques de management stratégique - Entrepreneur CAP - Logique entrepreneuriale - Imbrication entreprise et famille - Implication totale de temps et de ressources - Extension de la personnalité - Entrepreneur PIC -Logique patrimoniale Julien et Marchesnay (1988), Kemelgor (1985), Carland et al (1984),

1.1.2.2.Dirigeant-propriétaire et manager professionnel

D’une manière générale, les PME sont gérées par le dirigeant- propriétaire (Riordan et Riordan, 1993). Néanmoins, nous relevons, dans la littérature, différentes typologies de dirigeants de ce type d’organisations selon le critère du type de propriété. A titre d’exemple, Julien (1990) cite celles proposées par Deeks (1973), Gélinier et Gaultier (1974) et Barry (1978). Deeks, (1973) distingue l’artisan, le propriétaire-dirigeant, le propriétaire-participant, le propriétaire-dirigeant fondateur et le propriétaire-dirigeant héritier. Quant à Gélinier et Gaultier (1974) et Barry (1978), ils différencient principalement entre l’entreprise familiale (transmise à un membre de la famille) et personnelle où les fondateurs détiennent toujours le contrôle. Par conséquent, plusieurs moyens peuvent mener vers le poste de dirigeant, selon la structure de gouvernance de la PME. Ces modes d’accession sont multiples et Pigé (2002) en a dressé une typologie. L’auteur considère que chaque dirigeant, propriétaire ou pas, s’est appuyé sur au moins un point fort pour accéder à cette fonction.

Quand le dirigeant est propriétaire, deux cas se présentent : (1) ce dernier appartient au milieu familial des actionnaires ou des dirigeants ou (2) il peut avoir créé sa propre entreprise, un mode nécessitant des compétences spécifiques et notamment une acceptation plus forte du risque. D’autres facteurs tels que l’environnement familial ou l’expérience professionnelle peuvent expliquer cet attrait pour l’entrepreneuriat.

Dans le cas des dirigeants non propriétaires ou managers professionnels, le mode d’accession peut provenir des réseaux relationnels. Il peut s’agir de réseaux liés à l’appartenance à une même institution, que ce soit une institution de formation, ou même un centre de réflexion ou de discussion. Le rôle des réseaux ne s’arrête souvent pas à l’obtention du poste de dirigeant, mais il peut influer sur la stratégie de l’entreprise et sur sa performance (Donckels et Lambrecht, 1997). Un dirigeant peut également accéder au poste grâce à une légitimité interne, c’est le cas d’un cadre de l’entreprise qui est promu pour ses compétences managériales, techniques et humaines ; ou grâce à une expertise externe en termes de vision stratégique ou des compétences managériales reconnues. L’accès au poste peut également

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71 provenir d’une prise de contrôle externe, dans le cas où le dirigeant s’impose en devenant actionnaire majoritaire (Pigé, 2002).

En dépit de l’existence d’un débat autour de son rôle et de son métier, pour Dyer (1989), un manager professionnel est avant tout un dirigeant ayant suivi une formation dans une école de commerce dans des domaines comme la finance, la production, la comptabilité ou la gestion des ressources humaines. En effet, l’auteur stipule que les dirigeants ayant suivi une formation en management correspondent généralement aux critères de professionnalisme proposés par Schein (1968), dans la mesure où (l) leurs actions sont motivées par un ensemble de principes généraux ou de propositions indépendantes du contexte particulier qui se présente, (2) ils sont considérés comme étant des «experts» dans le domaine du management et de leur capacité à définir ce qui est «bon» pour le client, (3) leurs relations avec les clients sont perçues comme utiles et objectives, (4) ils accèdent au statut de dirigeant par l'accomplissement contrairement au dirigeant-propriétaire dont le statut se base sur ses liens avec la famille, et (5) ils appartiennent à des associations intégrant d'autres collègues professionnels. Dans ce cadre, Dyer (1989) précise que cela ne veut pas dire que tous ceux qui suivent une formation en gestion sont nécessairement des managers professionnels et préconise que seuls les dirigeants qui correspondent aux critères indiqués par Schein (1968) devraient être considérées comme des managers professionnels.

Cette distinction entre dirigeant salarié et propriétaire transparait également dans les travaux de Marchesnay et Fourcade (1997). Ces auteurs précisent que même si le « patron » dispose généralement du statut de dirigeant-propriétaire, il peut également être un salarié, ayant le statut de gérant ou de Président-Directeur-Général. Selon son statut, dirigeant ou salarié, la légitimité et le pouvoir décisionnel varient. En effet, le propriétaire, unique ou majoritaire, dispose d’une indépendance quant au choix de la politique générale de sa PME. Par contre, le pouvoir du dirigeant salarié dépend de la confiance que lui accordent les propriétaires de l’entreprise.

Schein (1983) aborde les différences entre les dirigeants-propriétaires et les managers professionnels en termes d’analyse des problèmes, d’exercice du pouvoir et de leurs rapports avec les autres (Tableau 2.4). Il considère que les propriétaires se distinguent par des caractéristiques qui proviennent d’une part de leurs personnalités et d’autre part de leur

72 position structurelle en tant que propriétaire (Ellouze Karray, 2005). Contrairement aux managers professionnels qui détiennent leur pouvoir de leur position hiérarchique et dont la prise de décision est fondée sur une analyse logique et rationnelle plutôt que sur l’intuition. Il affirme que les fondateurs des PME familiales sont fortement influencés par leur propre vision des produits et services de leur entreprise, qu’ils ont tendance à être intuitif dans leur prise de décision et que leur pouvoir se base sur la propriété. Il atteste également que les managers professionnels entretiennent des relations à caractère impersonnel avec leur entourage, en contraste avec les dirigeants-propriétaires qui motivent généralement leur entourage par leur comportement charismatique et optent pour un style de gestion informel (Dyer, 1989).

Tableau 2.4: Fondateurs- propriétaires versus managers professionnels12

Fondateurs- propriétaires Managers professionnels

Motivation et orientations émotionnelles Les entrepreneurs/ fondateurs/ propriétaires sont :

- Orientés à créer et à construire - Cherchent la réussite

- Orientent eux- mêmes, s’inquiètent de leur image, ont besoin de gloire

- Jaloux de leurs prérogatives, ont besoin de plus d’autonomie

- Loyaux envers leur compagnie « locale » - Capables et volontaires à prendre des risques modérés dans le cadre de leur autorité

Les managers professionnels sont :

- Orientés vers la consolidation, la survie et la croissance

- Influencés et orientés par le pouvoir - Orientés vers l’organisation, s’inquiètent

de l’image de marque de l’entreprise - Intéressés par le développement de

l’organisation et des subalternes

- Loyaux envers la profession du management « cosmopolitaine »

- Capables de prendre des risques, mais avec plus de prudence et ont besoin de soutien. Orientations analytiques

- Premièrement intuitifs, confiants dans leurs propres intuitions

- Projettent à long terme

- Heuristiques ; capables de voir l’image et son motif globalement

- Premièrement analytiques, beaucoup de prudence concernant l’intuition

- projettent à court terme

- Spécifiques ; capables de voir les images en détails et leurs conséquences

Orientations interpersonnelles

- « Particulier » dans le sens où ils voient les individus comme des individus

- Personnels, politiques, concernés - Centralisant et autocratiques - Liens familiaux comptés

- Emotionnels, impatients, s’ennuient Facilement

- « Universalistes » dans le sens où ils voient les individus comme des membres de plusieurs catégories tels que des employés, des clients, des fournisseurs, etc.

- Interpersonnels, rationnels, non engagés - Participatifs, orientés vers la délégation - Les liens familiaux n’ont pas d’utilité - Non émotionnels, patients et obstinés

12 Le contenu du tableau est une traduction de l’anglais au français proposée par Ellouze Karray (2005) à partir

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Différences structurelles/ de positions

- Ont des privilèges et ont des risques qui se rapportent à la propriété de la société - Ont une position de sécurité à travers

l’avantage de la propriété

- Sont généralement très bien vus et ont toute l’attention des autres

- Ont le soutien des membres de la famille dans l’entreprise

- Ont une obligation de traiter avec les membres de la famille et de décider des priorités familiales relatives à celles de l’entreprise

- N’ont presque pas de supérieurs, le conseil d’administration est sous leur contrôle

- Ont une propriété minimale, d’où moins de privilèges et de risques

- Ont une position moins sécurisante, doivent prouver leur existence constamment

- Sont souvent invisibles et on ne leur accorde pas beaucoup attention

- Travaillent seuls ou avec des personnes n’appartiennent pas à la famille

- Ils n’ont pas à s’inquiéter des priorités de toute la famille, qui sont par définition inutiles

- Ont des supérieurs hiérarchiques, le conseil d’administration n’est pas sous leur contrôle