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La signification différente attribuée au silence de l’administration répond à deux logiques qui ne doivent pas être opposées Elles sont même complémentaires La décision

B./ La décision implicite d’acceptation, instrument d’une réduction du temps administratif

25. La signification différente attribuée au silence de l’administration répond à deux logiques qui ne doivent pas être opposées Elles sont même complémentaires La décision

afin de lutter contre le « déni de justice »85 et de favoriser l’extension du recours pour excès de pouvoir. Ainsi le rejet des décisions des administrés en cas de silence du ministre au bout de quatre mois statuant sur « des recours contre les décisions d’autorités qui leur sont subordonnés » a été consacré par le décret impérial du 2 novembre 186486. Cette règle est ensuite étendue, par la loi du 17 juillet 190087, à l’ensemble des refus des administrations de répondre aux réclamations relevant de la compétence du Conseil d’État puis, par la loi du 7 juin 1956,88 à l’ensemble de la juridiction administrative.

La décision implicite d’acceptation s’inscrit pour sa part dans une logique d’action. Le mécanisme a pour but d’inciter l’administration à répondre explicitement aux demandes dans les meilleurs délais. Si elle renforce indéniablement les droits de l’administré-demandeur, la décision implicite d’acceptation ne constitue pas, pour autant, une rupture fondamentale au profit d’un droit subjectif au détriment de l’intérêt général ou des droits des tiers. Déjà présente dans certains domaines comme l’urbanisme où elle est le principe depuis 197089, la consécration de la décision implicite d’acceptation en tant que principe pour l’ensemble des démarches administratives traduit plutôt une évolution naturelle du mécanisme vers une plus grande prise en compte du temps administratif. Elle constitue une contrainte supplémentaire à la charge de l’administration de traiter la demande dans un délai raisonnable fixé, en principe à deux mois.

Le nombre de demandes soumises au principe du « silence vaut accord » a alors progressivement augmenté. L’article 22 de la loi du 12 avril 200090 reconnaissait, dans sa version initiale, la possibilité au pouvoir réglementaire d’instaurer des décisions implicites d’acceptation par décret en Conseil d’État. De même, la circulaire du Premier ministre du 7 octobre 1999 prévoyait qu’en cas de saisine par voie électronique, l’administration d’État

85 E. LAFERRIÈRE, Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, Paris, Berger-Levrault, 2e éd., 1896, T. 2, p. 433.

86Décret impérial du 2 novembre 1864 relatif à la procédure devant le conseil d’État en matière contentieuse et aux règles à suivre par les ministres dans les affaires contentieuses, op. cit.

87 Loi du 17 juillet 1900 portant modification de la loi du 23 octobre 1888 relative à la création d’une section temporaire du contentieux au conseil d'État, op. cit.

88 Loi n° 56-557 du 7 juin 1956 relative aux délais de recours contentieux en matière administrative, JORF, 10 juin 1956, p. 5327.

89 Décret n° 70-446 du 28 mai 1970 portant règlement d’administration publique pour l’application de l’article 87 du Code de l’urbanisme et de l’habitation et relatif au permis de construire, JORF, 31 mai 1970, p. 5064. 90 Loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations,

doit donner, en principe, une réponse de « qualité [et] personnelle dans le délai d’une semaine ». Préconisée par le rapport de la mission de lutte contre l’inflation normative de mars 201391, la décision implicite d’acceptation est alors naturellement consacrée, par la loi du 12 novembre 2013 et au nom de l’objectif de célérité administrative, en principe.

La critique de la lenteur administrative est loin d’être récente. Des auteurs du XIXe siècle92 ou du début du XXe siècle93 l’ont exprimée. Toutefois, il convient de distinguer au sein des critiques relatives au système bureaucratique celles relatives à la « maladministration » supposée ou fantasmée, liée au caractère « autoritaire » et « inefficient »94 de l’action administrative et celles ciblées sur la lenteur de l’administration dans le traitement des demandes des administrés. Les premières critiques sont consubstantielles au développement du pouvoir de l’administration95 et à la crise du modèle de l’État-providence. Elles

91 A. LAMBERT et J-C. BOULARD, « Rapport de la mission de lutte contre l'inflation normative », 26 mars 2013, p. 89.

92 « […] On ne peut dissimuler combien l’administration française est lente, embarrassée, chargée de complication […] On prodigue la correspondance et les écritures. La signature seule de ces myriades de pièces consume un temps énorme […] Pour la moindre difficulté, l’instruction d’une affaire est suspendue ; les pièces sont renvoyées, des explications demandées, de nouvelles formalités prescrites […] C’est ainsi que le temps se perd, que les dossiers s’enflent et que des légions de commis deviennent nécessaires. On se ferait difficilement une idée des lenteurs qui résultent de cette organisation, et des précautions minutieuses qui viennent encore les prolonger […] Un temps considérable se perd dans le voyage des dossiers. Il faut calculer par mois, si ce n’est pas année, la durée d’une affaire […] Les communes, les particuliers qui ne peuvent se plier à ces lenteurs finissent par ne plus prendre souci de l’administration ; on passe outre, et on la laisse délibérer gravement sur des questions qui sont résolues en fait. Plus d’une fois, on l’a vue examiner encore si une construction serait autorisée, une rue ouverte, longtemps après que la dernière pierre avait été posée ou que le public circulait librement. Voilà où conduit l’abus des écritures et la longueur des formalités. » in A-F. VIVIEN, Étude administratives, T. 1, Librairie de Guillaumin et Cie, 3e éd., 1859, pp. 343-349.

93 « Combien de fois arrive-t-il que l’administré erre, pendant de longues heures ou des journées consécutives à travers les couloirs renvoyé de bureau en bureau, sans arriver à rencontrer ou à trouver le fonctionnaire qui doit l’entendre ! » in J. PARRICAL de CHAMMARD, Le recours contre le déni de l’administration. Étude de l’article 7 du décret du 2 novembre 1864 et de l’article 3 de la loi du 17 juillet 1900, éd. Émile Larose, 1911, p. 20.

94 Pour reprendre la terminologie économique communément employée par des organismes internationaux comme la Banque mondiale ou l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) : http://info.worldbank.org/governance/wgi/index.aspx - home.

95 H. de BALZAC, Les employés, 1838, éd. Livres & Ebooks, p. 10 : « Ainsi s’établissait lentement la médiocrité de l’Administration française. Entièrement composée de petits esprits, la bureaucratie mettait un obstacle à la prospérité du pays, retardait sept ans dans ses cartons le projet d’un canal qui eût stimulé la production d’une province, s’épouvantait de tout, perpétuait les lenteurs, éternisait les abus qui la perpétuaient et l’éternisaient elle-même » ; A. de TOCQUEVILLE, De la démocratie en Amérique, éd. Institut Coppet, T. 4, 1848, réd. 2012, p. 606 : « ce despotisme administratif […] au-dessus [des administrés], s’élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d’assurer leurs jouissances, et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux […] Après avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu, et l’avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses bras sur la société tout entière ; il en couvre la surface d’un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient se faire jour pour dépasser la foule ; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les

s’expriment notamment avec la théorie du new public management, dont le programme de Révision générale des politiques publiques est le symbole96. Les critiques relatives au délai d’instruction des administrations sont plus spécifiques. Elles s’inscrivent dans la recherche de l’optimisation du temps administratif devenue de plus en plus centrale dans une logique de compétitivité mondiale entre États. Ce mouvement se rattache à un « nouveau terrain d’étude de la science administrative [que] serait la « chronoadministration », consacrée à l’étude des rapports entre l’administration et l’écoulement du temps »97. La décision implicite d’acceptation semble, à première vue, répondre à cette exigence. Elle apparaît comme l’un des mécanismes visant à « accélérer les délais d’instruction de la part des services administratifs puisque le temps ne travaille plus pour eux »98. À défaut de réponse dans un délai précis, un accord est automatiquement délivré par l’administration. Cette pression sur l’administration doit l’inciter à une plus grande réactivité.

26. La réduction du temps administratif constitue plus encore une priorité pour les

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