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A./ L’exigence d’une procédure textuelle

138. Si la demande adressée à l’administration ne s’inscrit dans aucune procédure,

l’exception législative, selon laquelle le silence de l’administration au bout de deux mois donne lieu à une décision implicite de rejet, s’applique.

139. Le rapport du Conseil d’État de 2014 portant sur l’application du nouveau principe

« silence de l’administration vaut acceptation » livre une définition de la notion de « procédure ». Il s’agit de « tout cadre juridique […] permettant à un administré d’adresser une demande à l’administration tendant à l’édiction par celle-ci d’une décision d’acceptation ou de rejet »405. Une ambiguïté surgit dans la définition proposée. Il semble qu’il y avoir une confusion entre le mécanisme de la décision implicite et la signification attribuée à cette décision administrative, qu’elle soit de rejet ou d’acceptation. En effet, si la procédure, telle qu’elle est définie par le rapport, est une condition nécessaire à la formation d’une décision implicite, de rejet comme d’acceptation, cela signifie, a contrario, qu’aucune décision implicite ne peut naître en l’absence de procédure. Or l’article L. 231-4 du Code précise que « le silence gardé par l’administration pendant deux mois vaut décision de rejet […] 2° Lorsque la demande ne s’inscrit pas dans une procédure prévue par un texte législatif ou réglementaire »406. Ainsi, l’absence de procédure « dans les textes » ne fait pas obstacle à la naissance d’une décision implicite. Seulement, cette dernière est alors nécessairement de rejet. Le rapport crée donc une confusion entre deux éléments distincts : le mécanisme de la

405 CE, « L’application du nouveau principe “silence de l’administration vaut acceptation” », La doc. fr., juin 2014, p. 52.

406 Cette exception législative a été introduite par la loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 portant réforme du « silence vaut accord » modifiant l’article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000.

décision implicite et le sens de la décision créée. L’attribution mécanique d’une signification négative au silence de l’administration à une demande ne correspondant à aucune procédure illustre la finalité contentieuse de la décision implicite de rejet. La naissance de cette décision, alors même que l’administration saisie est incompétente407, permet ensuite de porter la réclamation devant le juge administratif. C’est au nom du droit au recours qu’une décision implicite de rejet naît408.

En revanche, et dans la lignée du rapport du Conseil d'État de 2014, la condition selon laquelle la demande doit s'inscrire dans une procédure s'entend largement. Un texte doit habiliter expressément l'administration à se prononcer sur cette dernière.

À titre d’illustration, les demandes des parents d’élèves de repas scolaires prenant en compte les restrictions alimentaires ne sont prévues, en l’état du droit, par aucune procédure textuelle. Par conséquent, en cas de silence de la commune au bout de deux mois, ces demandes font l’objet d’une décision implicite de rejet. En revanche, il en va différemment si le règlement intérieur prévoit expressément une procédure de demande de repas personnalisé.

Les procédures instaurées par des acteurs privés non habilités à agir en tant qu’administration ne sont pas non plus soumises au principe du « silence vaut accord ». Ainsi, il a été jugé qu’une procédure prévue seulement par des engagements privés donnait lieu à une décision implicite de rejet409

Ainsi, ce qui compte est qu'un texte habilite l'administration à donner son accord. L’exigence d’une forme textuelle exclut de facto les dispositions jurisprudentielles, sources du droit non

407 Dans le même ordre d’idée, l’article 20 de la loi du 12 avril 2000, codifié ensuite à l’article L. 114-3 du CRPA, prévoit que le délai au terme duquel naît une décision implicite de rejet commence à courir dès réception de la demande par l’administration initialement saisie, alors même que celle-ci peut s’avérer incompétente. Ainsi, la compétence et la volonté de l’administration n’interviennent pas dans le processus fictif de formation de la décision implicite de rejet. Sur le caractère fictif du mécanisme de la décision implicite, V. supra n° 12 et s.

408 CE, Avis, 23 oct. 2017, Diemert, n° 411260, Rec. T. p. 432 : « Il découle des exigences attachées au respect du droit constitutionnel au recours une règle générale de procédure selon laquelle, en l’absence de texte réglant les effets du silence gardé pendant plus de deux mois par l’administration sur une demande, un tel silence vaut décision de rejet susceptible de recours ». V. infra n° 332.

409 CE, 26 juil. 2018, Soc. Fnac Darty, req. n° 414654, Rec. T. p. 511 : « […] cette procédure est uniquement prévue par les engagements qui ont été proposés par le groupe Fnac et incorporés dans la décision du 27 juillet 2016 autorisant la concentration, sans l’être, ainsi qu’il vient d’être dit, par une quelconque disposition législative ou réglementaire. Dès lors, il résulte de l’article L. 231-4 du code des relations du public avec l’administration précité que le silence gardé par l’Autorité de la concurrence sur la demande de Fnac Darty ne pouvait valoir que décision de rejet ».

écrites. De même, la « tradition bien établie » et la « coutume »410 ne permettent pas, par exemple, de rattacher la demande d’inhumation d’un archevêque dans une cathédrale411 dans le champ d’application de la décision implicite d’acceptation.

Le rapport du Conseil d'État de 2014 cite comme exemples de demandes non prévues par une procédure textuelle les demandes de dérogations ou les demandes annexes ou périphériques se greffant à une procédure telles que la demande d’allongement de délais pour la production de pièces dans le cadre de l’instruction d’une demande d’autorisation. Il en est de même de la tolérance définie comme « un choix de s'abstenir face à une illégalité commise par un administré »412 qui ne peut être organisé par un texte413 dès lors que l'administration est chargée de respecter la légalité. Elle rentre alors dans la catégorie d'exception législative pour laquelle une décision implicite de rejet s'applique. Dans le cas contraire, la demande rentre dans le champ d'application matériel de la décision implicite d'acceptation, du moins n'est pas exclue du champ d'application sur ce motif.

Enfin, pour être pleinement dans le champ matériel de la décision implicite d'acceptation, cette procédure textuelle doit être prévue par une loi ou un règlement.

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