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A./ L’exigence constitutionnelle d’une autorisation explicite

206. Un frein au mécanisme de l’autorisation implicite par le Conseil Constitutionnel.

Par les décisions Protection des sites du 26 juin 1969617 et Loi d’orientation et de

programmation relative à la sécurité du 18 janvier 1995618, le Conseil constitutionnel précise les conditions du recours à la décision implicite d’acceptation pour l’octroi d’autorisations administratives. Le Conseil considère que seul le législateur peut déroger au sens négatif attribué au silence de l’administration. Toutefois, la compétence législative n’est pas fondée sur l’article 34 de la Constitution. Elle repose sur un nouveau principe général du droit, consacré à cette occasion par le Conseil constitutionnel : le principe de la décision implicite

616 Annexe n° 3-1 : Catégorisation des exceptions de droit. Les 9 % des procédures non classées seraient des doublons, des procédures supprimées ou ne correspondant à aucun des deux types d’exclusion.

617 Cons. const., n° 69-55 DC, 26 juin 1969, Protection des sites, JORF, 13 juil. 1969, p. 7161, Rec. p. 27, note

in L. FAVOREU et L. PHILIP, Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, Dalloz, 12e éd., 2003, n° 18. 618 Cons. const., n° 94-352 DC, 18 janv. 1995, Loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité,

de rejet619. La jurisprudence constitutionnelle se démarque alors de la jurisprudence administrative, le Conseil d’État refusant d’attribuer à la décision implicite de rejet une autre valeur que réglementaire620.

Ces deux décisions illustrent la méfiance suscitée par le développement de la décision implicite d’acceptation. Le Conseil constitutionnel considère que seule une loi peut assouplir le mécanisme de l’autorisation administrative préalable expresse.

Dans la décision Protection des sites de 1969, le Conseil constitutionnel est saisi par le Premier ministre, en vertu de l’article 37 alinéa 2 de la Constitution, d’une demande tendant à l’appréciation de la nature juridique de plusieurs dispositions législatives antérieures à la Constitution de 1958. Parmi ces dispositions, les articles 9 et 12 de la loi du 2 mai 1930 prévoient que le propriétaire ne peut procéder à la destruction ou à la modification d’un site ou monument naturel classé, ou en instance de classement, qu’après avoir obtenu l’autorisation préalable explicite du ministre des Affaires culturelles621. Pour le Gouvernement, ces dispositions législatives n’entraient pas dans le champ de l’article 34 de la Constitution. Dès lors, il envisageait de les modifier en substituant à l’autorisation explicite un système d’autorisation implicite. En considérant que la décision implicite de rejet est un principe général du droit, auquel seul le législateur peut déroger, le Conseil constitutionnel souhaite éviter le développement, par la voie réglementaire, du mécanisme de la décision implicite d’acceptation.

207. Cette première décision de 1969 est approfondie par la décision Loi d’orientation et

de programmation relative à la sécurité du 18 janvier 1995. Non seulement le Conseil

constitutionnel affirme que seul le législateur « peut déroger au principe général selon lequel

619 « Considérant que, d’après un principe général de notre droit, le silence gardé par l’administration vaut décision de rejet et, qu’en l’espèce, il ne peut y être dérogé que par une décision législative » in Cons. const., 26 juin 1969, op. cit. Le Conseil constitutionnel confirme cette position dans la décision du 18 janvier 1995, op. cit. : « Considérant [que le législateur] peut déroger au principe général selon lequel le silence de l’administration pendant un délai déterminé vaut rejet d’une demande ». L’innovation provient de François Luchaire qui « propose de faire référence dans la décision à un principe général du droit selon lequel le silence de l’administration vaut rejet et non consentement » in Cons. const., Compte rendu de la séance du 26 juin 1969, p. 11, accessible en ligne sur le site du Conseil.

620 CE, Ass., 27 fév. 1970, Commune de Bozas, req. n° 76380, Rec. 1970, p. 139, chron. de R. DENOIX de SAINT MARC et D. LABETOULLE., AJDA, n° 4, 1970, pp. 225-226.

621 Article 12 de la loi du 2 mai 1930 ayant pour objet de réorganiser la protection des monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, JORF, 4 mai 1930, p. 5004.

le silence de l’administration pendant un délai déterminé vaut rejet d’une demande », mais il considère également que, « compte tenu des risques que peut comporter pour la liberté individuelle l’installation de systèmes de vidéosurveillance, il ne peut subordonner à la diligence de l’autorité administrative l’autorisation d’installer de tels systèmes sans priver alors de garanties légales les principes constitutionnels ci-dessus rappelés »622. Le Conseil censure alors la disposition législative mettant en place un mécanisme d’autorisation implicite pour l’installation des systèmes de vidéosurveillance sur les bâtiments publics ou ouverts au public. Le mécanisme de la décision implicite d’acceptation ne peut pas être institué lorsque l’exercice des libertés publiques constitutionnellement garanties, telles que la liberté individuelle, la liberté d’aller et venir ou l’inviolabilité du domicile, s’y oppose.

208. Par ces deux décisions, le Conseil constitutionnel semble avoir posé les conditions du

recours au mécanisme de la décision implicite d’acceptation. Ainsi le Conseil d’État reconnaît, presque trente ans après le Conseil constitutionnel, la valeur de principe général du droit de la décision implicite de rejet623. Ensuite, le législateur adopte la loi du 12 avril 2000 fixant un cadre juridique de recours à la décision implicite d’acceptation. Le législateur ne suit que partiellement l’analyse du Conseil constitutionnel. En effet, si la loi du 12 avril 2000 reconnaît la décision implicite de rejet comme principe à valeur législative, le législateur habilite, dans le même temps, le pouvoir réglementaire à instituer, par décret en Conseil d’État, les cas pour lesquels le silence vaut acceptation de la demande624. Ainsi, et contrairement

aux décisions du Conseil constitutionnel Protection des sites du 26 juin 1969 et Loi

d’orientation et de programmation relative à la sécurité du 18 janvier 1995, le mécanisme de

la décision implicite d’acceptation ne relève pas exclusivement de la compétence du

622 Cons. const., 18 janv. 1995, Loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité, op. cit, cons. n° 12. 623 CE, 14 fév. 2001, Ministre de l’emploi et de la solidarité c/ M. Bouraïb, req. n° 202830, Rec. T. pp. 793 et 955 : « Considérant que les dispositions précitées ne font pas obstacle à ce qu’une décision implicite de rejet soit acquise par application de l’article R. 102 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel alors applicable, issu du principe général du droit selon lequel le silence gardé par l’administration vaut décision de rejet ». Le Conseil d’État s’aligne sur la position du Conseil constitutionnel. Il le fait aussi en anticipant l’intervention du législateur. Le rapporteur public, dans ses conclusions sur cette décision, fait directement référence à la future loi du 12 avril 2000, corroborant la volonté du Conseil d’État de s’aligner sur la position du Conseil constitutionnel.

624 Art. 21 al. 1er de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, op. cit. : « Sauf dans les cas où un régime de décision implicite d’acceptation est institué dans les conditions prévues à l’article 22, le silence gardé pendant plus de deux mois par l’autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet ».

législateur. Ce dessaisissement au profit du pouvoir réglementaire range la règle du silence vaut rejet au rang des « non-principes généraux du droit »625. En revanche, l’habilitation du pouvoir réglementaire est encadrée par un certain nombre d’exceptions de droit, reposant sur la contrariété d’une éventuelle décision implicite aux exigences constitutionnelles et conventionnelles626. Le mécanisme des exceptions de droit résulte donc de la jurisprudence constitutionnelle Loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité du 18 janvier 1995.

209. À partir de la jurisprudence constitutionnelle, une autorisation explicite est nécessaire

lorsqu’est en cause la protection d’une liberté ou d’un droit à valeur constitutionnelle ainsi qu’en matière de protection du domaine public.

210. L’autorisation explicite nécessaire pour la protection d’une liberté ou un droit à valeur constitutionnelle. Dans la décision du 18 janvier 1995, le Conseil constitutionnel fait

référence aux libertés publiques constitutionnellement garanties, telles que la liberté individuelle, la liberté d’aller et venir, l’inviolabilité du domicile et le respect de la vie privée627. Ainsi, il a été jugé que l’application du mécanisme de la décision implicite d’acceptation est contraire à la Constitution s’agissant des autorisations de vidéosurveillance installées sur les bâtiments publics ou ouverts au public. Parmi les exceptions de droit recensées par le Gouvernement, la protection des libertés semble être au fondement des procédures exclues telles que le concours de la force publique, l’autorisation donnée aux agents de surveillance et de gardiennage d’exercer une mission sur la voie publique, l’agrément pour les palpations en cas de circonstances particulières ou dans les manifestations sportives, récréatives ou culturelles, l’agrément national ou interdépartemental de sécurité civile ou la demande d’exclusion volontaire des salles de jeux par l’intéressé628. La notion est entendue ici dans un sens large comme tout ce qui n’est pas rangé en tant que libertés

625 J.-F. LACHAUME, « Les non-principes généraux du droit » in Mélanges en l’honneur de B. Jeanneau, Dalloz, 2002, pp. 161-181.

626 Art. 22 al. 1er de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, op. cit. : « Toutefois, ces décrets ne peuvent instituer un régime de décision implicite d’acceptation lorsque les engagements internationaux de la France, l’ordre public, la protection des libertés ou la sauvegarde des autres principes de valeur constitutionnelle s’y opposent ».

627 Ibid, cons. n° 3.

628 Ces procédures sont listées dans le décret n° 2014-1294 du 23 octobre 2014 relatif aux exceptions à l’application du principe « silence vaut acceptation » ainsi qu’aux exceptions au délai de deux mois de naissance des décisions implicites sur le fondement du 4° du I de l’article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000.

collectives qui seront étudiées ultérieurement. Elle ne doit être confondue en aucun cas avec l’approche restrictive de la liberté individuelle au sens de l’article 66 de la Constitution telle qu’interprétée par le Conseil constitutionnel629 comme le droit à la sûreté et à l’encadrement des mesures privatives de liberté630.

Ainsi, l’objectif est de vérifier si le mécanisme de la décision implicite d’acceptation ne porte pas atteinte à une liberté ou un droit individuel au point que l’autorisation explicite soit nécessaire pour en assurer sa protection.

211. Le Conseil d’État a fait sien, en matière de domanialité publique, le raisonnement

développé par le Conseil constitutionnel.

212. La protection du domaine public. Par une décision du 21 mars 2003, le Conseil

d’État a considéré « qu’en vertu de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, auquel se réfère le Préambule de la Constitution, la protection du domaine public est un impératif d’ordre constitutionnel ; que le pouvoir réglementaire ne pouvait donc légalement instaurer un régime d’autorisation tacite d’occupation du domaine public, qui fait notamment obstacle à ce que soient, le cas échéant, précisées les prescriptions d’implantation et d’exploitation nécessaires à la circulation publique et à la conservation de la voirie »631. Au nom de l’exigence constitutionnelle de protection du domaine public, le mécanisme de la décision implicite d’acceptation est inapplicable aux permissions de voirie publique, formulées par les opérateurs de télécommunications.

213. En faisant référence à l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du

citoyen, le Conseil d’État se fonde sur l’obligation constitutionnelle de protection de la

629 Cons. const., n° 99-411 DC, 16 juin 1999, Loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière et aux

infractions sur les agents des exploitants de réseau de transport public de voyageurs, JORF, 19 juin 1999, p. 9018, Rec., p. 75, cons. n° 2 et 20.

630 J. ARRIGHI de CASANOVA, « La réception par le tribunal des conflits de la jurisprudence Conseil de la

concurrence », AJDA, n° 2, 2017, pp. 95-100 ; G. ÉVEILLARD, « Les matières réservées par nature à l’autorité judiciaire », AJDA, n° 2, 2017, pp. 101-111.

631 CE, 21 mars 2003, Syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l’électricité et les réseaux

(SIPPEREC), req. n° 189191, Rec. p. 144 ; note de P. SUBRA de BIEUSSES, AJDA, n° 36, 2003 pp. 1935- 1938 ; J. SOULIÉ, RFDA, n° 6, 2003, pp. 903-909.

propriété des personnes publiques632. Par conséquent, l’exclusion du mécanisme du « silence vaut accord » pourrait s’appliquer à l’ensemble des demandes ayant pour objet un bien public incluant également le domaine privé633. Pourtant, la Haute juridiction administrative insiste sur la spécificité de la domanialité publique. De manière encore plus significative, dans une décision du 19 juin 2015, le Conseil d’État ne fonde plus son raisonnement sur l’exigence constitutionnelle de protection de la propriété publique, mais il invoque « l’affectation normale du domaine public [et les] impératifs de protection et de bonne gestion de ce domaine » pour considérer qu’« une convention d’occupation du domaine public ne peut être tacite et doit revêtir un caractère écrit »634. L’autorisation écrite635 s’impose comme une garantie nécessaire à la protection constitutionnelle du domaine public. Les conclusions du rapporteur public sur cette affaire explicitent le raisonnement sous-jacent : « au-delà de la protection constitutionnelle dont il bénéficie au titre du droit de propriété, ce sont les principes généraux de la domanialité publique qui nous paraissent conduire à exclure le caractère verbal d’une convention domaniale. En effet, le domaine public est en principe affecté à l’usage de tous […] »636. C’est bien l’affectation du bien qui est déterminante. Le support écrit fixe les modalités et les limites de l’autorisation. Il permet ainsi de s’assurer du contrôle de l’administration sur la compatibilité de l’autorisation domaniale, en matière d’installation d’infrastructures de communications électroniques637, avec l’affectation du domaine public à la circulation terrestre638, dans le respect de l’environnement et de la qualité esthétique des

632 Cons. const., n° 86-207 DC, 25-26 juin 1986, Loi autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures

d’ordre économique et social, JORF, 27 juin 1986, p. 7978, Rec., p. 61, cons. n° 58 ; Cons. const., n° 94-346 DC, 21 juil. 1994, Loi complétant le code du domaine de l’état et relative à la constitution de droits réels sur le domaine public, JORF, 23 juil. 1994, p. 0635, Rec., p. 96, cons. n° 3 ; Cons. const., n° 2003-473 DC, 26 juin 2003, Loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, JORF, 3 juil. 2003, p. 1205, Rec., p. 382, cons. n° 18. 633 É. FATÔME, « À propos des bases constitutionnelles du droit du domaine public », AJDA, n° 23, 2003, pp. 1192-1200.

634 CE, Sect., 19 juin 2015, Soc. immobilière du Port de Boulogne, req. n° 369558, Rec. p. 208 ; chron. J. LESSI et L. DUTHEILLET de LAMOTHE, AJDA, n° 25, 2015, pp. 1413-1415. Une solution similaire a récemment été adoptée : CAA Bordeaux, 7 juin 2018, req. n° 16BX02711.

635 Il s’agit, en l’espèce, d’une convention d’occupation du domaine public. Toutefois, le raisonnement peut être étendu aux autorisations unilatérales. En matière de domanialité publique, l’accord implicite (reposant sur une fiction juridique), l’accord tacite (reposant sur des éléments de fait témoignant d’un accord de volonté) et la tolérance (c’est-à-dire le simple fait caractérisant l’abstention de l’administration : CE, 17 déc. 1975, Société Letourneur Frères et autres, req. n° 91873) ne sont pas admis. Malgré quelques hésitations jurisprudentielles (CAA Marseille, 18 déc. 2012, req. n° 11MA00981), il a été considéré que l’autorisation ne pouvait être orale. 636 N. ESCAUT, concl. sur CE, Sect., 19 juin 2015, Soc. immobilière du Port de Boulogne, op. cit., accessibles sur ArianeWeb.

637 CE, 21 mars 2003, SIPPEREC, op. cit. 638 Art. L. 47 du CPCE.

lieux, dans les conditions les moins dommageables pour les propriétés privées et le domaine public639 et dans le respect de l’intégrité des ouvrages et la sécurité des utilisateurs640.

214. L’exclusion du mécanisme de la décision implicite d’acceptation repose moins sur la

protection générale du domaine public que sur le respect des exigences constitutionnelles d’affection du bien à l’utilité publique, soit à l’usage direct du public, soit aux besoins d’un service public. L’affectation du bien explique l’interdiction du mécanisme du silence positif pour des biens du domaine privé ou appartenant au secteur privé dès lors qu’ils sont encore affectés à l’utilité publique641. A contrario, la présence d’une décision implicite d’acceptation ou tacite642 est possible pour des biens appartenant au domaine public, dès lors que l’autorisation concernée ne modifie pas l’affectation du bien.

215. La distinction, qui peut sembler à contre-courant de la logique unitaire sous-tendant

la domanialité publique643, s’explique par la volonté du législateur de prévoir des mécanismes de « valorisation » du domaine public. En effet si, en principe, la plupart des biens affectés à l’utilité publique appartiennent logiquement au domaine public644, aucune obligation constitutionnelle n’exige que ces biens relèvent de cette catégorie. Le législateur peut transférer certains biens au domaine privé, dès lors que les exigences d’affectation sont respectées. Ainsi, dans une décision du 21 juillet 1994, le Conseil constitutionnel considère « qu’il incombe au législateur lorsqu’il modifie les dispositions relatives au domaine public de ne pas priver de garanties légales les exigences constitutionnelles qui résultent de

639 Art. 45-9 du CPCE. 640 Art. R. 20-46 du CPCE.

641 Cons. const., n° 2005-513 DC, 14 avr. 2005, Loi relative aux aéroports, JORF, 21 avr. 2005, p. 6974, texte n° 3, Rec. p. 67, cons. n° 4 : « le déclassement d’un bien appartenant au domaine public ne saurait avoir pour effet de priver de garanties légales les exigences constitutionnelles qui résultent de l’existence et de la continuité des services publics auxquels il reste affecté ».

642 Le mécanisme tacite témoigne, par des éléments de fait, d’un accord de volonté. Le mécanisme implicite repose, en revanche, sur une fiction : la volonté n’intervient aucunement dans le processus normatif.

643 Bien que maintenue par le droit positif, la logique unitaire du domaine public est, de longue date, amplement relativisée par la doctrine. V. not. : la théorie de l’échelle de domanialité avec six catégories de dépendances domaniales (L. DUGUIT, Traité de droit constitutionnel, De Boccard, tome III, 3e éd., 1930, pp. 360 et s. ; F. MELLERAY, « L’échelle de la domanialité » in Mélanges en l’honneur de Franck Moderne, Dalloz, 2004, p. 287) ; la distinction entre une domanialité publique complète et un régime de domanialité publique restreinte (J. CAILLOSSE, « Faut-il en finir avec la domanialité publique ? », Études Foncières, n° 100, 2002, pp. 7-9). 644 Le domaine public est défini selon l’affection à l’utilité publique à l’article L. 2111-1 du CGPPP.

l’existence et de la continuité des services publics auxquels il est affecté »645. De même, le financement par crédit-bail d’infrastructures dont la propriété est transférée à une personne privée pendant la durée du contrat est légal dès lors que ce contrat « comporter des clauses approuvées par l’État et lui permettant de faire obstacle à ce que les prérogatives du crédit- bailleur ne soient incompatibles avec le bon fonctionnement du service public »646. Ainsi, même si le bien n’est plus dans le domaine public, les exigences constitutionnelles d’affectation à l’utilité publique devront être respectées. Or, ce respect passe par l’interdiction du mécanisme de l’autorisation implicite. Par exemple, le contrat de crédit-bail pour le financement d’un ouvrage prévu par un titre d’occupation constitutif de droit réel initialement sur le domaine public d’État, mais dont la propriété est transférée au bailleur pendant la durée du contrat, fait l’objet d’un agrément. En cas de silence de l’administration, une décision implicite d’acceptation naît au bout de deux ou quatre mois647. Le mécanisme instauré semble légal dans la mesure où la nature de l’agrément a pour objectif de vérifier les conséquences financières de l’opération sur les ressources de l’État. Toutefois, il ne porte pas, en tant que tel, sur le respect de l’affectation de l’ouvrage à l’utilité publique. Ce sont les clauses contractuelles du crédit-bail qui permettent d’assurer le respect des exigences constitutionnelles de continuité de service public648. Dès que les exigences constitutionnelles liées à la protection de l’affectation à l’utilité publique doivent être garanties, l’autorisation est nécessairement écrite, indépendamment de l’appartenance du bien au domaine public. En revanche, si l’autorisation n’est pas une garantie nécessaire au respect de ces exigences, l’autorisation écrite n’est plus obligatoire.

645 Cons. const., 21 juil. 1994, Loi relative à la constitution de droits réels sur le domaine public, op. cit., cons. n° 2 ; Cons. const., n° 96-380 DC, 23 juil. 1996, Loi relative à l’entreprise nationale France Télécom, JORF, 27 juil. 1996, p. 11408, Rec. p. 107, cons. n° 6.

646 Cons. const., n° 2002-460 DC, 22 août 2002, Loi d’orientation et de programmation de la sécurité intérieure,

JORF, 30 août 2002, p. 14411, Rec. p. 198, cons. n° 12. La solution s’aligne sur l’avis du Conseil d’État rendu une dizaine d’années auparavant : le financement par crédit-bail de la construction « TGV Sud-Est » suppose d’« assortir cette autorisation des précautions propres à garantir la pérennité de l’affectation des biens en cause et à assurer le respect de la mission de la SNCF » (CE, Ass., Avis, 30 mars 1989, TGV Sud-Est, n° 345332). 647 Art. R. 2122-27-4° du CGPPP. Le délai dérogatoire au délai de droit commun au terme duquel naît une

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