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B./ L’identification de la décision individuelle

153. Le code des relations entre le public et l’administration classe la décision

administrative en trois catégories : la décision réglementaire, la décision individuelle et la décision ni réglementaire, ni individuelle, qualifiée de décision d’espèce462. Le champ d’application matériel de la décision implicite d’acceptation dépend de cette classification tripartite. La frontière entre les trois catégories est pourtant ténue et sujette aux aléas jurisprudentiels.

À titre liminaire, il convient de rappeler que la décision qui touche à l’existence même d’une autre décision est, par effet attractif, du même caractère. Ainsi, une demande d’abrogation, retrait ou de modification d’une décision réglementaire donne lieu à une décision elle-même réglementaire463. Le raisonnement est identique pour une décision individuelle ou décision d’espèce. Distinguer les décisions d’espèce des décisions réglementaires n’a pas d’intérêt pour déterminer le sens du silence de l’administration, comme prévu par le Code464. En définitive, seule importe l’identification de la décision individuelle.

Celle-ci est personnelle et concrète465. Elle s’oppose alors aux autres catégories de décisions qui ont comme point commun de ne pas être personnelles. Pour identifier le champ d’application matériel de la décision implicite d’acceptation, il suffit, en principe, de

462 Art. L. 200-1 du CRPA.

463 CE, Ass., 8 juin 1973, Richard, req. n° 84601, Rec. p. 405.

464 Cette distinction présente toutefois un intérêt s’agissant du régime de la décision implicite de rejet.

465 La terminologie n’est pas toujours identique selon les auteurs. Le professeur Tusseau distingue la norme particulière de la norme générale : « Une norme est générale ou particulière selon l’étendue de ses destinataires. Elle est générale si elle s’adresse à absolument tous les individus ou à tous les individus dotés de certaines caractéristiques. Elle est particulière si elle s’adresse à un nombre spécifié ou à un nombre d’individus spécifiés » (G. TUSSEAU, Les normes d’habilitation, Dalloz, coll. « NBT », vol. 60, 2006, n° 621).

considérer l’ensemble des demandes donnant lieu à une décision personnelle (1°). Toutefois, par exception, certaines décisions personnelles portant organisation du service public sont réglementaires. Elles sont dès lors exclues du principe du « silence vaut accord » (2°).

1°) L’exigence du caractère personnel de la décision

154. Aucune décision implicite d’acceptation ne peut naître d’une demande tendant à

l’adoption d’une décision d’espèce466 ou particulière467, nécessairement apersonnelle468 et concrète, ou d’une décision réglementaire, impersonnelle et abstraite469. Pour l’étude, seul compte le caractère personnel ou nominatif470, à l’exception des décisions administratives liées à l’organisation du service public, pour identifier la décision individuelle. Ainsi, l’identification des demandes donnant lieu à une décision individuelle ne semble pas soulever de difficultés particulières. Il suffit de déterminer si l’agrément, l’inscription, l’autorisation,

466 I. POIROT-MAZÈRES, « Les décisions d’espèce », op. cit.

467 J.-F. LACHAUME, La hiérarchie des actes administratifs exécutoires en droit public français, LGDJ, coll. « BDP », T. LXV, 1966, p. 70. La terminologie doctrinale de « décision d’espèce », ou « décision particulière », est préférée aux terminologies « négatives » telles que celles de « décisions non réglementaires » ou « décision ni réglementaire ni individuelle ».

468 F. MELLERAY, « Les apports du CRPA à la théorie de l’acte administratif général », AJDA, n° 44, 2015, pp. 2491-2493. Le professeur Poirot-Mazères définit pour sa part la décision d’espèce comme étant « a- personnelle ». La décision d’espèce n’a jamais comme destinataires des sujets de droit mais visent uniquement des objets de droit in I. POIROT-MAZÈRES, « Les décisions d’espèce », RDP, n° 2, 1992, p. 486. L’auteur reprend notamment l’analyse du professeur Bergerès : « L’ignorance des destinataires est, pourrait-on dire, totale ou quasi-physique. Elle doit être soigneusement distinguée d’une ignorance d’ordre qualitatif qui est l’impersonnalité du règlement » in M.-C. BERGERÈS, « Les actes non réglementaires », AJDA, n° 1, 1980, p. 8. Dans le même sens : É. UNTERMAIER, Les règles générales en droit public français, LGDJ, coll. « BDP », 2011, n° 359-379.

469 É. UNTERMAIER identifie des règles de droit « qui n’établissent aucune relation entre un sujet et un objet, mais qui ont pour fonction de constituer les sujets et les objets du droit ». Ces normes statiques, qui constituent un objet, sont apersonnelles ; les normes qui constituent un sujet de droit sont amatérielles. À titre d’exemple, l’auteur cite la décision d’espèce apersonnelle et concrète suivante : « Le domaine de Brimborion, dans le domaine de Seine-et-Oise est un site pittoresque » ; comme exemple de décision réglementaire impersonnelle et amatérielle : « Les collectivités territoriales sont les départements, les communes, les régions et les collectivités d’outre-mer » in É. UNTERMAIER, Les règles générales en droit public français, op. cit., n° 273, 397 et tableau annexé p. 137. Dans le cadre de cette étude, ces sous-distinctions sont peu utiles. Le critère déterminant afin d’isoler la décision individuelle des autres décisions réside dans sa dimension personnelle. Si la décision administrative est apersonnelle, elle n’est pas, par définition, individuelle. Si elle est amatérielle, seule la dimension personnelle permet de l’identifier comme une décision individuelle.

470 Le qualificatif de personnel est préféré. Si la décision individuelle peut désigner des personnes identifiées nominativement par leurs noms et prénoms, elle peut également désigner des personnes identifiables par des caractéristiques concrètes de temps et de lieu. Il en est ainsi, par exemple, des arrêtés d’insalubrité visant les habitants d’un immeuble. Par ailleurs, la décision individuelle concerne les personnes, mais aussi les actes.

l’approbation, ou l’homologation sont bien individuels. Si le destinataire471 est nominativement identifié, alors la décision est individuelle. Toutefois, le destinataire ne doit pas être une personne juridique unique « sans équivalent »472 ou « de premier degré »473 comme le Président de la République, le Premier ministre, le Préfet de police de Paris ou la Banque de France. Dans ces hypothèses, la décision est réglementaire : le destinataire désigne la fonction ou l’organe et non la personne qui l’exerce. En revanche, quand la commune X, le préfet du département Y est désigné, il s’agit d’une décision individuelle, car ce sont des personnes juridiques « uniques au deuxième degré, c’est-à-dire qui appartiennent aussi à une catégorie plurielle de personnes »474.

En revanche, l’identification du caractère personnel de la décision administrative ne suffit pas s’agissant des décisions relatives à l’organisation du service public, qualifiées de réglementaires.

2°) L’exclusion de la décision portant organisation du service public

155. En « recadrant »475 la notion d’organisation du service public, la jurisprudence Institut

d’ostéopathie de Bordeaux du Conseil d’État du 1er juillet 2016476 étend la catégorie des décisions individuelles admises dans le champ d’application matériel de la décision implicite d’acceptation. Il est important de définir au mieux la nouvelle portée de l’exception (a), afin d’étudier ses conséquences sur le champ d’application de la décision implicite d’acceptation (b).

471 L’acte individuel peut comprendre plusieurs destinataires nominativement désignés comme dans le cas des résultats d’un concours ou les listes électorales. Dans ce cas, le qualificatif d’acte collectif est employé. V. B. SEILLER, « Acte administratif : Identification », Rép. Cont. adm. Dalloz, 2015, n° 389-390.

472 B. PLESSIX, Droit administratif général, op. cit., n° 844.

473 É. UNTERMAIER, Les règles générales en droit public français, op. cit., n° 169-173. 474 Ibid., n° 172.

475 J. LESSI, concl. sur CE, Sect., 1er juil. 2016, Institut d’ostéopathie de Bordeaux, op. cit., p. 1113.

476 CE, Sect., 1er juil. 2016, Institut d’ostéopathie de Bordeaux, req. n° 393082, Rec. p. 277, concl. J. LESSI,

RFDA, n° 6, 2016, pp. 1107-1118 ; note de G. ÉVEILLARD, Dr. adm., n° 3, 2017, comm. 10 ; étude de É. UNTERMAIER-KERLÉO, Dr. adm., n° 6, 2017, étude n° 11. Pour des jurisprudences reprenant la même formulation : CE, 3 oct. 2016, Chambre nationale des professions libérales, req. n° 390362, Rec. T. p. 603 et 694, concl. J. LESSI, accessibles sur ArianeWeb ; CE, 26 avr. 2017, Fédération de boxe américaine et discipline associées, req. n° 399945, Rec. T. p. 430, note de G. SIMON, AJDA, n° 28, 2017, pp. 1629-1631 ; CE, 12 mai 2017, Fédération, UNSA spectacle et communication, req. n° 385838, étude de Y. PAGNERRE et S. DOUGADOS, Dr. soc., 2018, p. 97.

a) Le changement opéré par l’arrêt Institut d’ostéopathie de Bordeaux

156. Dans cette décision, la Haute juridiction administrative restreint la notion d’acte

réglementaire lié à l’organisation du service public. Après avoir délimité les missions de service public de l’enseignement supérieur dévolues aux établissements de formation en ostéopathie, le Conseil d’État considère que « l’acte, dépourvu de caractère général et impersonnel, par lequel le ministre agrée ou refuse d’agréer chacune de ces écoles n’a pas, par lui-même, pour objet l’organisation d’un service public et ne revêt donc pas un caractère réglementaire »477. La seule participation au service public ne suffit plus à qualifier une décision de réglementaire. La décision constitue un infléchissement de la jurisprudence

Commune de Clefcy de 1969478. Désormais, la décision est réglementaire seulement si elle fixe, par elle-même, des règles d’organisation du service public.

157. Toute la difficulté est de savoir si la décision, en elle-même, doit comprendre les règles

d’organisation du service, ou si le simple renvoi à un pouvoir d’organisation prévu par un régime légal préétabli suffit. Le premier cas s’inscrit dans la logique de « recadrage » issue de la jurisprudence Institut d’ostéopathie de Bordeaux. L’arrêté désignant nominativement les organismes chargés du service public n’est pas réglementaire, « l’acte de désignation du délégataire n’organise rien par lui-même, mais confie un pouvoir d’organisation : il a un objet organisationnel par ricochet »479. Le pouvoir réglementaire conféré à l’organisme résulte de l’acte de désignation. De même, les décisions prises, pour l’organisation du service public, par un organisme agréé sont réglementaires. En revanche, une décision ne prévoyant que la désignation de l’organisme semble bien individuelle.

L’interprétation plus stricte de la notion d’acte d’organisation du service public est susceptible d’aboutir à une requalification des décisions d’approbation et d’homologation. Celles-ci

477 CE, Sect., 1er juil. 2016, Institut d’ostéopathie de Bordeaux, op. cit.

478 CE, Sect., 13 juin 1969, Commune de Clefcy, req. n° 76261, Rec. p. 308 : « l’arrêté en date du 2 février 1966 par lequel le sous-préfet de Saint-Dié avait précédemment institué ladite commission syndicale et lui avait donné une composition paritaire avait pour objet l’organisation même d’un service public ; que cet arrêté revêtait ainsi un caractère réglementaire ».

pourraient désormais être considérées comme des décisions individuelles et, à ce titre, être soumises au principe du « silence vaut accord ».

b) Les conséquences de l’arrêt Institut d’ostéopathie de Bordeaux sur le champ d’application matériel de la décision implicite d’acceptation

158. À la suite de l’arrêt Institut d’ostéopathie de Bordeaux de 2016, certaines décisions

d’approbation ou homologation deviennent individuelles (i). Cette requalification met en lumière les limites de la légistique gouvernementale puisque la liste Légifrance des procédures relevant du silence vaut accord n’apparaît plus à jour sur ce point (ii).

i) L’extension de la qualification de décision individuelle aux décisions d’approbation et d’homologation

159. La décision Institut d’ostéopathie de Bordeaux est susceptible d’étendre le champ

d’application de la décision implicite d’acceptation.

Contrairement aux actes de tutelle, qualifiés d’actes individuels480, le juge qualifie les décisions d’approbation et d’homologation d’actes réglementaires. Par exemple, l’arrêté approuvant les conventions conclues entre les caisses de sécurité sociale et les professionnels de santé481, la décision d’approbation de la convention constitutive d’un groupement d’intérêt public482, l’agrément d’approbation d’un règlement type à une fédération sportive483, les décisions ministérielles ou interministérielles approuvant les statuts du personnel de la SNCF484 ou les statuts d’une section professionnelle de la caisse nationale d’assurance

480 CE, Ass, 8 janv. 1971, URSSAF des Alpes maritimes, req. n° 71581 et 77034, Rec. p. 11 avec concl. M. Vught (arrêté d’approbation des statuts d’un organisme de sécurité sociale). Dans le même sens, s’agissant d’un arrêté préfectoral de constat de la liste des équipements reconnus d’intérêt commun d’un syndicat d’agglomération nouvelle : CE, 1er juil. 2016, Commune d’Emerainville, op. cit. ; CE, 12 juin 2002, Syndicat

interdépartemental de la protection sociale Rhône-Alpes CFDT, req. n° 231800, Rec. p. 210, concl. S. Boissard, AJDA, n° 12, 2002, pp. 848-849.

481 CE, Sect., 18 fév. 1977, Hervouet, op. cit.

482 CE, 18 juin 1997, Fédération syndicale des PTT, req. n° 143220, Rec. T. p. 630.

483 CE, 28 juil. 2000, Association nationale des courses pédestres hors stade, req. n° 158160, Rec. T. p. 1259. 484 CE, 11 oct. 2010, Fédération des Syndicats de Travailleurs du Rail Sud et autres, req. n° 327660, Rec. p. 375, concl. M. Vialettes, Dr. social, n° 2, 2011, pp. 186-195.

vieillesse des professions libérales485 ainsi que l’arrêté homologuant les tarifs de péages autoroutiers486 ont été considérés par le juge comme des actes réglementaires.

L’acte de tutelle, se limite au contrôle de la légalité de l’acte et ne modifiant en rien le contenu de la décision à contrôler487. Au contraire, la décision d’approbation - ou d’homologation - touche le contenu de l’acte. Lorsqu’elle prend une décision d’approbation, l’administration se comporte en « coauteur »488 de l’acte réglementaire pris par l’organisme chargé du service public. « Étant le consentement de l’administration à l’objet qui lui est soumis, l’approbation bien souvent change la nature et les effets de l’acte : une convention médicale approuvée possède les effets d’un acte réglementaire. En réalité, l’autorité qui approuve fait sien l’acte approuvé »489.

La décision d’approbation du statut du personnel de l’établissement public la Caisse française de développement, désormais dénommée Agence française de développement, est individuelle en tant qu’acte de tutelle490, tandis que la décision d’approbation des statuts des agents de l’établissement public SNCF est réglementaire491. La différence de nature de la décision d’approbation tient au fait que dans le second cas le statut du personnel est établi par des dispositions légales492 et réglementaires493. Or, les dispositions ont « confié à la commission mixte le soin de proposer des modifications du statut, à charge pour le ministre chargé des transports de les approuver ou non, sans que son approbation se résume à une simple homologation, dès lors qu’il est le seul à capacité décisionnelle »494. Le ministre n’est

485 CE, 19 sept. 2012, M. Sartini, req. n° 349087.

486 CE, 27 juil. 2011, Époux Millet, n° 199262, Rec. T. pp. 792 et 890. 487 B. PLESSIX, Droit administratif général, op. cit., n° 818.

488 CE, 28 juil. 2000, Association nationale des courses pédestres hors stade, op. cit. ; P. FERRARI, « Essai sur la notion de co-auteurs d’un acte unilatéral » in Mélanges Eisenmann, Cujas, 1975, pp. 215-229.

489 C. FARDET, « La notion d’homologation », Droits, n° 28, 1998, p. 186. Cette analyse reprend les idées développées in C. FARDET, L’homologation en droit administratif, Th. dactyl., Univ. Paris II, 1996, T. 1, pp. 122-154 ; 327-358. Selon l’auteur, les actes d’approbation, hors tutelle, sont toujours réglementaires, tandis que les actes d’homologation sont des décisions d’espèce.

490 CE, 17 mars 2004, Syndicat CGT de la Caisse française de développement, req. n° 253751, Rec. T. p. 636. L’arrêt ne qualifie pas expressément la décision d’individuelle. Qualifiée d’acte de tutelle, la décision « ne saurait donc être rangée dans la catégorie des actes réglementaires ».

491 CE, 11 oct. 2010, Fédération des syndicats de travailleurs du Rail Sud, op. cit. La décision est réglementaire du fait de la compétence du Conseil d’État en premier et dernier ressort, en vertu de l’article R. 311-1 du CJA. 492 Art. L. 2101-1 et s. du code des transports.

493 Décret n° 2015-141 du 10 février 2015 relatif à la commission du statut particulier mentionné à l’article L. 2101-2 du code des transports, JORF, n° 0035, 11 fév. 2015, p. 2556, texte n° 7.

494 M. VIALETTES, concl. sur CE, 11 oct. 2010, Fédération des Syndicats de Travailleurs du Rail Sud et autres,

pas une simple autorité de tutelle, il est l’auteur du statut des personnels de la SNCF. De même, la décision ministérielle d’approbation des statuts d’une section professionnelle de la caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales est réglementaire, car les dispositions réglementaires qui « peuvent instituer un régime d’assurance complémentaire fonctionnant à titre obligatoire dans le cadre soit de l’ensemble du groupe professionnel, soit d’une activité professionnelle particulière […] renvoient aux statuts de la section professionnelle correspondante de la caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) le soin de préciser certaines conditions du régime »495. Il s’agit d’une logique de « subdélégation »496 du pouvoir réglementaire à la section professionnelle.

160. À côté de ces cas de subdélégation, la qualification de réglementaire des décisions

d’approbation devrait s’aligner sur la logique des actes de tutelle et du critère « resserré » du critère d’organisation du service public. Les décisions d’approbation ou d’homologation ne devraient être réglementaires qu’en raison soit d’un pouvoir décisionnel confié à l’autorité de contrôle, soit du lien de la décision, en elle-même, avec l’organisation du service public. Il arrive souvent que les critères soient réunis : les décisions d’approbation des statuts de la SNCFou des tarifs autoroutiers sont aussi bien liées à l’organisation du service public qu’à l’exercice d’un pouvoir décisionnel de l’autorité de tutelle. En revanche, en matière de sécurité sociale, si la notion de service public n’est toujours pas loin, cela relève avant tout de la logique de subdélégation du pouvoir réglementaire dans laquelle les partenaires sociaux adoptent à travers l’accord collectif des « mesures prises pour l’application de la loi »497. Dans son rôle de régulateur des relations collectives, l’autorité publique va plus loin que la logique d’approbation d’une mesure préétablie par les partenaires sociaux, mais elle participe à une mesure d’application de la loi498.

Ainsi, hormis ces deux hypothèses, les décisions d’approbation ou d’homologation doivent être considérées comme distinctes des décisions approuvées ou homologuées. En conséquence, au même titre que les décisions de tutelle, elles sont des décisions

495 CE, 19 sept. 2012, M. Sartini, op. cit.

496 A. LALLET, concl. sur CE, 19 sept. 2012, M. Sartini, op. cit.

497 CE, Sect., 23 mars 2012, Féd. Sud Santé sociaux, req. n° 331805, Rec. p. 102 avec concl. C. Landais, note de E. MARC, AJDA, n° 28, 2012, pp. 1583-1587 ; note de F. MELLERAY, Dr. adm, n° 6, 2012, comm. 56. 498 J.-C. VENEZIA, « Les mesures d’application », in Mélanges René Chapus, Montchrestien, 1992, pp. 674- 679.

individuelles499 depuis l’évolution jurisprudentielle Institut d’ostéopathie de Bordeaux500. Les décisions d’approbation ou d’homologation d’accords professionnels, de règlement type ou de convention à contenu réglementaire devraient être, en principe, individuelles. Elles rejoignent l’ensemble des décisions qui ont pour objet de faire participer ou investir un organe d’une mission de service public. Il peut être cité, par exemple, l’habilitation ministérielle d’un fonds d’assurance-formation de non-salariés501, l’agrément d’une fédération sportive502, l’arrêté ministériel fixant la liste des organismes divers d’administration centrale ayant interdiction de contracter auprès d’un établissement de crédit un emprunt de longue durée503 ; l’agrément du Fonds d’assurance formation des secteurs de la culture, de la communication et des loisirs comme organisme collecteur paritaire des fonds de la formation professionnelle504. Du fait que les organismes sont nominativement désignés, ces décisions deviennent individuelles et ne sont plus dans le périmètre du silence vaut rejet en tant qu’exception législative.

ii) La nécessaire actualisation de la liste indicative « silence vaut accord »

161. En « recadrant » la qualification d’actes réglementaires, l’évolution jurisprudentielle

portée par l’arrêt Institut d’ostéopathie de Bordeaux a pour conséquence d’élargir le champ d’application matériel de la décision implicite d’acceptation. En effet, les procédures donnant

499 La décision d’approbation, ou d’homologation, a pour destinataire l’organisme qui est contrôlé. Il est identifié. En revanche, la décision approuvée ou homologuée a, en principe, plusieurs destinataires. Certains juristes se focalisent sur l’objet de la norme, c’est-à-dire la décision déterminée de l’autorité contrôlée. Le professeur Fardet considère ainsi que cet élément comme le plus important. C’est la raison pour laquelle il qualifie l’acte d’approbation et d’homologation de norme impersonnelle : « Il y a donc, selon nous, un abus de langage - ou de logique - à considérer un acte comme individuel, dès lors que l’objet de sa norme n’est pas un individu » in C. FARDET, « La notion d’homologation », op. cit., p. 186. V. aussi É. UNTERMAIER, Les règles générales en droit public français, op. cit., n° 351.

500 CE, 1er juil. 2016, Institut d’ostéopathie de Bordeaux, op. cit.

501 CE, 3 oct. 2016, Chambre nationale des professions libérales, op. cit.

502 CE, 26 avr. 2017, Fédération de boxe américaine et disciplines associées, op. cit. Cet arrêt est un revirement de la jurisprudence Fédération française de karaté-taekwondo et arts martiaux affinitaires et Fédération française de judo et jiu-jitsu kendo, disciplines associées (CE, 20 janv. 1989, req. n° 73962, Rec. T. p. 434). En revanche, l’arrêté ministériel de délégation octroyée à titre exclusif à une fédération sportive est un acte réglementaire : CE, 16 fév. 2018, Fédération française de vol libre, req. n° 408774, Rec. T. p. 509, note de É. UNTERMAIER-KERLÉO, AJDA, n° 17, 2018, p. 997.

503 CE, 19 juin 2017, Société anonyme de gestion de stocks de sécurité, req. n° 403316, Rec. p. 430, note de É. UNTERMAIER-KERLÉO, AJDA, n° 30, 2017, pp. 1725-1728.

504 CE, 12 mai 2017, Fédération UNSA spectacle et communication, req. n° 385838. Cet arrêt est un revirement de la jurisprudence du même nom, rendue trois ans auparavant (CE, 14 mai 2014, req. n° 355924, Rec.

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