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B./ Le fondement textuel de la procédure administrative

140. La demande formulée par l’administré d’une prise de position de la part de

l’administration entre dans le champ d’application matériel de la décision implicite d’acceptation à la condition qu’elle s’inscrive « dans une procédure prévue par un texte législatif ou réglementaire » (1°). Il découle de cette exigence que les procédures issues de textes supra-législatifs donnent lieu selon l’article L. 231-4-2° du Code, à une décision

410 L. MARION, concl. sur CE, 21 nov. 2016, req. n° 392560 cité in D. COSTA, note sous ladite décision, AJDA, n° 17, 2017, pp. 999-1002.

411 Arrêt cité Ibid.

412 F. GRABIAS, La tolérance administrative, LGDJ, coll. « NBT », vol. 173, 2018, n° 445.

413 A. ROUYÈRE, « La dispense en droit public : l’"un" et le "multiple" », Droits, 1997, p. 83 : la tolérance « résulte d’une simple abstention de la sanction et ne repose sur aucun titre juridique ».

implicite de rejet. Cette éviction est, encore une fois, l’illustration du caractère encadré du principe législatif de la décision implicite d’acceptation (2°).

1°) La notion de texte législatif et réglementaire

141. La décision implicite d’acceptation s’applique seulement si le fondement textuel de la

procédure administrative est de valeur législative ou réglementaire. Le législateur n’ayant pas restreint ces deux notions, il convient d’y intégrer l’ensemble des textes rattachés à ces deux catégories.

142. Des normes législatives variées. La notion de texte législatif est conçue largement.

Elle comprend la loi ordinaire, mais aussi la loi organique414, la loi référendaire415, la loi de pays en Nouvelle-Calédonie416, ou encore les textes assimilés à la loi tels que les actes dits lois du Gouvernement de Vichy417, les ordonnances du Comité français de libération et du Gouvernement provisoire de la République française418, les ordonnances de l’ancien article 92 de la Constitution, les ordonnances ratifiées de l’article 38 de la Constitution et les décisions prises en application de l’article 16 de la Constitution dans le domaine législatif. Au regard de la liste indicative Légifrance des procédures relevant du « silence vaut accord », les procédures issues directement d’un texte législatif autre que la loi ordinaire sont rares. Seules deux procédures relevant d’une ordonnance du Gouvernement provisoire de la République française ont été recensées419. Toutefois, de nombreuses procédures législatives sont désormais codifiées sans que leur source textuelle initiale soit précisée. Il est donc délicat d’avoir une vision d’ensemble du nombre de procédures concernées. En revanche, la loi constitutionnelle doit être exclue.

414 Art. 46 de la Constitution. 415 Art. 11 de la Constitution.

416 Titre XIII de la Constitution, loi n° 99-209 organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie,

JORF, n° 0068, 21 mars 1999, p. 4197.

417 CE, 22 mars 1944, Vincent, req. n° 74309, Rec. p. T. p. 417. 418 CE, 22 fév. 1946, Botton, req. n° 80068, Rec. p. 58.

419L’« autorisation de changement d’affectation ou de démolition d’une salle de spectacles publics » et l’« autorisation des baux d’immeubles à usage de spectacles, des locations, sous-locations et cessions de fonds de commerce d’entreprises de spectacles » relèvent des procédures visées aux articles 2 et 3 de l’ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles, JORF, 14 oct. 1945, p. 6505.

143. Une approche large de la notion de texte réglementaire. Le législateur n’ayant pas

restreint le champ de la notion de « texte réglementaire », celle-ci doit être interprétée largement en ne retenant pour seule condition que le caractère décisoire du texte. Une telle interprétation permet d’inclure l’ensemble des règlements intérieurs des administrations420, les circulaires impératives421 qui précisent aux administrés les démarches à respecter pour le bon traitement de leurs demandes. A contrario, les actes administratifs non décisoires, tels que les mesures préparatoires, les décisions confirmatives, les actes informatifs, les vœux, les recommandations individuelles, ainsi que les circulaires, directives internes ou lignes directrices non impératives422 ne seront pas considérés comme des textes réglementaires instaurant une procédure de demande de prise de position de l’administration. Le rapport de 2014 du Conseil d’État confirme cette analyse423 : si aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit de procédure, la demande est exclue du champ d’application matériel de la décision implicite d’acceptation424. L’identification des procédures prévues par les règlements intérieurs est centrale. En effet, si l’administration fait le choix de régir certaines demandes des administrés, elle fait alors entrer la procédure dans le champ d’application matériel de la décision implicite d’acceptation. Cependant, le règlement intérieur doit clairement prévoir qu’il s’agit d’une demande de prise de position, et non d’une consultation en vue de connaître l’avis de l’administré sur le sujet. Ainsi, à la suite de revendications des administrés, l’administration peut intégrer certaines demandes dans le règlement intérieur sans anticiper qu’elles entreront ensuite dans le champ matériel de la décision implicite d’acceptation. Les règlements intérieurs régissant le quotidien des administrés sont particulièrement importants dans les domaines éducatif, hospitalier ou pénitentiaire.

420 Dans la liste Légifrance des procédures relevant du silence vaut accord, 12 d’entre elles sont issues directement d’un règlement intérieur.

421 CE, Sect., 18 déc. 2002, Mme Duvignères, req. n° 233618, Rec. p. 463, GAJA, n° 103.

422 B. SEILLER, « Acte administratif (I - Identification) », Rép. Cont. adm., Dalloz, 2015, n° 399-452. 423 CE, « L’application du nouveau principe “silence de l’administration vaut acceptation” », op. cit., p. 55. 424 CE, Rapport public relatif à l’activité juridictionnelle et consultative des juridictions administratives en 2015, 2016, pp. 279-280. La section de l’intérieur du Conseil d’État a émis un avis défavorable à la présence, dans la liste des exceptions réglementaires, des demandes de la personne détenue tendant à ne pas être soumise au port de menottes ou d’entraves lors d’un transfèrement ou d’une extraction. En effet, ces demandes n’étant prévues par aucun texte réglementaire, elles font partie de l’exception législative selon laquelle le silence vaut décision implicite de rejet. Ces procédures ne doivent donc pas être recensées au titre des exceptions réglementaires au principe. Le Gouvernement a suivi cet avis : les demandes ne figurent pas dans les décrets n° 2014-1279 et n° 2014-1277 du 23 octobre 2014 portant exception au « silence vaut accord » en matière pénitentiaire.

La décision implicite d’acceptation ne s’applique qu’aux procédures prévues par un texte législatif ou réglementaire, et exclut les procédures prévues par un texte supra-législatif.

2°) L’exclusion ambivalente de la procédure prévue par un texte supra-législatif

144. L’exclusion de l’ensemble des procédures prévues par des dispositions supra-

législatives témoigne, à nouveau, du caractère limité du champ d’application de la décision implicite d’acceptation.

145. Le rapport du Conseil d’État de 2014 n’évoque pourtant pas cette problématique. Il se

cantonne à une approche large du texte réglementaire visant toute disposition de valeur réglementaire présentant « des dispositions impératives à caractère général »,425 car la notion de texte législatif est « dépourvue de toute ambiguïté »426. Aucune autre source n’est analysée. Par ailleurs, on peut s’interroger sur le fait que ce rapport semble implicitement considérer que le texte supra-législatif n’est pas hors champ, car l’objectif principal de cette exception législative est « d’écarter du champ de la décision implicite d’acceptation les décisions qui pourraient naître du silence gardé par l’administration sur les demandes à caractère fantaisiste ou les demandes de pure convenance qui peuvent être présentées par les administrés. Le présupposé de cette disposition est que l’ensemble des demandes que les personnes physiques et morales peuvent légitimement adresser à l’administration est d’ores et déjà prévu par les textes »427. Ainsi, l’exception n’aurait pour finalité que d’écarter les demandes non fondées sur un texte, peu importe la valeur de celui-ci. Les procédures prévues par des textes supra- législatifs ne semblent pas exclues sur ce fondement.

146. Le rapport traite uniquement la question de la compatibilité du silence positif prévu

par des dispositions conventionnelles sur le terrain de l’exception de droit428. C’est en raison de l’incompatibilité de la décision implicite d’acceptation avec « le respect des engagements internationaux et européens de la France » (art. 231-4-4° du Code) et non car « non prévue par un texte législatif ou réglementaire » (art. 231-4-2° du Code) que certaines procédures

425 CE, « L’application du nouveau principe “silence de l’administration vaut acceptation” », op. cit., p. 54. 426 Ibid., p. 52.

427 Ibid., p. 52. 428 Ibid., p. 68 et s.

issues du droit international et du droit de l’Union sont soumises au principe du « silence vaut rejet ».

Le Gouvernement semble avoir suivi ce raisonnement, car certaines procédures issues des normes internationales429 ou du droit de l’Union430 sont classées comme exceptions de droit. Puisqu’elles sont déjà exclues sur le fondement de l’article L. 231-4-2° du Code, une seconde exclusion, sur le fondement, cette fois, de l’article L. 231-4-4°, est inutile.

La différence de fondement est importante, car l’exclusion du champ matériel de la décision implicite d’acceptation pour les procédures issues de dispositions supra-législatives est totale pour l’un (art. 231-4-2°) tandis qu’elle est seulement partielle pour l’autre (art. 231-4-4°). En effet, dans le second cas, l’exception de droit est interprétée restrictivement. L’exclusion ne s’applique que s’il y a une incompatibilité entre une exigence conventionnelle ou constitutionnelle et la décision implicite d’acceptation. Rien de tel avec l’exception législative qui exclut les procédures non pas sur le critère de l’incompatibilité, mais simplement du fait de la source textuelle supra-législative de ces dernières.

Il est opté pour une lecture littérale de l’exception législative. La décision implicite d’acceptation ne s’applique pour la demande que si elle s’inscrit dans une procédure prévue par un texte soit législatif ou réglementaire. Les procédures issues uniquement d’un texte supra-législatif, et qui n’ont donc pas été transposées dans un texte législatif ou réglementaire, en sont exclues et relèvent de la règle du « silence vaut rejet ».

En définitive, le champ d’application matériel de la décision implicite d’acceptation comprend toute demande de prise de position de l’administration, si celle-ci s’inscrit dans une procédure prévue par un texte législatif ou réglementaire. Ainsi, deux conditions essentielles doivent être remplies : la demande doit exiger une prise de position de la part de l’administration et elle doit reposer sur un support textuel de valeur législative ou réglementaire. En revanche, si la procédure de la demande est précisée par un texte supra-

429 Par exemple, le décret n° 2014-1282 du 23 octobre 2014 précise quatre exceptions de droit, issues de la convention douanière relative au transport international de marchandises.

430 Par exemple, le décret n° 2014-1282 du 23 octobre 2014 énumère les exceptions de droit issues, soit du traité de l’Union européenne, soit du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, soit de règlements européens. De même, le décret n° 2014-1273 du 30 octobre 2014 mentionne les exceptions de droit issues de directives européennes.

législatif, la demande donne lieu, en cas de silence de l’administration, à une décision implicite de rejet. En outre, le principe ne s’applique que si la demande donne lieu à une décision administrative individuelle.

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