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A./ L’exclusion de la demande à objet contentieu

165. L’article L. 231-4-2° du Code exclut du champ d’application matériel de la décision

implicite d’acceptation la demande qui « présente le caractère d’une réclamation ou d’un recours administratif ». Si les notions de recours administratif et de réclamation sont distinguées, elles font bien partie d’une même catégorie, celle de la réclamation ou de la contestation.

166. Les recours administratifs. Le recours administratif est défini à l’article L. 410-1 du

Code comme « la réclamation adressée à l’administration en vue de régler un différend né d’une décision administrative ». Au sein de ce genre sont distinguées trois espèces : le recours

514 Les recours sont bien dans la catégorie plus globale des « demandes » in G. ISAAC, La procédure

gracieux515, le recours hiérarchique516 et le recours administratif préalable obligatoire. Le périmètre des recours administratifs ne soulève aucune difficulté particulière. La distinction entre la réclamation et le recours administratif au sein du Code s’explique par la volonté du législateur de faire échec à l’interprétation restrictive de la notion de demande, telle qu’adoptée par le Conseil d’État avec la décision SA Laboratoire Lafon du 29 mars 1991517. En effet, le Conseil d’État juge dans cette décision que le « recours administratif gracieux ou hiérarchique ne présente pas le caractère d’une “demande adressée à l’administration” au sens de [l’article 5 du décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983518] » et n’a, par conséquent, pas à faire l’objet d’un accusé de réception pour que le délai contentieux soit déclenché. Le législateur a clairement exprimé sa volonté de faire échec à cette interprétation jurisprudentielle. L’article 18 de la loi du 12 avril 2000 précise que « sont considérées comme des demandes au sens du présent code les demandes et les réclamations, y compris les recours gracieux ou hiérarchiques, adressées à l’administration »519. Quoi qu’il en soit, tout recours gracieux ou hiérarchique visant, d’une part, pour le bénéficiaire à demander à l’administration de revenir sur sa décision défavorable ou, d’autre part, pour un tiers à modifier, abroger ou retirer une décision administrative favorable au bénéficiaire donne lieu à une décision implicite de rejet en cas de silence de l’administration. « [L]e seul silence gardé par l’administration sur ces recours administratifs ne suffira pas à transformer en décision

515 CAA Paris, 27 mars 2018, req. n° 178A00147, cons. n° 5 : « […] un tel silence, qui fait suite à une démarche que la requérante qualifie elle-même de recours gracieux, vaut décision implicite de rejet, en application des dispositions précitées de l’article R. 231-4 du code des relations entre le public et l’administration ; que Mme F…n’est par suite pas fondée à soutenir qu’elle bénéficierait, du fait du silence gardé par l’administration, d’une décision d’acceptation de son recours gracieux ; […] ».

516 Dans la définition du recours hiérarchique, le Code emploie le terme d’autorité au lieu et place de celui d’administration, habituellement utilisé pour les autres définitions. Une confusion peut ainsi apparaître entre la notion d’autorité, au sens du « supérieur hiérarchique », et celle d’autorité administrative, au sens de l’auteur de la décision contestée. Cela n’enlève en rien l’apport pédagogique des définitions proposées. Pour une critique de la terminologie employée, voir not. : B. SEILLER, « Le règlement des différends avec l’administration », AJDA, n° 44, 2015, p. 2487 ; A. VAUTERIN, « Enfin des définitions ? Ces termes définis au sens du Code » in G. KOUBI, L. CLUZEL-METAYER, W. TAMZINI (dir.), Lectures critiques du Code des relations entre le public et l’administration, LGDJ, 2018, pp. 82-83.

517 CE, Sect., 29 mars 1991, SA Laboratoire Lafon, req. n° 101719, Rec. p. 113, obs. de X. PRÉTOT, AJDA, n° 7-8, 1991, p. 582.

518 Décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l’administration et les usagers, JORF, 3 déc. 1983 p. 3492.

favorable une première décision qui, par construction, ne l’a pas été »520, que le recours soit formé par le demandeur, ou par un tiers.

167. L’exclusion de toute demande à objet contentieux. À la lecture combinée des

articles L. 110-1 et L. 410-1 du Code, les recours gracieux, les recours hiérarchiques et les recours administratifs préalables obligatoires sont des catégories du « recours administratifs » et constituent des réclamations. Pourtant, l’article L. 231-4-2° du même Code semble distinguer la réclamation du recours administratif. Cette distinction, en ce qu’elle contredit l’article L. 110-1 du Code, semble devoir être imputée à une maladresse rédactionnelle. Il ne faudrait donc pas lire l’article L. 231-4-2° du Code comme appliquant le principe du « silence vaut rejet » aux demandes présentant « le caractère d’une réclamation ou d’un recours administratif », mais comme l’appliquant aux demandes présentant le caractère « d’une réclamation à l’exemple du recours administratif ». Une telle rectification rédactionnelle conférerait aux trois articles la cohérence dont ils sont pour l’instant dépourvus. La formulation nouvelle conserverait pour autant le principe de l’article L. 231-4-2°, incluant dans l’exception législative au principe de la décision implicite d’acceptation toutes les réclamations, même celles qui ne constituent pas des recours administratifs. Cela comprend donc toute demande à objet contentieux visant, d’une part, à contester une décision préexistante que l’intéressé considère comme défavorable et, d’autre part, à ce que l’administration prenne une décision administrative défavorable à l’égard d’un tiers. Par exemple, la réclamation préalable indemnitaire obligatoire de l’administration avant la saisine du juge administratif, « les saisines de téléspectateurs ou d’associations, les demandes de mise en demeure, les demandes de sanction et les demandes de règlement de différend »521, « les pétitions et plaintes adressées à la CNIL »522 et la saisine du Défenseur des droits ou d’autres médiateurs523 sont considérées comme des réclamations.

520 CE, Rapport « L’application du nouveau principe “silence de l’administration vaut acceptation” », op.

cit., p. 56.

521 CSA, avis n° 2015-19 du 14 octobre 2015 relatif au projet de décret relatif aux exceptions à l’application du principe « silence vaut acceptation » sur le fondement du 4° du I de l’article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ainsi qu’aux exceptions au délai de deux mois de naissance des décisions implicites, sur le fondement du II de cet article, JORF, n° 0265, 15 nov. 2015, texte n° 57.

522 CE, 23 déc. 2016, M. d’Onofrio., req. n° 393020, Rec. T. p. 604.

523 CE, Rapport « L’application du nouveau principe “silence de l’administration vaut acceptation” », op.

L’intéressé ne formule pas une demande à obtenir une décision administrative individuelle favorable à son profit ; il conteste une décision juridique existante, ou un comportement524, qui lui est défavorable. Ces demandes à objet contentieux ne peuvent donner lieu à une décision implicite d’acceptation et la décision implicite de rejet s’applique dès lors que la réclamation est adressée à une autorité administrative.

B./ La spécificité de la demande adressée à l’administration juridictionnelle

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