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enjeux pour l’exploitation agricole

3.5.1. Secteur, territoire, ménage : des logiques divergentes

Nous avons donc montré les termes d’un renouvellement des cadres politiques, réglementaires, sociaux et économiques de l’exploitation agricole. C. Laurent et J. Rémy y proposent une mise en perspective de l’exploitation agricole selon trois « optiques » : ménage, territoire et production415. Si ces « optiques » constituent dans leur analyse des approches « fonctionnelles » invitant à questionner différemment les politiques publiques concernant l’exploitation agricole, nous pouvons en l’élargissant, mettre en perspective le territoire, le ménage et le secteur comme trois espaces institutionnels de l’exploitation au sein desquels se recomposent et se diversifient les logiques des exploitations.

a) Du ménage pluriactif au collectif sociétaire : parcours des individus et trajectoires d’exploitations agricoles

L’exploitation familiale, bien que loin de constituer l’unique réalité sociale agricole en 1960, est parvenue à s’établir comme un modèle professionnel, au point de caractériser encore aujourd’hui les mécanismes de transmission et les logiques de travail dans une majeure partie des exploitations416. Cependant, les rapports de travail au sein des familles se recomposent ; en 2010 le salariat permanent représente 16% des actifs permanents, soit 4 points de plus qu’en 2000, et la progression continue des formes sociétaires à plusieurs associés (GAEC, sociétés laitières) marque le pas d’une diversification des collectifs de travail, a fortiori des trajectoires et des logiques productives des exploitations agricoles417.

Enfin, alors que la pluriactivité se maintient tant au sein de très petites exploitations que d’entreprises rurales à plusieurs associés, des activités diverses sont combinées à l’échelle du ménage comme les composantes d’un système complexe répondant à une logique d’ensemble qui lui est propre (compétences, organisation et rythmes de travail, revenus)418.

L’analyse du passage à la diversification, et de la conversion à l’agriculture biologique mettent en évidence que les changements dans les exploitations sont le produit d’un ensemble d’ingrédients

415 C. LAURENT and J. RÉMY, L'exploitation agricole en perspective, Article cité

416 C. BESSIÈRE, C. GIRAUD and J. RÉMY, 2008, Introduction générale : Famille, travail, école et agriculture, Revue d’Études en Agriculture et Environnement, Vol. 88 /n°3, pp.1-19 , J.-M. SÉRONIE, Centres d'économie rurale,2007, L'exploitation agricole flexible, Paris, 36 p.

417 A. DUFOUR and B. DEDIEU, 2010, "Le travail en élevage et ses transformations : analyses sociologiques", Journées d’étude Inra Sad - Cirad ES, Parent, 24/26 mars,

418 P. MUNDLER, B. GUERMONPREZ and J. PLUVINAGE, 2007, Logiques de fonctionnement des petites exploitations agricoles, Pour, n°194, C. LAURENT, M.-F. MOURIAUX and P. MUNDLER, Rapport de recherche pour le programme INRA PSDR « territoires, acteurs, agricultures en Rhône Alpes » 2005, Combinaison des activités professionnelles et multifonctionnalité de l’agriculture, Lyon

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circonstanciés : le parcours des individus, leur insertion sociale dans les réseaux locaux et professionnels, le rapport à la famille et au collectif de travail419.

La diversité des parcours des individus, de leur insertion sociale constitue une composante majeure des mécanismes de différenciation des exploitations agricoles entre elles. Cette dynamique s’inscrit dans une dynamique territoriale (dispositifs d’accompagnement, hybridation des compétences)420, et dans une dynamique sectorielle (normes, rationalisation du travail, systèmes de concurrence, etc.), mais garde une rationalité qui lui est propre421.

b) Des logiques sectorielles de plus en plus éclatées

Depuis 1990, le renforcement des systèmes de normes et la contractualisation sont les facteurs d’une insertion plus forte de toute une partie des exploitations agricoles dans un système agro-industriel, allant même dans certains cas jusqu’à l’intégration422. Ainsi, alors que se poursuit le mouvement de spécialisation des exploitations, celles-ci s’inscrivent dans des sphères sectorielles de plus en plus distinctes. Les quotas ont par exemple fourni aux producteurs laitiers un outil fort de maîtrise de la concurrence, alors que les exploitations porcines ont été soumises à une concurrence et une pression pour l’augmentation de la productivité beaucoup plus forte.

De plus, M. Nieddu et A. Gaignette ont mis en évidence la diversité spatiale des « configurations

productives » qui se sont mises en place au cours de la période des 30 glorieuses, selon des systèmes

de gouvernance locaux qui renforcent les dispositifs sectoriels par la mobilisation de dimensions territoriales423. Les travaux autour des SYAL, systèmes agro-alimentaires localisés, soulignent également l’importance de la composante territoriale dans la différenciation des systèmes productifs424.

Nous assistons donc à un éclatement des configurations productives au sein du secteur agricole selon diverses variables. Cela participe d’une redéfinition des mécanismes de différenciation des exploitations agricoles entre elles.

419 S. MADELRIEUX, L. DOBREMEZ and B. DEDIEU, 2010, "La diversification : au-delà de la sécurisation, quels enjeux dans les exploitations ? Etude de cas dans les Alpes", Colloque "Agir en situation d'incertitude", Montpellier, 22-24 novembre,

420 L’insertion territoriale des systèmes d’activités des ménages agricoles constitue ainsi par exemple l’objet du programme PSDR Intersama (2008-11).

421 Ainsi, il ne nous semble pas toujours approprié de chercher à identifier ces formes sociales (ex : l’exploitation familiale) à des figures type telle celle de l’entrepreneur rural, ou de l’entreprise agricole.

422 C. MARGETIC, 2006, Agro-industries et territoires: recherches en Nord Pas de Calais, ESO, Espace et sociétés- Travaux et documents de l'UMR 6590., n°25, pp 67-72

423 « Or l’étude présente suggère que les dimensions territoriale et sectorielle ont été toutes deux mobilisées durant les trente glorieuses pour assurer la compétitivité d’acteurs différents, investissant ensemble des structures de gouvernance multiples. » M. NIEDDU and A. GAIGNETTE, 2000, L'agriculture française entre logiques sectorielles et logiques territoriales (1960-1985), Cahiers d'économie et de sociologie rurale, n°54, pp. 48-87 , p79

424 J.-M. TOUZARD, "Systèmes agro-alimentaires localisés:interactions locales et encastrement social. ", Article cité

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c) L’exploitation agricole et le territoire

Enfin, nous avons montré que la question de multifonctionnalité de l’agriculture est le moteur d’une transformation identitaire, sociale et économique de l’exploitation agricole. Le passage d’une cogestion à une co-institution pluraliste425, l’ouverture à d’autres acteurs et la mise en discussion de nouvelles variables dans la construction sociale des « fonctions », comme par exemple sur les questions environnementales, inscrivent en effet l’exploitation agricole dans le cadre de « communautés identitaires » élargies que D. Barthélémy et J-P. Boinon analysent comme moteur d’une redéfinition des identités collectives.

« L'exploitation familiale n'est pas remise en cause, cependant une pression sociale s'exerce pour définir une nouvelle identité agricole, non plus fondée sur le développement quantitatif de la production mais qui intègre la garantie de la qualité des produits agricoles, le respect de l'environnement et l'entretien de l'espace rural. »426

La multifonctionnalité définit de nouvelles unités élémentaires de gestion au sein de l’exploitation (ex : la parcelle), elle renouvelle les collectifs de travail427, et réinterroge les agriculteurs dans leur manière de justifier leur identité sociale et civique428. En ce sens, au-delà des évaluations macro-économiques de politiques publiques, elle contribue à l’évolution « des différents éléments des

systèmes de sens des acteurs et du cadre institutionnel de leurs relations », évolution dont G. Brun

montre qu’elle prend forme entre l’ambition de réforme radicale et la mise en œuvre pleinement inscrite dans la continuité des référents collectifs429. Les échelles de la définition des « fonctions » sont multiples, de la scène locale (ex : dispositifs agro-environnementaux) à la scène interministérielle de définition des orientations qui peuvent concerner l’agriculture (ex : Grenelle de l’environnement).

Les analyses croisées entre terrains d’études mettent en évidence que la prise en compte des enjeux associés à la multifonctionnalité renouvelle de manière très variable le couplage stratégies d’exploitation/dynamiques territoriales en fonction des systèmes de production pratiqués, de l’histoire des territoires, des types d’espaces (rural, périurbain, etc.)430. Le territoire, entendu comme construit social au sein duquel s’effectuent ces arbitrages quant à la place de l’agriculture, devient donc une composante forte des mécanismes de différenciation des exploitations agricoles.

425 J. RÉMY, "La co-institution des contrats territoriaux d'exploitation", Article cité

426 D. BARTHÉLEMY and J.-P. BOINON, "Le RDR, pour une refondation de l'identité économique de l'agriculture", Article cité , p106

427 « La MFA insère les ménages agricoles dans des collectifs de travail et des systèmes de valeurs différents. » M. NIEDDU, "Penser la multifonctionnalité agricole en reconnaissant le pluralisme des approches économiques", Article cité , p193

428 B. LÉMERY, Les agriculteurs dans la fabrique d'une nouvelle agriculture, Article cité 429 G. BRUN. L'agriculture française à la recherche d'un nouveau modèle., Ouvrage cité p329

430 C. BERNARD, L. DOBROMEZ, J. PLUVINAGE, A. DUFOUR, A. HAVET, I. MAUZ, Y. PAUTHENET, J. RÉMY and E. TCHAKÉRIAN, La multifonctionnalité à l'épreuve du local: les exploitations agricoles face aux enjeux des filières et des territoires., Article cité , J. PLUVINAGE, "Multifonctionnalité des exploitations agricoles, stratégies individuelles d'agriculteurs et de dynamiques territoriales spécifiques en Rhône-Alpes", Article cité

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d) Le renouvellement des termes d’une différenciation des exploitations agricoles

Dans un contexte d’affaiblissement des mécanismes d’encadrement structurel de l’exploitation agricole par la politique agricole431, les exploitations agricoles se différencient ainsi de manière forte autour de trois composantes432 :

i) l’insertion du « système d’exploitation »433 au sein de l’ensemble du système d’activités d’un ménage434

ii) l’insertion de l’exploitation agricole au sein de filières agro-industrielles caractérisée par un registre de normes (ex : global gap, certifications ISO 14001)435 et des mécanismes renforcés de coordinations et de réduction de l’incertitude au sein de l’organisation agro-industrielle436

iii) l’insertion de l’exploitation dans des systèmes « territoriaux » d’arbitrages sur la gestion des ressources et de coordinations sur la compétitivité territoriale437, largement explorés ci-dessus et qui feront l’objet de la thèse.

Nous faisons l’hypothèse que ces trois forces sont source de divergences et nous conduisent à passer du singulier « L’exploitation agricole » au pluriel « Les exploitations agricoles », afin de caractériser l’important éclatement qui caractérise cette forme sociale. Ainsi, face à ces questions, différentes figures de l’exploitation se côtoient, se superposent dans le paysage actuel de l’agriculture française dans des rapports identitaires croisés, qui rendent de plus en plus difficile l’appartenance à un groupe professionnel unique438.

431 Nous distinguons la question de l’encadrement structurel qui s’affaiblit, et l’augmentation parallèle des mécanismes prescriptifs d’encadrement par les normes.

432 P. BOYLE and K. HALCAFREE. Migration into rural areas, Ouvrage cité

433 Dont on arrête les contours ici à la définition « juridique », c'est-à-dire les activités de production agricole, et des activités de diversification (y compris si celles-ci relèvent d’une autre forme statutaire, BIC ou SARL)

434 C. LAURENT, 1999, Activité agricole, multifonctionnalité et pluriactivité, Pour, n°164, pp. 41-46 , P. MUNDLER, B. GUERMONPREZ and J. PLUVINAGE, Logiques de fonctionnement des petites exploitations agricoles, Article cité

435 G. GROLLEAU and N. MZOUGHI, 2005, L'élaboration des normes: nouvel espace de compétition? Application à la norme ISO14001, Revue d'économie industrielle, Vol. 111, pp. 29-56

436 A. CAPILLON and E. VALCESCHINI, 1998, "La coordination entre exploitations agircoles et entreprises agro-alimentaires. Un exemple dans le secteur des légumes transformés.", dans: BROSSIER J. et DENT B., Etudes et recherches sur les systèmes agraires et le développement n°31: Gestion des exploitations agricoles et des ressources rurales. Entreprendre, négocier, évaluer, Versailles, INRA/SAD, pp. 256-276 , C. MARGETIC, 2004, "Proximités et territoires des firmes agro-industrielles. ", Dynamiques agro-industrielles et dynamiques rurales, Arras, Artois Pressse Université, pp 89-108

437 C. BERNARD, L. DOBROMEZ, J. PLUVINAGE, A. DUFOUR, A. HAVET, I. MAUZ, Y. PAUTHENET, J. RÉMY and E. TCHAKÉRIAN, La multifonctionnalité à l'épreuve du local: les exploitations agricoles face aux enjeux des filières et des territoires., Article cité , J. PLUVINAGE, "Multifonctionnalité des exploitations agricoles, stratégies individuelles d'agriculteurs et de dynamiques territoriales spécifiques en Rhône-Alpes", Article cité

438 B. LÉMERY, Les agriculteurs dans la fabrique d'une nouvelle agriculture, Article cité , J. RÉMY, 2008, "Paysans, exploitants familiaux, entrepreneurs... de quoi parlons-nous? ", Communication orale au colloque international de l'Association Française de Science Politique: les Mondes agricoles en politique, Centre d'études et de Recherche Internationale, Paris, 6 p.

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3.5.2. L’affirmation d’un modèle de « l’entreprise agricole et

rurale » ?

Le modèle entrepreneurial se dégage comme modèle politique défendu par la profession agricole439, il semble faire l’objet de convergences identitaires qui restent cependant fondées sur des adhésions à des modèles très différents les uns des autres, et la cohésion ainsi fondée reste fragile.

a) De l’exploitation à deux UTH à l’entreprise agricole et rurale

Dans le cadre de la LOA de 2006440, la notion d’« entreprise agricole et rurale » remplace la notion d’exploitation agricole dans le Code rural. En créant le bail cessible et le fonds agricole, elle acte la reconnaissance juridique des pas-de-porte que D. Barthélémy analyse en 1988 comme les marqueurs la « naissance » de l’entreprise agricole, même si dans le Nord, cette pratique est ancienne441. En droit rural, les spécificités du régime juridique agricole tendent à s’affaiblir dans une évolution vers ce que L. Bodiguel désigne comme une « ère de l’entreprise agricole » 442. Il analyse cette évolution comme le produit :

• de pressions internationales pour une acception large et générique des activités économiques, • d’une pression pour l’harmonisation des règles du droit privé dans l’ajustement entre régimes

de concurrence croisés et face à l’émergence de nouvelles formes de segmentation du droit par produit,

de la généralisation d’un « esprit d’entreprise »443.

Cela marque donc un tournant qui prend acte de l’enjeu d’une remise en cause de l’exploitation familiale à deux UTH face aux transformations profondes des exploitations agricoles, et définit les termes d’un nouveau modèle politique défini dans le code rural comme celui de l’entreprise agricole et rurale. Nous assistons donc à un mouvement de dissociation progressive de l’unité terre-travail-capital fondatrice du modèle de l’exploitation familiale, vers l’affirmation d’un modèle entrepreneurial dont H. Cochet questionne la capacité à articuler les enjeux territoriaux, d’emploi et environnementaux444.

439 S. CORDELLIER and R. LE GUEN, 2009, "Elections professionnelles et conceptions de l'entrepreneuriat (1983-2007)", dans: HERVIEU B., MAYER N., MÜLLER P., PURSEIGLE F. et RÉMY J., Les mondes agricoles en politique, Paris, pp. 145-191

440 Loi d’Orientation Agricole n° 2006-11 du 5 janvier 2006 ; (art. L311-3 c.rur.),

441 Les pas-de-portes qui se développent dans les régions au Nord du Bassin Parisien constituent en effet selon l’auteur un indicateur d’un accroissement du capital circulant par rapport au capital foncier qui individualisent ce qu’il désigne comme la « fonction productive » du foncier qui ne constitue plus qu’un moyen de production parmi d’autres. « Dans la transformation de l'exploitation agricole vers l'entreprise, on assiste au mouvement qui va d'une exploitation de service du patrimoine foncier, vers une unité de production marchande autonome au regard de la propriété foncière. » » D. BARTHÉLEMY, 1988, La naissance de l'entreprise agricole, Paris, Economica, 184 p. , p56

442 J. HUDAULT, L'exploitation agricole individuelle en droit français et communautaire, Article cité 443 Sur ce point, il montre l’élargissement au domaine agricole de cette approche entrepreneuriale dans un contexte d’incertitude croissante sur les débouchés « Il est banal de constater qu’à cet esprit correspond la volonté de faire perdurer et d’accroître les résultats de l’entreprise, mais il est plus rare de comprendre exactement ce qui se déroule dans cette affirmation. Il faut en effet préciser que les comportements induits par la situation de concurrence ne sont pas neutres : capacité d’adaptation, dynamisme et recherche de novation, etc. La recherche de débouchés constitue l’objectif ultime. » L. BODIGUEL. L'entreprise rurale: entre activités économiques et territoire rural, Ouvrage cité , p178

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b) Convergences identitaires autour du modèle de l’entreprise ?

Cette inscription de l’entreprise comme nouveau modèle de politique agricole s’inscrit dans un mouvement d’inscription plus large de la notion dans les débats au sein de la profession agricole445. Comme le souligne B. Lémery, l’entrepreneuriat crée en effet de nouvelles convergences identitaires entre agriculteurs « compétitifs » et « territoriaux » sur fond de rapports entre engagement professionnel et civique, entre vie personnelle et professionnelle, d’adaptation à la demande sociale, de réactivité et de modernité ; mais étant fondées sur des approches très distinctes de la compétitivité, de la performance et de la qualité, ces représentations se retrouvent en concurrence dans les organisations professionnelles446.

D’une part, l’augmentation du capital des exploitations agricoles, et donc du « coût d’entrée » en agriculture conduisent également à questionner la pérennisation de mécanismes de transmission familiale des exploitations agricoles, vers une financiarisation du capital des exploitations agricoles et plus particulièrement du foncier. Ainsi, la SAF défend-t-elle l’enjeu d’une dissociation entre l’approche patrimoniale du foncier et la logique d’entreprise, et d’une financiarisation du foncier447. De même, un groupe de travail du CER-France préfigure une évolution vers une « exploitation agricole flexible » dans laquelle les trois projets patrimonial, technique et entrepreneurial sont dissociés448. Néanmoins, les travaux de C. Bessière sur le patrimoine des agriculteurs mettent en évidence l’importance des mécanismes de transmission intergénérationnels du patrimoine productif agricole, et plus particulièrement du foncier449.

D’autre part, les travaux sur la multifonctionnalité dressent le tableau d’un modèle schumpétérien de l’entrepreneur rural, innovant, flexible et inscrit dans une démarche « partenariale » et contractuelle avec les autres acteurs du développement territorial450. Le modèle de l’entreprise agricole et rurale se veut ainsi constituer une alternative à la dualité sectoriel/territorial et emploie effectivement un vocabulaire relevant d’un registre entrepreneurial commun aux référentiels « sectoriels » et « territorial » : « projet », « stratégie », « contrat », « compétitivité », « gestion du risque », « flexibilité »451. Toutefois là encore, l’adhésion à un tel modèle reste fragile pour des raisons

445S. CORDELLIER and R. LE GUEN, "Elections professionnelles et conceptions de l'entrepreneuriat (1983-2007)", Article cité

446 F. EYMARD-DUVERNAY, O. FAVEREAU, A. ORLÉAN, R. SALAIS and L. THÉVENOT, Valeurs, coordinations et rationalité. L'économie des conventions ou le temps de la réunification dans les sciences économiques, sociales et politiques., Article cité

447 SAF, Rapport adopté le 16 juin 2011 lors de l'assemblée générale de la Société des agriculteurs de France (SAF),2011, Pour une nouvelle politique du foncier! De l'approche patrimoniale à la stratégie d'entreprise. , Paris, 44 p.

448 Le modèle de « l’entreprise agricole flexible »qui articule trois projets dissociés : un projet patrimonial (du propriétaire foncier), un projet technique (performance élaborée dans un arbitrage entre coûts/flexibilité/économies d’échelles), un projet entrepreneurial (logique de création de richesses, arbitrage d’une stratégie globale de mobilisation de ressources, contractualisation, de gestion du risque). J.-M. SÉRONIE, L'exploitation agricole flexible, Rapport cité

449 C. BESSIÈRE, C. DE PAOLI, B. GOURAUD and M. ROGER, 2011, Les agriculteurs et leur patrimoine : des indépendants comme les autres ?, Économie et statistique, n°444-445, pp. 55-74

450P. MÜLLER, A. FAURE and F. GERBAUX. Les Entrepreneurs ruraux : agriculteurs, artisans, commerçants, élus locaux, Ouvrage cité

451« Il est fréquent de dire que l’agriculture française évoluer de plus en plus vers une dualité : d’une part des exploitations insérées dans des logiques de proximité dont le nombre aurait tendance à augmenter. Ce

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identitaires452, et plus largement car ces notions caractérisent mal les termes des hybridations qui se font entre les sphères professionnelles/familiales/sociales/territoriales dans ces exploitations agricoles453.

3.5.3. Renouvellement des approches scientifiques autour du couple

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