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spécialisation laitière

2.3.1. Aperçu à partir du cas d’une exploitation agricole

« Étudier l’exploitation, c’est chercher à comprendre le fonctionnement de ces unités économiques particulières qui associent toute une famille à un travail collectif, à un territoire, à une histoire inscrite dans les lieux et dans la répétition des actes quotidiens, à une forme de revenu impossible à répartir entre ses membres. » 639

La « maison rurale » des MDL a constitué le point d’entrée de Michel Rautenberg pour appréhender la logique de fonctionnement des exploitations. C’est par cette porte d’entrée que nous nous proposons d’illustrer les manières d’occuper l’espace.

a) Caractérisation de l’exploitation

Nous nous appuyons sur le cas d’une exploitation de l’échantillon. L’exploitation MDL36 se situe à Haute Rivoire, à une altitude de 600 mètres. Elle est située dans une zone de relief doux. Toutes les surfaces de l’exploitation sont mécanisables, ce qui est rarement le cas dans les MDL. L’exploitation a une surface totale de 45,5ha relativement bien regroupés autour de deux sites d’exploitation, le premier étudié ici et le second situé à 1km où réside le fils installé en 2006. Il s’agit d’un GAEC composé de 3,5 associés familiaux (père, fils, mère et belle-fille à mi-temps). Nous avons pu reconstituer un aperçu de l’évolution de l’exploitation à l’échelle de trois générations que nous pouvons schématiser de la manière suivante.

Figure 8.Trajectoire de l’exploitation

d'aménagement de l'espace rural des Monts du Lyonnais, Lyon, , R. VALETTE, Le rôle des Hommes dans le développement des régions. L'exemple des Monts du Lyonnais, Thèse citée

638 Une étude assez complète avec un taux de réponse de 70%, sur laquelle nous pouvons en partie nous appuyer. Chambre d'agriculture du Rhône, Chambre d'agriculture de la Loire, SIMOLY et Région Rhône-Alpes, Diagnostic agricole sur le territoire des Monts du Lyonnais, Rapport cité

639 M. RAUTENBERG. La mémoire domestique. La maison rurale des Monts du Lyonnais., Ouvrage cité p31.

2UTH

7ha : prairies, fraises, pommes de terre, céréales

Lait (6-8VL) Truies (naisseur)

3UTH

27ha : prairies, céréales, maïs, fraises Lait : 180KL (20-25VL) Porcs engraisseurs + charcuterie fermière (18 porcs/an) 3,5 UTH

45ha : prairies, maïs, blé Lait : 280KL (30-35VL) Porcs engraisseurs + charcuterie fermière (103 porcs/an) 1966 : Installation Grand-père 1981 : Installation du père en GAEC familial 2006 : Installation du fils en GAEC familial

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b) L’occupation de l’espace par une exploitation agricole

Photo 6. Vue d’ensemble sur les bâtiments de l’exploitation (Haute Rivoire, 16 avril 2011)

Cette vue d’ensemble prise depuis le contrebas de l’exploitation met en évidence de gauche à droite les bâtiments d’exploitation récents, issus de trois phases de constructions successives (1972, 1982, 1995). Au centre, les bâtiments de la ferme en U, ouverts vers un parc d’élevage et sur la droite un jardin et quelques arbres fruitiers.

Jusqu’en 1966, avant l’installation du grand-père, l’exploitation faisait 7ha. En nous appuyant sur le croisement de différentes sources, nous pouvons schématiser la configuration de l’exploitation à ce moment-là de la manière suivante.

Figure 9.Schéma de l’exploitation en 1966 (auteur à partir de différentes sources640)

Le schéma ci-dessus représente les différentes manières d’occuper l’espace agricole, la valeur différente des terrains en fonction de la pente, des ruisseaux et rivières. Michel Rautenberg souligne

640

Schéma établi à partir de travaux d’historiens, sur l’analyse de la configuration actuelle de l’exploitation et les détails fournis par les agriculteurs sur les changements d’affectation de l’espace. M.-T. LORCIN. Les campagnes de la région lyonnaise aux XIVe et XVe siècles Ouvrage cité , M. RAUTENBERG. La mémoire domestique. La maison rurale des Monts du Lyonnais., Ouvrage cité

Ferme en U d’origine Parc Jardin et P3 :199 P2 :198 P1 :197

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l’ouverture plus fréquente vers l’Est des bâtiments de la ferme en U, dans un rôle de protection du vent, mais la configuration reste spécifique au relief, aux terrains de chaque exploitation641.

Dans le tour de plaine mené avec l’exploitant, nous identifions différents types d’espaces qui ne sont pas désignés par les termes vernaculaires (planil, brosses, flaches, bois) mais dont les caractéristiques sont bien les mêmes. Nous les illustrons à partir de quelques photos.

Photo 7. Le jardin et les arbres fruitiers (Haute Rivoire, 16 avril 2010)

Sur la droite de la maison d’habitation se trouve un potager, encadré dans le cas de cette exploitation par un mur, sans doute ici pour protéger cet espace de l’érosion par le vent. En contrebas, un espace est planté de quelques arbres fruitiers dont on peut penser qu’il s’agit là d’un héritage de ce que MT Lorcin désigne au Moyen-Âge comme « verchères »642.

Photo 8. Vue depuis le bas du chemin vers le Nord (Haute Rivoire, avril 2010)

On identifie ici au premier plan la parcelle cultivée en contrebas de l’exploitation (terrain A), identifiée comme l’agriculteur comme une parcelle plutôt de bonne qualité. La parcelle B en arrière-plan est surélevée et fortement exposée aux vents. Le sol est peu profond (de l’ordre de 20 centimètres d’après l’agriculteur). Elle est cultivée en terre labourable parce que peu propice à l’élevage/pâturage mais les rendements sont peu élevés.

641 M. RAUTENBERG. La mémoire domestique. La maison rurale des Monts du Lyonnais., Ouvrage cité 642 M.-T. LORCIN. Les campagnes de la région lyonnaise aux XIVe et XVe siècles Ouvrage cité

Terrain A Labourable En céréales Parc Terrain B séchant et peu

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Photo 9. Chemin en contrebas de l’exploitation qui descend vers la rivière

Nous distinguons ici au premier plan la parcelle cultivée A, les prairies humides, irrégulières et arborées en fond de vallon. De nouveau quelques parcelles cultivées dans la pente puis les sommets boisés, de feuillus et de conifères, qui n’appartiennent pas aux agriculteurs.

c) Assolement et différenciation des parcelles entre elles

L’assolement de cette exploitation est composé de 30ha de terres labourées cultivées en rotation triennale maïs/céréales/mélange dactyle-luzerne.

Figure 10.Assolement de l’exploitation (2009)

Il s’agit ici d’un assolement spécifique dans les MDL par la place importante des céréales dans l’assolement, du fait de l’engraissement de porcs charcutiers. Les 15,5ha restant sont en prairies permanentes situés en contrebas de l’exploitation dans la zone humide en bordure de rivière et autour de l’exploitation du fils car les terrains repris à l’agriculteur qui partait alors à la retraite sont peu profonds et séchants. Certaines zones humides des parcelles labourables et cultivées ont été drainées, un drainage individuel et ponctuel (rarement une parcelle entière).

Terrain A Sommets boisés Prairies humides en bord de rivière

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d) Dynamique d’agrandissement de l’exploitation

Graphique 3.Évolution de l’exploitation à l’échelle de trois générations

Ce graphique met en évidence un agrandissement progressif de l’exploitation, qui s’est déroulé essentiellement au moment des installations. Les surfaces de l’exploitation ont été multipliées par 3-4 à partir de l’installation du grand-père, mais soulignons aussi que le nombre d’UTH sur l’exploitation a aussi été multiplié par 1,5-2.

La surface de l’exploitation est passée à l’échelle de 3 générations de 7ha à 45,5ha. Le père est propriétaire de 17 hectares au total, une grande partie de ces reprises s’est donc faite sous forme de baux à long terme, aux anciens exploitants. L’agrandissement s’est déroulé :

• de manière progressive au gré des opportunités (abandons dans le voisinage)

• lors des phases d’installation de manière plus significative suivant les opportunités dans le village ou dans les villages voisins. Certaines des parcelles étaient parfois éloignées du site d’exploitation (jusque 10km).

Depuis 1990, l’agriculteur a mené une importante politique de restructuration foncière sur son exploitation via des échanges de parcelles afin de faciliter les conditions d’exploitation (contrainte du transport : pentes, accès par des chemins à sens unique de circulation). Malgré les différences significatives de qualité des parcelles (profondeur du sol, pente, taille des parcelles), les échanges se sont déroulés à surface égale afin de maintenir la capacité productive. Les échanges se déroulent sur le foncier, parfois ce sont de simples échanges de baux, mais pas sur les DPU.

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La main d’œuvre a pour sa part progressivement augmenté sur l’exploitation agricole, hausse étroitement corrélée à l’évolution de l’activité de transformation-commercialisation. Il s’agit de main d’œuvre familiale avec en particulier deux GAEC père-fils dans la trajectoire de l’exploitation agricole, mais aussi de main d’œuvre non familiale, avec une période de GAEC avec un associé non familial, ainsi que l’emploi d’un salarié non familial.

e) Organisation et aménagement des bâtiments de l’exploitation

L’organisation et l’aménagement des bâtiments ont été profondément bouleversés depuis 1950, avec la construction de trois nouveaux bâtiments d’élevage à gauche de l’exploitation, et l’aménagement de l’espace d’habitation. Nous illustrons l’organisation actuelle de l’espace en montrant aussi les évolutions effectuées par les agriculteurs.

Figure 11.Plan des bâtiments de l’exploitation (auteur, Haute Rivoire, 2011)

Le plan montre ici les phases d’agrandissement progressif des bâtiments et les changements de fonctions des différents espaces au gré de l’agrandissement. L’analyse détaillée et illustrée de l’occupation des différentes parties des bâtiments de l’exploitation peut être consultée en annexe (voir en annexe B3 ). L’exploitation constitue un ensemble ici très resserré sur une petite surface. L’autre site d’exploitation héberge uniquement la maison d’habitation du fils et un abri pour les animaux qui y pâturent.

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Photo 10. La « maison rurale » des MDL (photo : Haute Rivoire, 16 avril 2011)

Cette première photo met en évidence d’abord la configuration en U de la maison d’habitation. La cour est ouverte vers la pente d’où est prise la photo. Dans la plupart des exploitations, ce versant orienté vers la pente reste fermé par un muret à mi-hauteur avec un portail qui ouvrait sur le parc clôturé où pâturaient les animaux (le planil). Cette ouverture semble être plutôt récente dans une perspective d’aménagement de l’espace de vie qui se dessine très travaillé ici : construction d’une terrasse, fleurissement, jardin avec une balançoire pour les enfants. Au premier plan, les barrières délimitent un espace pâturé par quelques chevaux entretenus ici pour le plaisir.

En conclusion, cette analyse nous a permis d’illustrer plusieurs changements dans les manières d’occuper et d’habiter l’espace dans les MDL :

• Extension de l’exploitation en dehors des anciens bâtiments de la ferme en U par phases successives.

• Agrandissement foncier et investissements (principalement au moment des installations). • Réinvestissement des espaces d’habitations pour la qualité de vie et les loisirs (un élément qui

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2.3.2. Une structure agraire qui reste concentrée sur des exploitations

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