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social et économique en mutation

2.4.2. Un potentiel de développement de l’exploitation agricole dans le local ?

Dans un contexte de crise économique, de concentration des filières agro-alimentaires, de transformation des espaces ruraux et d’émulation sur le potentiel du développement local173, l’insertion spatiale des exploitations agricoles est interpellée dans un questionnement sur « l’autonomie »174. Le « local » est questionné par les auteurs qui formalisent ces formes d’exploitations « diversifiées » comme espace de reproduction par rapport à un capitalisme englobant, avec différents angles d’analyse.

167 Y. GUERMOND, M.-L. AUBRY, A. GUELLEC, J. BONNAMOUR and A. MEYNIER, 1972, Les journées rurales de septembre 1971 à Rennes, Norois, 417-434

168 Tout en considérant que celle-ci reste centrale, mais c’est précisément pour mieux caractériser cette diversité régionale qu’ils cherchent à établir une clef d’analyse transversale.

169 J. BONNAMOUR, Y. GUERMOND and C. GILLETTE, 1971, Typologie des systèmes d'exploitation agricole utilisés en France, Annales de géographie, 144-166

170 H. COCHET. L'agriculture comparée, Ouvrage cité p29-38

171 J.-P. DEFFONTAINES, Analyse du paysage et étude régionale des systèmes de production agricole, Article cité R. DUMONT and F. DE RAVIGNAN, 1977, Nouveaux voyages dans les campagnes françaises, Paris, Le Seuil, 317 p. H. COCHET, S. DEVIENNE and M. DUFUMIER, 2007, L'agriculture comparée, une discipline de synthèse?, Économie rurale, n°297-298, pp. 99-112

172 J. BONNAMOUR, 1997, La géographie rurale pendant le dernier quart de siècle, Ruralia, n°1, 24 p. , H. COCHET. L'agriculture comparée, Ouvrage cité p31

173 Bertrand HERVIEU, Pierre MACLOUF and Philippe MERLANT Le local dans tous ses états: décentralisation et développement: la grande bataille du septenat., Paris, Autrement, n°47, Eds. du Seuil., 1983

174 Dans un courant de pensée inspiré par la philosophie d’Ivan Illich, la question de l’autonomie était centrale pour penser la résilience, la question de Pierre Müller était en effet la suivante : "à quel prix et à quelles conditions des espaces de reproduction plus autonomes pourraient _ ou ne pourraient pas _ se développer dans la société actuelle ?" Müller P. D. et Le Monnier J., 1984. Les agricultures différentes., Grenoble, La pensée sauvage- Peuple et Culture, Collection Autonomies.,

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a) Du local activé par le « génie du lieu » aux milieux innovateurs

F. Pernet accorde une importance centrale au rapport au lieu dont émergent les « solutions ». L’autonomie des exploitations résistantes passe pour lui par « la valorisation de toutes

les possibilités locales », ce qu’il appelle le « génie du lieu ». Son approche du lieu comme potentiel

de ressources, de « solutions » non activées préfigure les travaux ultérieurs et la formalisation de l’économie du développement local175.

« car, dans presque toutes les solutions, on trouvera des produits, des activités, des techniques, ou des rapports sociaux qui sont précisément caractéristiques d’un lieu situé dans son histoire et dans son écologie et simultanément, oubliés, dévalorisés dans le fonctionnement économique global » 176

Les expériences connues et médiatisées du développement local de quelques territoires, celle du Diois, du pays du Mené ou de l’Isthme du Cotentin interrogent la capacité du milieu à créer de la valeur ajoutée, de l’innovation, à générer une dynamique endogène de développement177. Or, en filigrane de ces expériences de développement local et indépendamment de toute interrogation sur les questions agricoles, se structure en 1985 le GREMI, Groupe de Recherche Européen sur les Milieux Innovateurs, essentiellement centré sur des études de cas industriels. Celui-ci, sous l’impulsion de Ph. Aydalot, étudie les relations entre les innovations et les territoires autour de l’hypothèse du rôle déterminant des milieux locaux comme incubateurs d’innovation.

« L’hypothèse a donc été faite du rôle déterminant joué par les milieux locaux comme incubateurs de l’innovation, comme prisme à travers lequel passeront les incitations à l’innovation et qui donnent sur le terrain son visage à celle-ci ; l’entreprise n’est pas un agent innovateur isolé ; elle est partie du milieu qui la fait agir. Le passé des territoires, leur organisation, leurs comportements collectifs, le consensus qui les structure sont des composantes majeures de l’innovation. »178

La figure de l’entrepreneur individuel de type schumpétérien, capable d’adaptation pour faire face à l’incertitude et inscrit dans des réseaux d’alliances et de coopération est centrale dans leur analyse des processus d’innovation (même s’ils n’excluent pas dans leur analyse l’appréhension du rôle des grandes entreprises). Ils approfondissent les travaux d’A. Marshall sur les districts industriels, qui soulignent au-delà des effets d’économies d’échelles, les complémentarités entre les firmes reposant sur les échanges d’informations sur les process et sur les marchés, sur l’émergence d’une « professionnalité ambiante » et les pratiques de coopération favorables à l’émergence d’innovations.

Leur analyse, interrogeant donc les effets de la culture, de l’histoire, des comportements collectifs comme composantes des stratégies d’adaptation individuelles, et accordant une place centrale au caractère « adaptatif » face à une situation de crise répondent en écho aux travaux de F. Pernet. Ce

175 B. PECQUEUR, 1989, Le développement local, Syros, Alternatives économiques, 149 p. 176 F. PERNET. Résistances paysannes, Ouvrage cité pp. 119 ;132

177 P. HOUÉE. Quel avenir pour les ruraux? , Ouvrage cité

178 P. AYDALOT, 1986, Milieux innovateurs en Europe., Paris, GREMI- Groupe de Recherche sur les Milieux Innovateurs, 361 p. , p11.

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mouvement est à l’origine d’une réflexion sur « l’économie de la proximité », « l’économie territoriale » qui va prendre toute son ampleur dans le courant des années 90-2000.

b) Le local comme espace de solidarités, de rapports non marchands

P. Alphandéry, P. Bitoun et Y. Dupont questionnent pour leur part l’encastrement de l’exploitation agricole dans la société locale autour des trois formes d’activités économiques que sont la réciprocité, la redistribution et le marché179. En interrogeant les rapports d’appropriation matérielle et symbolique de l’espace, les systèmes de règles définies localement, les rapports de sociabilité et leurs éventuelles composantes économiques, ces travaux soulignent l’hypothèse selon laquelle se dessinent dans les territoires, des formes d’économie patrimoniales180 .

c) L’exploitation rurale : dépassement du local vers un espace résiliaire

P. Müller pour sa part aborde le « local » avec un regard plus distancié181. Il s’attache à décrire les « espaces de reproduction » des exploitations, dont la définition repose sur l’hypothèse inspirée d’Y. Barel que « la transmission fait intervenir bien d’autres critères que l’argent (…). Ce que le

patrimoine régule, au-delà de l’économie, c’est tout un monde où l’on trouve pêle-mêle la famille, la politique, le consensus et le conflit social, la « nature » comme la « culture ».182

Le territoire désigne selon lui « non plus l’espace concret, mais le mécanisme même de cette mise

en cohérence qui donne sens à la vie et au travail des individus ». Il distingue trois formes de

territorialités: le territoire de sociabilité traditionnelle pour les exploitations dites « traditionnelles », la filière industrielle pour les exploitations modernisées et les « réseaux de proximité » pour « l’exploitation rurale »183. L’espace résiliaire de l’entreprise rurale, défini comme « une combinaison

complexe de rôles professionnels et de relations d’interconnaissances. »184, remet en cause à la fois le déterminisme du secteur et du territoire, dans une perspective qui prend selon lui sa source dans « l’esprit d’entreprise », la fluidité des codes sociaux inscrite dans ce qu’Y. Barel désigne comme une dialectique du code et du territoire. Il montre également le renouvellement des formes d’action collectives dans lesquelles s’inscrit l’entrepreneur rural (producteurs vendeurs, consommateurs).

179 P. ALPHANDÉRY, P. BITOUN and Y. DUPONT. Les champs du départ: une France rurale sans paysans?, Ouvrage cité

180 D. BARTHÉLEMY, M. NIEDDU and F.-D. VIVIEN, 2003, "Le patrimoine : accumulation d’externalités positives ou régulation de la relation marchande ? Les enseignements de travaux récents sur l’agriculture et l’environnement.", Forum de la régulation, 23 p.

181 P. MÜLLER, A. FAURE and F. GERBAUX. Les Entrepreneurs ruraux : agriculteurs, artisans, commerçants, élus locaux, Ouvrage cité

182 Ibid., p166 183 Ibid..p24 184 Ibid., p.175

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2.5. Bilan : Fragilisation de l’exploitation agricole sectorielle et

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