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études de cas

3.3. Étude et analyse du jeu d’acteurs

3.3.2. L’analyse des projets de territoire

Nous nous sommes ensuite intéressés aux dispositifs d’action publique, et plus particulièrement aux Plan d’Aménagement Rural, des projets de territoires élaborés depuis 2000 dans le cadre des dispositifs de contractualisation régionaux (chartes et projets de territoires). L’objectif est de comprendre la place de l’agriculture et des agriculteurs dans ces dispositifs territoriaux, et ce qui s’y joue pour les exploitations agricoles. Nous nous sommes appuyés sur plusieurs types de sources :

Les documents officiels : chartes, projets de territoires ainsi que les documents et archives relatifs à leur mise en place.

Dans l’analyse des documents de projet officiels, nous avons été particulièrement attentifs à une analyse discursive de la formulation des problèmes, aux objets par lesquels est saisie la question agricole. Nous avons notamment analysé de l’iconographie mobilisée dans les projets de territoire (cartes, schémas, iconographie et logos), et à ce qu’elle révélait de la place des différents enjeux. Lorsqu’elles pouvaient être obtenues, nous avons également mobilisé les archives des débats lors de la mise en place du projet, les budgets prévisionnels. Dans des procédures qui de plus en plus s’appuient sur l’expertise du diagnostic pour l’élaboration des programmes d’action, nous nous sommes particulièrement intéressés aux diagnostics agricoles : par qui ont-ils été réalisés ? quelles méthodes sont employées pour le diagnostic et quels objets et priorités sont identifiés ?

Des entretiens avec les acteurs impliqués dans la mise en place du projet de territoire

Différents acteurs ont été rencontrés en particulier les élus ayant des responsabilités sur les questions agricoles, l’urbanisme ou par leur rôle leader dans les projets de territoire, des agriculteurs impliqués dans les conseils municipaux et dans l’élaboration du projet à divers titres (représentants syndicaux, etc.), des techniciens/animateurs des collectivités territoriales ou des organisations professionnelles agricoles (grilles d’entretien en annexes A5(c)et A5(d)).

Pour l’analyse de ces dispositifs, nous nous sommes appuyés sur le cadre de la sociologie de l’action publique559. Nous avons d’abord resitué le contexte d’élaboration de ces dispositifs, les principaux acteurs impliqués, et les grands enjeux définis comme prioritaires pour le territoire. Nous avons ensuite identifié les objets autour desquels la question agricole est saisie, les modalités de consultation/concertation des agriculteurs, et de ce fait cherché à identifier les agriculteurs impliqués et légitimés dans ce processus. Nous analysons ensuite les leviers d’action mobilisés en matière agricole, leur importance budgétaire, et la mise en œuvre de ces dispositifs. Enfin, nous nous interrogeons plus finement sur l’appropriation de ce dispositif par les agriculteurs, sur les compromis socio-institutionnels qui en émergent, et sur les processus d’exclusion, de différenciation des exploitations agricoles qui en découlent.

559 P. LASCOUMES and P. LE GALÈS, 2011, Sociologie de l'action publique: domaines et approches, Paris, Armand Colin, 126 p.

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3.3.3. Identification et analyse de situations d’interaction

Les entretiens généraux introductifs, les entretiens avec les agriculteurs nous ont permis d’identifier des situations d’interaction qui se cristallisent entre les agriculteurs et d’autres acteurs du territoire. Sans aller jusqu’à une analyse fine des rapports individuels des agriculteurs avec des résidents ou des consommateurs par exemple, nous centrons ici l’analyse sur les situations d’interactions qui à un moment donné cristallisent un ensemble d’acteurs impliqués dans une démarche collective ou sur des « moments » comme par exemple les fêtes/foires. Sont ici identifiées comme situations d’interactions un large ensemble qui recouvre tant l’action militante (ex : associations de solidarité), l’action de défense d’intérêts individuels (ex : comités de défense contre les projets d’une porcherie), les coordinations entre acteurs autour d’un projet économique (ex : collectif autour d’un projet de valorisation locale du lait), d’un projet public d’aménagement (ex : élargissement d’une route). Nous nous intéressons aussi à certains dispositifs d’action publique centrés sur une problématique donnée tels que les Schémas de Cohérence territoriale, les contrats de rivière.

L’identification progressive de ces situations d’interaction au gré de nos entretiens nous a orientés vers différents acteurs, ceux qui sont les relais « politiques » des exploitations agricoles au sein de ces collectifs d’action (ex : la négociation au sein du comité de rivière s’est déroulée en présence du technicien fruits rouges), ceux qui portent ces actions collectives, ceux qui sont directement impliqués ou parfois simplement indirectement concernés. Nous nous intéressons tant aux situations d’interaction synchrones de l’étude que passées, en nous appuyant sur les entretiens, bulletins d’information-relevés de presse et documents de seconde main que peuvent nous fournir les acteurs.

Pour l’analyse des différentes situations d’interaction nous avons mobilisé selon les cas : la sociologie des organisations560, la sociologie pragmatique561, et la sociologie de l’action publique562. Nous analysons d’abord le contexte, des acteurs impliqués, des objets au cœur du débat, l’étendue spatiale et temporelle de cette situation d’interaction. Nous étudions ensuite le déroulement de cette situation d’interaction, la nature des interactions, l’évolution des relations entre acteurs. Nous nous intéressons enfin à ce qui se dégage de cette situation d’interaction, à la manière dont les agriculteurs se l’approprient et qu’est-ce qui s’y joue pour les exploitations agricoles. Dans les Monts du Lyonnais, nous avons resitué les dynamiques d’action collective en agriculture dans le temps en nous appuyant sur les archives des bulletins du CDML563, et sur les entretiens avec les agriculteurs et les différents acteurs.

560 Les auteurs proposent en effet une grille d’analyse qui décline : description globale, description de l’organisation à partir des règles formelles (hiérarchie, organigramme), identification des règles informelles, identification des enjeux de pouvoir, d’incertitude et analyse de situations d’action datée et identifiées. P. BERNOUX. La sociologie des organisations, Ouvrage cité , p448

561 M. MORMONT, Conflit et territorialisation, Article cité

562 P. LASCOUMES and P. LE GALÈS. Sociologie de l'action publique: domaines et approches, Ouvrage cité

563 CDML, 1986-1994, Par Monts et Vallées, n°0-26, , CDML, 1998-2011, Quoi de neuf, Lettre d'information du Comité de Développement Agricole des Monts du Lyonnais, Vol. 1-39, 4 p.

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Le Tableau 3 ci-dessous recense les différentes situations d’interaction étudiées suivant les objets-interfaces souligne une disparité des sources entre les deux terrains d’étude. Nous l’analysons ici comme un élément de résultat, en ce sens que les enjeux identifiés comme centraux apparaissent distincts.

Tableau 3. Situations d’interaction étudiées et sources mobilisées

MDL FI

Foncier Débats de la question foncière dans le dispositif d’animation territoriale

Aménagement des ateliers relais Animations communales (depuis 1994)

Arbitrages dans la définition des PLU Débats autour du SCOT

Aménagement de la RD642 7ème conférence agricole des MDL

4 élus maires

Agriculteurs membres des conseils municipaux

Agriculteurs membres des commissions

d’animation communales

Comptes rendus et autres documents relatifs aux dispositifs d’animation territoriale

PLU de St Martin en Haut (PADD)

Responsable SCOT

Technicien-animateur PLU intercommunal

MFPL

Responsable urbanisme/chambre d’agriculture SCOT (diagnostics, PADD, DOG), PLU des communes de Merris et St Jans Cappel, PLU intercommunal de la communauté de commune MFPL.

Insertion marchande/le produit

Marque collective Marché aux veaux

Débats autour de la restructuration de l’URCVL Les travaux du groupe FROMOLY

Associations de consommateurs

Le système agro-industriel régional Les filières porcines labellisées La filière houblonnière

administrateurs ou ex-administrateurs de la SICOLY, de l’URCVL, de SODIAAL. de groupes d’agriculteurs (lacunes car non identifié comme une priorité au départ comme une priorité)

Archives du bulletin Quoi de Neuf et Par Monts et Vallées

1 technicien de Saveur en Or (tel) ; 2 responsables approvisionnement Mac Cain/Bonduelle ; 1 chargé de communication ; 1 Brasserie régionale (tel) ; 1 technicien d’un groupement de producteurs de porcs ; 1 technicien animateur en charge de la promotion des AMAP

Environneme nt/pratiques agricoles

Mesures agro-environnementales élaborées dans le cadre du contrat de rivière Coise.

Remise en cause du système de production laitier intensif dans les forums altermondialistes.

Débat sur les projets portés par les associations environnementales.

Débats à l’échelle de la Flandre intérieure autour des enquêtes publiques et de la production porcine.

Débats sur la commune d’Haverskerque sur la cohabitation résidents-agriculteurs

Analyse de situations d’interaction dans les communes confrontées à des inondations. Entretiens avec les techniciens en charge des deux

contrats de rivières (Coise/Brévenne-Turdine). Archives des débats publics autour des films publiés militants sur l’agriculture.

Entretiens avec les porteurs de projets des associations environnementales.

Revue de la presse quotidienne régionale sur les enquêtes porcines.

Entretiens avec les agriculteurs, associations et élus impliqués dans les situations de conflits et d’interactions identifiées. Relations des agriculteurs avec les dynamiques associatives sur le territoire

Débats publics sur la crise laitière Actions de cohésion sociale par le CCML Le comice des 4 cantons

Débats organisés par le CMR sur les rapports agriculteurs-élus

Démarches pour une agriculture alternative portées par les acteurs non agricoles.

Comice des 4 cantons et archives d’autres évènements.

Suivi de la préparation de l’exposition agricole du Comice

Entretiens avec des présidents d’associations de solidarité et socio-culturelles

Entretiens avec les membres du CMR

Archives des documents élaborés dans ce cadre. Entretien avec les acteurs initiateurs d’Accueil Paysan, création d’AMAP.

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Conclusion de la première partie

Cette première partie nous a ainsi permis de préciser la question de recherche à partir d’une interrogation large sur la transformation de l’unité de production agricole, d’une exploitation sectorielle à une exploitation agricole territoriale. Le premier chapitre, retraçant la genèse de cette question de thèse, nous a permis d’affiner le positionnement scientifique retenu, et de préciser les enjeux sous-jacents aux notions d’exploitations agricoles sectorielles et territoriales. Il nous a en particulier conduits à bien resituer cette interrogation comme une question relative à la nature des instances où se joue l’avenir des exploitations agricoles, par rapport à une interrogation sur l’évolution des modèles d’exploitation agricole et de leurs fonctions politiques et sociétales (monofonctionnelle versus multifonctionnelles) et par rapport à une interrogation sur les évolutions structurelles (spécialisées versus diversifiées). Nous recentrons plus particulièrement la question

de recherche sur la relation exploitation agricole – territoire, avec l’hypothèse que les territoires construits et institués s’affirment comme des instances au sein desquelles se joue l’avenir des exploitations agricoles. Pour traiter de cette hypothèse, nous avons élaboré dans le second chapitre le

cadre d’analyse de la thèse en nous appuyant en particulier sur le postulat scientifique central d’un encastrement de l’économique dans le social. Cela nous conduit à nous appuyer sur les apports croisés de plusieurs disciplines. Nous nous inscrivons plus particulièrement à l’interface entre la géographie rurale et l’économie institutionnelle. Nous proposons une méthode d’analyse de l’évolution des relations des exploitations agricoles aux territoires à l’échelle de petites régions qui se décline en trois grandes étapes :

• Une analyse structurelle, mobilisant l’analyse paysagère, les données statistiques et bibliographiques, et visant à resituer les configurations géographiques, sociales et historiques de la petite région considérée et de l’agriculture ;

• Une analyse chronologique de l’évolution des exploitations agricoles et des dynamiques des autres acteurs parties prenantes, saisies via l’étude des dispositifs d’action publique et d’action collective à l’échelle de la petite région considérée ;

• L’analyse de ce qui se passe pour les exploitations agricoles dans les situations d’interaction avec les autres acteurs parties prenantes, puis la définition d’une typologie permettant de caractériser le changement des instances où se joue l’avenir de ces exploitations agricoles. C’est autour de ces trois entrées que s’organisent les deux cas d’étude mobilisé pour la thèse : les Monts du Lyonnais et la Flandre intérieure. Ces deux zones de polyculture-élevage situées à proximité de grandes agglomérations (Lille, Lyon), présentent en effet l’intérêt de pouvoir mettre en regard les dynamiques socio-économiques d’une région de moyenne montagne structurée par la proximité des

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agglomérations et d’une région très urbanisée insérée dans un vaste complexe économique et agro-industriel.

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Photo 1. Les Monts du Lyonnais : une région de moyenne montagne à proximité des agglomérations urbaines

Nous observons sur cette photo la diversité des formes spatiales des Monts du Lyonnais : un parcellaire cultivé dont nous identifions les trois composantes principales des Monts du Lyonnais (blé, maïs, herbe), les vallons boisés, une exploitation agricole sur la gauche et les formes spécifiques d’un habitat dispersé. Enfin, à l’arrière-plan, le village de Saint-Martin-en-Haut, situé à l’extrémité Est des Monts du Lyonnais est traversé par la pression périurbaine. Cela nous permet d’illustrer le caractère resté à dominante rurale de cet espace, néanmoins structuré par ses relations de proximité avec les villes voisines.

Nous menons dans cette seconde partie l’analyse des processus en jeu entre exploitations agricoles et territoire dans les Monts du Lyonnais. Notre hypothèse est que nous pouvons y identifier un processus de « territorialisation » des exploitations, c'est-à-dire que l’avenir des exploitations se joue de plus en plus dans la relation à d’autres acteurs locaux. Les Monts du Lyonnais sont caractérisés par la pérennisation d’un système agraire de petites et moyennes exploitations, à

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dominante laitière et parfois spécialisées, et dont le maintien ne repose cependant pas sur la différenciation du produit. Alors même que les formes de territorialisation des systèmes laitiers ont particulièrement été étudiées dans le cas de démarches de qualification territoriale du produit, ce cas d’étude nous interpelle quant à l’existence d’autres formes de régulation territoriale dont nous faisons l’hypothèse a priori qu’elles peuvent reposer sur l’accès aux facteurs de production, ou l’accès aux soutiens publics des collectivités territoriales. Par ailleurs, en abordant l’étude des Monts du Lyonnais, deux autres hypothèses s’imposent et constituent une dimension importante de l’analyse que nous menons. D’abord, on raconte beaucoup les MDL564… On raconte une histoire du développement local, du rôle de la Jeunesse Agricole Chrétienne dans la révolution fourragère565, du dynamisme d’agriculteurs impliqués dans des démarches collectives leur ayant permis de se maintenir aussi nombreux sur le territoire566. Autant d’éléments d’une histoire récente qui confortent l’idée d’un « bastion », alimentée par les légendes, de la « Petite Vendée » ou de la « ferme-forteresse ». Ceux-ci constituent des éléments qui alimentent la construction d’un territoire politique « Monts du Lyonnais » dans le paysage organisationnel et institutionnel. Ces récits du développement local nous interpellent quant à la capacité de cette fabrication « d’un territoire » à s’approprier les formes spécifiques d’un développement des exploitations agricoles, alors même que cela ne s’est pas traduit par une différenciation territoriale du produit comme cela peut être le cas par exemple dans le Beaufortin.Le second élément incontournable de notre analyse est lié à la situation des Monts du Lyonnais. Cet espace montagnard garde en effet les composantes d’un espace rural, et il est cependant situé à 40 kilomètres des deux agglomérations de Lyon et Saint-Etienne. Les effets de distances et de proximités à la ville apparaissent comme un élément central tant du point de vue des dynamiques sociales, que du point de vue de l’organisation de l’économie agricole, en particulier dans le contexte récent de réinvestissement du « local ». Or, les Monts du Lyonnais constituent le « local » de Lyon. Que s’y joue-t-il pour les exploitations agricoles ?

Notre analyse se décline en trois temps. Dans un premier temps, nous situons le territoire des Monts du Lyonnais, et retraçons les grandes lignes de l’histoire agraire à partir d’analyses statistiques et de la mobilisation de différentes sources historiques. Dans un second temps, nous menons une analyse diachronique de la construction sociale d’un territoire Monts du Lyonnais, et des rapports construits avec les évolutions des exploitations agricoles depuis 1950. Le troisième chapitre est dédié à l’analyse de différentes situations d’interaction et de ce qui s’y joue pour les exploitations agricoles, afin dans un dernier temps de qualifier les formes et la nature du processus de territorialisation selon les types d’exploitations agricoles.

564 Nous employons ici un « On » volontairement non défini car cela renvoie très largement à une histoire racontée, appropriée par les acteurs eux-mêmes.

565 J.-P. HOUSSEL, 2006, Des débuts de la révolution fourragère dans le lyonnais à la modernisation en petite culture, Géocarrefour, vol. 81 /4, [En ligne], mis en ligne le 01 février 2008. URL : http://geocarrefour.revues.org/index1684.html

566 P.-C. COLLIN, 1977, L'initiative collective des Monts du Lyonnais, Dir: RAMBAUD P., Collège coopératif Rhône-Alpes, Lyon. 283 p.

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Chapitre 3

Les Monts du Lyonnais, un espace rural à

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