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Thieng Thi Nguyen

Maître de conférences et docteur en démographie

Institut de Démographie et des Affaires sociales, Université d’économie nationale

Hanh Thi Bui

Maître ès science en sociologie

Institut de Démographie et des Affaires sociales, Université d’économie nationale

Cet article est basé sur les résultats d’une étude intitulée Recherches sur les jeunes

migrants travaillant dans le secteur informel à Hanoï, réalisée par l’Institut d’Etude sur la Population et la Société de l’université d’économie nationale, avec l’assistance technique et financière de l’Organisation Plan au Vietnam - Zone de Hanoï. L’objectif de cette recherche est d’analyser la situation actuelle des jeunes migrants travaillant dans le secteur informel, entre autres leurs origines et la localité de leur destination, afin de faire des recommandations aux pouvoirs publics.

Dans le cadre de cet article, notre intention est de décrire l’état des connaissances et des pratiques du Code du Travail par des employeurs et des jeunes migrants travaillant dans le secteur informel à Hanoï.

Les résultats de recherches précédentes montrent que la plupart des migrants sont jeunes (UNFPA, 2007, p.10 ; TCTK Vietnam et UNFPA, 2006, p.11-12 ; VU Thi Hông et al., 2003, p.171). A peine moins de 50% des salariés migrants ont un contrat de travail. Ce taux est le plus élevé chez les 20 à 24 ans et baisse progressivement chez les plus âgés. Les personnes ayant une haute qualification professionnelle ont plus de chance d’avoir un contrat de travail (TCTK, UNFPA, 2005, p.45). Très peu de migrants bénéficient d’avantages sociaux et de la sécurité sociale, y compris ceux ayant un contrat de travail (Lê Bach Duong, Đang Nguyên Anh et al., 2006, p.115). L’aide de l’employeur accordée aux salariés migrants est très limitée (Lê Bach Duong et al., 2006, p.115 ; Lê Bach Duong et Khuat Thu Hong, 2008, p.100). La prime constitue l’avantage social le plus populaire, toutefois le bénéfice d’un avantage social est proportionnel au niveau de qualification professionnelle (TCTK, UNFPA, 2005, p.50).

1° - Méthodologie de recherche

Recherche des documents existants et analyse des données secondaires

Dans cette phase d’étude, il s’agissait essentiellement d’étudier le contenu du Code du Travail de la République socialiste du Vietnam des années 1994, 2002, 2006 et 2007, afin de mieux comprendre les droits et obligations des salariés et des employeurs ; de faire un bilan des recherches et des documents existants sur la qualité de vie des migrants et sur les programmes d’intervention mis en place concernant la migration dans les grandes villes, notamment Hanoï.

Méthodes de recherche quantitative

La constitution de l’échantillon pour l’enquête quantitative réalisée à Hanoï a été faite selon le principe suivant : sélection des arrondissements/districts ayant le plus de migrants ; puis sur le même principe, sélection des quartiers/communes. Dans chaque quartier/commune, choix de cinq à dix îlots. Les arrondissements/districts sélectionnés ont été : Hoang Mai (quartiers de Thịnh Liet et Viet Hung) ; Thanh Xuân (quartiers de Nhân Chính, Khuong Đinh et Thanh Xuân Bac) ; Tu Liêm (communes de Cô Nhuê, Minh Khai et Phu Diên). Dans ces périmètres, tous les jeunes migrants travaillant dans le secteur informel, âgés de 15 à 24 ans, originaires d’autres provinces ou des régions rurales de l’ancienne province de Ha Tây ont été contactés pour constituer l’échantillon. La méthode d’enquête par questionnaire a été utilisée. Il y a eu 903 répondants âgés de 15 à 24 ans, dont 316 femmes (35%). 69,2% ont entre 20 et 24 ans, seuls 29,8% ont entre 15 et 19 ans. La majorité est originaire des régions rurales de la plaine (76.3%). 90,3% sont célibataires. Les femmes sont plus souvent mariées que les hommes (16% contre 6%) ; 46,3% ont le baccalauréat, 41,7% ont le diplôme de fin d’étude collégiale. Seuls 30,1% ont une qualification professionnelle, 69,9% n’ayant pas de formation.

Méthodes de recherche qualitative

La méthodologie qualitative recouvre des entretiens en profondeur réalisés avec des responsables des autorités publiques et des organisations sociopolitiques issus d’arrondissements/districts, quartiers/communes choisis ; des discussions de groupe avec de jeunes migrants travaillant dans le secteur informel, des cadres des services et organisations de district et de commune, des chefs de famille qui sont voisins des migrants, des ménages ayant ou n’ayant pas d’enfants migrants. 46 entretiens en profondeur et 6 discussions de groupe ont été effectuées à Hanoï ainsi que 18 entretiens en profondeur et 12 discussions de groupe dans les lieux d’origine (Bac Giang, Phu Tho et Thai Nguyen soit les provinces qui « envoient » un grand nombre de jeunes migrants à Hanoï).

Quelques précisions conceptuelles

Les jeunes migrants sont définis dans notre enquête comme des jeunes âgés de 15 à 24 ans, ayant migré d’autres provinces et des districts de l’ancienne province de Hà Tây, dans les cinq années précédant l’enquête, résidant depuis un mois révolu sur le lieu enquêté et travaillant dans le secteur informel.

L’âge au travail est fixé à au moins quinze ans révolus pour les jeunes aptes au travail. Les employeurs sont des entreprises, administrations, groupements ou particuliers. Un particulier ne peut être considéré comme employeur que s’il est âgé d’au moins 18 ans révolus, a du personnel et le rémunère.

Le secteur informel comprend les activités économiques des ménages opérant dans la production ou le commerce de petite taille (ces activités rapportent souvent des revenus modestes et ne sont pas obligées d’être enregistrées conformément à la loi) et les activités économiques des ménages opérant dans la production ou le commerce qui devraient être enregistrées conformément à la loi mais qui ne le sont pas. (Institut de recherche sur la gestion économique centrale, 20032).

2Projet du Fonds de solidarité prioritaire en sciences sociales « Le secteur informel dans l’économie vietnamienne : caractéristiques, rôle et impact sur les conditions de vie des ménages » -

2° - Quelques résultats

Aperçu général sur les articles et clauses du Code du Travail en vigueur

concernant certains droits et obligations des salariés et des employeurs

Le Code du Travail a élaboré suffisamment d’articles et de clauses pour défendre les droits et les intérêts des salariés et des employeurs, favorisant ainsi l’harmonie et la stabilité des relations de travail, contribuant à promouvoir la créativité et le talent des salariés intellectuels et manuels, mais aussi des employeurs, et par conséquent favorisant une meilleure productivité et qualité ainsi que des progrès sociaux dans le travail, la production, les services, et une meilleure efficacité dans l’utilisation et la gestion des salariés.

Connaissances et pratiques du Code du Travail par les employeurs

Les résultats de l’analyse qualitative montrent que les employeurs ont certes des connaissances sur le Code du Travail, mais ces connaissances restent incomplètes. « Le

Code du Travail comporte de nombreuses réglementations qui stipulent, par exemple : l’âge au travail est de 18 ans révolus, la durée du travail, les rémunérations, les primes, les allocations, l’arrêt de la paie, les congés de maladie payés, le compte des jours de travail… » (Employeur du secteur de l’habillement et de la broderie, arrondissement de

Thanh Xuân, Hanoï).

Par ailleurs la mise en application de ces droits n’est pas suffisante. Les infractions sont dues au manque de connaissances des employeurs en matière de Code du Travail ou au fait que ces derniers s’y soustraient intentionnellement. « Je ne signe pas de contrat de

travail. Les contrats sont pour les grandes entreprises. Ici, c’est le travail libre. S’ils veulent, ils viennent pour travailler. Certains abandonnent le travail après quelques jours parce qu’ils ne l’aiment pas » (Employeur d’un atelier de soudure, arrondissement de Hoàng Mai,

Hanoï).

Les formes d’avantages les plus répandues sont : les primes, les cadeaux en nature (friandises), les allocations de transport pour le retour au pays natal ou encore les congés payés quand la famille de l’employeur est occupée.

Le Code du Travail indique qu’en cas d’accident du travail, ou de maladie professionnelle, l’employeur doit assumer tous les frais médicaux couvrant les secours, les urgences et les traitements appropriés jusqu’à ce que le salarié soit guéri. Toutefois, les employeurs du secteur informel ne mettent pas en œuvre ces réglementations. « L’entreprise ne prend pas

en charge les salariés. Elle les embauche, mais ne s’intéresse pas à leur vie... Nous savons qu’une personne a été heurtée par une machine, mais l’entreprise n’a pas dédommagé. »

(Homme, 56 ans, chef de famille ayant un membre de sa famille migrant, province de Bac Giang).

Connaissances et bénéfices du Code du Travail chez les jeunes migrants

Les résultats de l’enquête quantitative montrent que les « connaissances » des jeunes en matière de Code du Travail est très faible. Seulement 50% « connaissent » les contenus des droits des salariés (Tableau 1). «J’ai entendu parler du Code du Travail, mais je ne l’ai

jamais lu et ne sais pas du tout quel est son contenu » (Discussion en groupe, jeune

homme, entre 15 et 19 ans, réparation de motos et vente du gaz, commune de Co Nhue, district de Tu Liem, Hanoï).

Tableau 1 - Proportion des jeunes migrants informés ou non des réglementations du Code du Travail (%)

Informés Non informés

Assistance pour la prévention et le traitement des maladies

professionnelles (articles 106 et 107) 24,7 75,3 Régime de travail allégé pour les salariées enceintes de sept mois

révolus et celles ayant des enfants âgés de moins de 12 mois (article 115)

27,7 72,3

Bilan périodique de santé (article 102) 28,6 71,4 Accès à un vestiaire (article 116) 31,9 68,1 Congés payés de maternité pour les salariées (articles 114 et 144) 32,6 67,4 Accès à des toilettes réservés aux hommes et aux femmes (article 116) 36,9 63,1 Dédommagement en cas d’accident de travail (articles 105 et 107) 41,1 58,9 Congés payés de maladie (article 142) 42,5 57,5 Salariés déclarant ne connaître aucune réglementation 41,5 58,5

Ainsi, outre les revenus, le manque de connaissances est l’une des raisons principales pour lesquelles les jeunes migrants sont prêts à accepter n’importe quel travail, y compris ceux dangereux, et n’exigent pas les avantages sociaux auxquels ils ont droit. Seul un cinquième des jeunes de l’échantillon a signé un contrat de travail ou une convention orale de travail. Les employeurs ne payent presque jamais les assurances de santé, de chômage et l’assurance sociale pour les jeunes migrants travaillant dans le secteur informel à Hanoï. Pour eux-mêmes, seulement 6,2% ont une assurance santé ; 3% ont l’assurance sociale et 0,2% ont l’assurance chômage (Tableau 2). 35,7% des jeunes migrants indiquent qu’ils bénéficient d’allocations ou d’avantages sociaux. La forme la plus répandue est la prime (80,4%), les rémunérations pour les heures supplémentaires (24,2%), l’allocation de repas (11,8%) et l’allocation de transport (11,2%) (Tableau 3).

Certains représentants des autorités locales et employeurs confirment que les salariés ne bénéficient pas d’assurances et doivent travailler dans des conditions hygiéniques et de sécurité difficiles, qu’ils sont gravement abusés en ce qui concerne le temps de travail et de repos.

« Nous fixons le temps de travail à 8 heures, mais ils travaillent parfois 12, voire 13 heures par jour. D’autres entreprises font pareil. Ils disent que le temps de travail est de 8 à 10 heures, mais en réalité, les salariés font des journées de 12 heures, voire 16 heures lors des périodes intenses » (Employeur du secteur de l’habillement, commune de Co Nhue - Tu Liêm, Hanoï).

Sans assurance santé, les jeunes migrants travaillant dans le secteur informel ont des difficultés à accéder aux services médicaux en cas de problème de santé : ils ne se rendent pas dans les établissements médicaux, se soignent par eux-mêmes ou achètent des médicaments sans consultation ni prescription.

Tableau 2

Taux de participation aux assurances suivant le type d’assurance et de bénéficiaires

Tableau 3

Allocations/avantages reçus par les jeunes migrants de la part de l’employeur

Types d’assurance Bénéficiaires (%)

Employeurs Salariés Assurance santé 6,2 3,8 Assurance sociale 3,0 1,3 Assurance chômage 0,2 0,3 Allocations/Avantages % Prime 80,4 Heures supplémentaires 24,2 Allocation de transport 11,2 Allocation de vêtements 5,3 Allocation de repas 11,8 Allocation de loyer 6,9 Cadeaux lors des fêtes 7,1

Autres 0,9

Bref, la plupart des jeunes migrants travaillant dans le secteur informel à Hanoï n’ont pas de contrat de travail. La conséquence directe de cette situation est que les salariés ne bénéficient pas d’avantages sociaux tels que l’assurance santé, l’assurance sociale, etc. prescrites par le Code du Travail. D’autres formes d’avantages sociaux, quand ils existent, recouvrent souvent un caractère d’assistance et dépendent beaucoup du « bon cœur » de l’employeur.

3° - Discussion

Les résultats ici présentés montrent qu’il est indispensable de communiquer et vulgariser la législation, notamment le Code du Travail, auprès des jeunes, pour qu’ils puissent défendre leurs droits légitimes quand les employeurs ne respectent pas les réglementations, mais aussi pour qu’ils prennent conscience des obligations du salarié dans les relations avec les employeurs. Parallèlement à la communication, il importe d’effectuer des inspections régulières et de prendre des mesures rigoureuses face aux violations de ce code afin de défendre les droits et intérêts légitimes des travailleurs.

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