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Modèles esthétiques et littéraires de la dichotomie du Bien et du Mal dans

la Fantasy contemporaine pour la jeunesse

Alice Reibel

Doctorante en littérature - Université du Maine

Laboratoire Langues, Littératures, Linguistique des Universités d'Angers et du Maine

La fantasy est un genre littéraire populaire qui s'est imposé dans le monde éditorial depuis l’arrivée de la série Harry Potter. Les statistiques d’emprunt effectués dans les bibliothèques et les Centre de Documentation et d’Information, les chiffres des ventes de l’édition pour la jeunesse montrent que l’engouement pour le genre a perduré. Les romans de fantasy « correspond[raient] à une attente » pour reprendre les termes de Christelle Détrez (2010), sociologue spécialisée dans la lecture des adolescents. Les travaux de la psychologie viennent confirmer que l’univers de la Fantasy intéresse les jeunes. Que ce soit à travers un roman, un jeu vidéo ou un film, l’enfant ou l’adolescent peut en effet s’identifier à un héros ou un avatar. La notion de quête, caractéristique propre au genre de la Fantasy, constitue selon Benoît Virole une « structure fondamentale de l’être humain, activée au moment de l’adolescence » et le combat, souvent présent dans la structure narrative, permet de « prendre la mesure de l’autre et de se construire » (Virole, 2010). Le jeune lecteur peut éprouver ses valeurs éthiques dans la lutte entre le bien et le mal qui se joue toujours dans les univers de la fantasy. La dichotomie du bien et du mal s’est donc imposée comme un axe de recherche majeur, et les modèles esthétiques et littéraires du genre comme des supports heuristiques opérants pour penser la dualité bien/mal. Les modèles seraient à notre sens des lieux de représentation et de manifestation de cette dualité. Ils s’inscriraient dans une filiation littéraire et culturelle ancienne et seraient présents dans l’inconscient collectif.

Afin d’étudier les modèles esthétiques et littéraires, deux méthodes ont été privilégiées : - l’identification des modèles dans les œuvres du corpus : l’élaboration d’une première

typologie des formes d’emprunt (récits fondateurs, textes classiques de la fantasy pour enfants, modèles philosophiques pour penser l’origine du mal, modèles culturels contemporains et plus particulièrement cinématographiques, motifs littéraires anciens) ; - l’étude des modèles utilisés par les élèves dans leurs propres écrits (recueil de données

effectué dans des ateliers d’écriture).

Le motif du livre a été choisi comme objet d’étude privilégié. La mise en abîme du livre dans le livre, procédé littéraire récurrent dans de nombreux récits de fantasy pour la jeunesse, éclaire en effet tout particulièrement la problématique du bien et du mal dans la mesure où le livre met à rude épreuve le héros : tantôt l’accès à la connaissance donne à ce dernier la possibilité d’obtenir la rédemption et le salut ; tantôt le livre constitue pour lui un lieu d’égarement et de perdition. Considéré comme un compagnon ou un guide, doté d’un pouvoir particulier ou érigé en instrument de savoir, de connaissance de soi ou du monde, le livre influe sur le parcours narratif des personnages et, plus encore, sur les choix éthiques du héros. Le héros du roman de fantasy apprend à se connaître en même temps qu’il découvre le monde. La connaissance de soi par le livre entraîne bien souvent la perte de l’innocence et la sortie du monde de l’enfance. Dès lors est posée la question substantielle de l’origine du mal. Le mal prend-il sa source en l’homme ou lui est-il externe ? Dans Harry

Potter et la chambre des secrets (Rowling, 1998) et dans Cœur d’encre (Funke, 2003), le

« Il faut les ténèbres pour voir les étoiles » (Le Guin, 1968) rappelle Épervier dans Terremer. Le mal comme le bien sont deux forces en puissance dans l’être humain et la sagesse se mesure alors en la capacité à résister à la tentation constante du mal. En cela, le livre est le lieu du clair-obscur. Loin d’être une simple vanité au service de la littérature, le livre est l’endroit ambivalent où se mirent tour à tour les hésitations de la conscience et où s’opère la dialectique de la connaissance et de l’éthique.

Trois axes de réflexion se profilent aujourd’hui :

- répondre à la question du sens de l’utilisation de ces formes d’emprunt : les motivations des auteurs peuvent en effet être diverses (hommage, désir de transmettre certaines valeurs spirituelles ou éthiques, reconnaissance d’une appartenance générique, héritage, recherche de légitimation…) ;

- répondre à la question des modalités de référence aux modèles et de la qualité de leur adaptation : quelle place prennent ces formes d’emprunt dans l’économie narrative du roman ? Quelles réécritures sont, d’une part, proposées dans les romans de fantasy pour la jeunesse ? Que reste-t-il, d’autre part, du modèle ou du mythe ? Y a-t-il apport ou appauvrissement ? Pourrait-on dire in fine que les auteurs de fantasy, tels que Tolkien, Pullman, Rowling participeraient à la création d’une nouvelle mythologie contemporaine ?

- penser la tension qui existe entre l’imaginaire de l’adolescent et le récit de fantasy : cette réflexion mènerait à orienter la recherche à la fois vers une étude littéraire de la réception et vers une approche éducative du sujet, ce qui reviendrait à développer une composante sciences de l’éducation dans notre thèse.

Bibliographie

DETREZ, C. (2010). Princes et princesses de la littérature adolescente aujourd’hui. Analyses et impressions de lecture. In Les Princes, les princesses et le sexe des anges, colloque organisé par le Salon du Livre et de la Presse Jeunesse en Seine-Saint-Denis.

FUNKE, C. (2010). Cœur d’encre. Paris : Gallimard Jeunesse.

LE GUIN, U. (1980). Terremer. Paris : Robert Laffont, p. 604.

ROWLING, J.K. (2007). Harry Potter et la chambre des secrets. Paris : Gallimard Jeunesse.

VIROLE, B. (2010). Réalité virtuelle et incarnation numérique. In Les Princes, les princesses et le sexe

La jeunesse vietnamienne et la lecture :

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