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La recherche sur le genre au Vietnam et son influence sur la réforme des lois et de la société

Le Thi Quy

Directrice du Centre de recherche Genre et Développement Université des Sciences Sociales et Humaines de Hanoï

1° - La recherche sur le genre et les femmes au Vietnam après la politique du « Renouveau » (1986) et son influence sur la réforme des lois et de la société

Au Vietnam, il n’y a pas eu de recherche sur le genre avant la politique du « Renouveau ». Les activités des femmes étaient analysées sous l’angle des mouvements sociaux. Beaucoup pensaient que la loi et les « bonnes » politiques seraient suffisantes pour que les femmes soient libérées. Mais ce n’est pas aussi simple.

Après la politique du « Renouveau » (1987) avec la création du Centre de recherche sur les femmes au Vietnam, le sujet de la femme et du genre devient un objet de recherche avec des bases scientifiques. En 1990, la première revue sur le genre intitulée Science et femme est publiée au Vietnam ; revue dans laquelle on trouve des travaux de recherches, des informations sur les femmes et le genre.

Jusqu’à aujourd’hui, sous la forme d’organisations gouvernementales ou non gouvernementales, des dizaines de centre de recherche et d’enseignement sur le genre et la femme ont été créés comme par exemple le Centre de recherche Genre et Développement de l’Université des Sciences Sociales et Humaines de Hanoï, le Centre d’assistance des femmes et des enfants (DWC), le Centre de recherche de la femme de l’Université Nationale de Hanoi, les Etudes du genre de l’Institut du journalisme et de la propagande... Plus particulièrement, il y a trois réseaux de recherche et d’action pour les femmes : le Réseau d’action pour la femme (NEW), le Réseau du Genre et développement de la communauté (GENCOMNET), le Réseau d’antiviolence conjugale (DOVIPNET). En outre, les ministères ont lancé des projets de recherche, élaboré des politiques relatives au genre, comme par exemple le Ministère de la science et de la technologie, le Ministère du travail, des invalides et des affaires sociales, le Ministère de l’agriculture et du développement rural, le Ministère de la culture, des sports et du tourisme… Aujourd’hui, le sujet sur le genre n’est pas seulement abordé dans les programmes à l’échelle macro du gouvernement, comme par exemple les étapes de contrôles de base, l’établissement de rapports, de plans, de stratégies de développement économique et social, il est aussi présent dans les programmes petits et moyens de développement des différentes provinces. Face au changement, à l’évolution mondiale et nationale des problèmes économiques et sociaux, la recherche sociologique du genre a suivi le mouvement et a analysé la relation argumentative entre ces changements et la relation de genre, ses conséquences sur la vie des hommes et des femmes. Ces recherches ont souligné la position et le rôle de la femme dans la famille et dans la société, et notamment ses besoins justifiés quant à l’exercice de ses droits.

La plus grande contribution de la recherche scientifique sur le genre au Vietnam est de proposer une voie nouvelle dans la lutte pour l’égalité des femmes et des hommes, car cette

égalité est loin d’être une réalité quotidienne. Même si le mouvement de libération de la femme vietnamienne a démarré sur des bases positives et a été facilité, ce n’est pas pour autant que le chemin est plus court et plus simple comparativement aux autres pays. La recherche sur le genre est nécessaire pour concevoir, mettre en œuvre et suivre toute action de réforme des politiques et des droits de la femme.

2° - Les principaux axes de recherche sur le genre au Vietnam

Genre et économie

« Genre et économie » constitue un des premiers axes de recherche, après la période du « Renouveau ». Ce sont des recherches portant essentiellement sur les conditions, l’organisation et la division du travail (rôle, position, statut…), sur les formes et les capacités de travail, sur les performances, mais aussi sur les loisirs de la femme et de l’homme dans la famille et la société. Les recherches sont focalisées sur la femme, notamment sur la densité et la durée du travail, sur le salaire des ouvrières dans différentes usines et entreprises, sur l’expatriation des ouvrières, sur les travailleuses migrantes, les salariées de l’administration…

D’autres études portent sur le rôle des femmes paysannes dans les activités économiques, sur les femmes dans les nouvelles zones d’économie non officielle, sur les femmes et la science… Cela a contribué à de nouvelles découvertes dans la relation de genre avant l’entrée du Vietnam dans l’économie de marché. A cause de leur genre, les femmes rencontrent plus de difficultés que les hommes dans cette économie. La naissance et l’éducation des enfants ne permettent pas aux femmes de trouver un travail satisfaisant et en même temps les actions en termes de politiques sociales sont en train d’être réduites. Actuellement, les femmes sont plus présentes dans les activités de travail « simple », notamment à la campagne et dans les zones économiques non officielles.

Ces études ont contribué directement à la réforme des textes normatifs comme la loi sur le travail, la loi sur l’égalité de genre (2007). Les femmes ont bénéficié de la politique foncière et immobilière. Elles peuvent être l’égale de leur mari, ont les mêmes droits dans l’utilisation du « livret rouge » (livret de confirmation du droit foncier), ont le droit à l’égalité et à l’indépendance des biens lors du mariage et du divorce. Beaucoup d’hommes ont évolué et partagent les tâches familiales avec leur femme. La relation entre la belle-fille et la famille de son époux a été améliorée. Sur la base d’un consensus, les enfants peuvent porter le nom de famille de leur mère. Les femmes ont bénéficié des programmes des ONG favorisant l’emprunt d’argent pour la production, la formation à un métier, l’accès à des cours de droit, et plus généralement l’égalité dans la relation de genre au sein de la famille. L’âge de la retraite n’est pas le même pour les femmes (55 ans) et les hommes (60 ans) : pour les femmes intellectuelles, les fonctionnaires et les politiciennes, cet âge à la retraite désavantageux à certains égards est en cours de révision afin d’assurer une égalité dans le cas de carrières spécifiques et longues.

Genre et politique

Le Vietnam est un des pays progressistes quant à la place des femmes dans la société. Néanmoins, si l’on compare aux hommes, le nombre des femmes travaillant dans le système d’administration du pouvoir central aux plus bas échelons reste encore très limité. Par exemple, d’après les statistiques du cabinet de l’Assemblée nationale, le nombre des femmes députés est faible mais en nette évolution.

Présence des femmes députés lors des différentes législatures

Législature Nombre de femmes / effectif total % 1ere Législature (1946-1960) 10/333 3,00 2e Législature (1960-1964) 49/362 13,54 3e Législature (1964-1971) 62/366 16,94 4e Législature (1971-1975) 125/420 29,76 5e Législature (1975-1976) 137/424 26,83 7e Législature (1981-1987) 108/496 21,77 8e Législature (1987-1992) 88/496 17,74 9e Législature (1992-1997) 73/395 18,48 10e Législature (1997-2002) 118/450 26,22 11e Législature (2002-2007) 136/498 27,31 12e Législature (2007-2012) 127/493 25,76

Néanmoins, d’après les experts sur la question du genre, le nombre de femmes ayant un poste de direction parmi les plus hauts placés du Parti est en baisse. Le 9e Congrès du Parti

Communiste du Vietnam a montré que parmi les 14 membres du Bureau politique du Parti, il y a une seule femme. Ce nombre est de 1/9 au Secrétariat du Comité central du Parti communiste du Vietnam, 2/9 au Comité central et 11/150 au Comité exécutif.

Les femmes sont surtout présentes sur des « petits » postes de direction et ce à tous les niveaux, particulièrement au niveau local, et dans tous les secteurs : ce qui n’est pas proportionnel au nombre total de femmes dans la population, et en adéquation avec leurs compétences. Une autre approche de la recherche est d’analyser la participation des femmes aux activités politiques en province, leur exercice du pouvoir et leurs résultats politiques…

Genre et famille

La famille joue un rôle important dans la vie sociale. Elle constitue une institution spécifique. Elle est une société en miniature faite d’entente, de désaccord et de conflits. Les familles vietnamiennes évoluent, positivement ou négativement, au rythme des changements politiques, économiques et culturels. L’étude de la famille est nécessaire car elle permet d’en décrire l’état mais aussi de construire un modèle de famille dans lequel chaque membre peut jouir d’une vie satisfaisante, égalitaire au niveau matériel et spirituel. L’étude sur la famille consiste également en études sur le droit de naissance, sur les droits des enfants en tant que futurs membres de la société, sur le droit à la santé pour tous.

Les dernières études ont apporté un nouveau point de vue amenant à créer un ensemble de droits pour la famille avec des amendements de la loi sur la famille et le mariage, avec des

projets de loi pour les familles multiculturelles et de lutte contre la violence conjugale. Des

milliers de femmes (les principales victimes de la violence familiale) ont été et sont en train d’être sauvées de cette violence datant de plusieurs siècles.

Genre et culture

Pour le Vietnam, la culture est non seulement une condition pour le développement mais également une condition pour l’existence. Parler de la culture s’est tout autant évoquer la connaissance, les savoirs, les sciences, la technologie… que la personne elle-même en tant que telle, dans ses constructions mentales et ses comportements. Pour ces raisons, la vie culturelle de la société a besoin d’être construite par des personnes ayant un haut niveau de connaissance culturelle. Les Vietnamiennes ont toujours été considérées comme une composante positive dans la conservation et le développement de la culture de la Nation et dans la création de nouvelles cultures. Malgré cela, elles ont beaucoup subi la conception arriérée « Trong Nam Khinh nữ » (les hommes sont plus respectés que les femmes) et par conséquent ont une position faible dans la famille et dans la société.

La recherche sociologique sur le genre dans le domaine culturel a pour but de changer la mentalité favorisant les droits des hommes, d’élever le niveau de connaissance culturelle et l’accès aux informations et à l’éducation des femmes. Ces recherches s’engagent dans une lutte longue et durable contre les atteintes aux droits de l’homme et de la femme, contre toutes les formes d’oppression et de violence à l’égard des femmes dans la famille et la société, contre toutes les formes de prostitution, de trafic et de vente des femmes et des enfants.

La recherche sociologique sur le genre bénéficie du soutien de l’Etat, des efforts constants des scientifiques, de l’aide et de la coopération efficaces des gouvernements, des ONG, de différents pays, au niveau matériel et méthodologique. Pourtant, le Vietnam rencontre encore beaucoup de difficultés essentiellement liées à un manque de personnel spécialisé. En effet, les cadres travaillant dans ce secteur ont des formations très différentes (histoire, ethnologie, sociologie, psychologie, économie, philosophie et même les langues) mais n’ont pas eu de formations de base sur les problématiques du genre. Le manque de documents, de méthodologie et de maîtrise de la langue utilisée dans les recherches sur le genre ont fait que l’approche de la sociologie sur le genre soit encore limitée.

3° - L’enseignement sur le genre dans les universités au Vietnam

En 1992, la sociologie du genre commence à être enseignée dans le département de sociologie de l’Université des Sciences Sociales et Humaines, et ensuite à l’Université du Syndicalisme du Vietnam, l’Université de droit, l’Université de la sécurité, l’Institut du journalisme et de la propagande, l’Université du travail et des affaires sociales, l’Union des femmes du Vietnam, l’Institut national de la politique Ho Chi Minh, l’Université de l’Ouverture mi-publique de la ville de Ho Chi Minh.

Aujourd’hui, en plus des formations sur le genre pour les cadres des ministères et administrations, pour les chercheurs, les décideurs politiques, les travailleurs sociaux, il est

devenu aussi important que les étudiants bénéficient de cette formation. Sur le terrain, les

directions des universités ont soutenu cet enseignement. Nombre d’étudiants aiment travailler sur ce domaine. En 2007, dans une classe de master du département de sociologie de l’Université des Sciences Sociales et Humaines, deux tiers des étudiants ont choisi le genre comme sujet de mémoire. Toutefois l’enseignement de la sociologie du genre est encore limité avec seulement 30 heures de cours par année universitaire.

4° - Les organisations sociales et civiles pour la recherche et les actions en faveur de l’égalité des sexes

Avec le temps, de nombreuses organisations ont été créées en faveur de la recherche et d’actions pour l’égalité des sexes. Elles sont indépendantes et autogèrent leur financement. Ces organisations ont reçu les contributions d’ONG internationales et également d’organisations gouvernementales. Petites, mobiles, avec un fonctionnement actif et travaillant dans les régions montagneuses, elles ont contribué de façon significative à la recherche et aux activités de promotion de l’égalité des sexes. En 2007, le rapport Shadow rédigé par des ONG est présenté à la commission de CEDAW (Convention de l’abolition de la discrimination sexuelle à l’égard des femmes). Pour la première fois dans cette commission, le Vietnam a une délégation de représentants de la société civile, à côté de celle des organisations gouvernementales. On y voit aussi présenter deux rapports différents avec deux points de vue différents. Ces rapports sont jugés très positivement. Il y a maintenant une coopération étroite et efficace entre les quatre principaux acteurs concernés par l’égalité des sexes : les chercheurs, les décideurs politiques, les responsables des affaires sociales et les habitants. La collaboration internationale entre le Vietnam et les organisations des Nations Unies, des gouvernements et des ONG a progressé et a permis d’accélérer la mise en œuvre de l’égalité des sexes au Vietnam. Par exemple, le groupe de partenaires GAP est en train de mener des activités auprès de UN Women et des organisations gouvernementales pour contribuer directement à la réforme des textes normatifs et des affaires sociales sur l’égalité des sexes.

Bibliographie

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COMITÉ NATIONAL POUR LE PROGRÈS DES FEMMES VIETNAMIENNES (2000-2003). Rapport de

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Evolutions en matière d’égalité des genres au Vietnam

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