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Perceptions des dirigeants d’entreprise et des consommateurs à l’égard de la Responsabilité Sociale des Entreprises

Duc Hieu Pham

Docteur en sciences de gestion

Faculté des sciences de l’administration - Université du Commerce de Hanoï

Cet article vise à examiner comment les dirigeants de différentes entreprises vietnamiennes mais aussi les consommateurs perçoivent la responsabilité sociale des entreprises (RSE). Les résultats de la recherche montrent qu’une grande proportion de gestionnaires exprime une attitude très positive envers la RSE, tandis que la perception des consommateurs est elle plus nuancée et discutable. Par ailleurs, les tests d’hypothèses montrent qu’il y a un décalage entre ce que les gestionnaires disent et ce qu’ils font réellement. Néanmoins, la volonté d’apprendre et d’acquérir plus de connaissances sur la RSE présage d’un avenir positif pour la mise en place de la RSE au Vietnam.

1° - Introduction

La responsabilité sociale des entreprises (Corporate Social Responsibilities) est une question contemporaine posée aux petites et grandes entreprises dans tous les pays du monde. Elle est apparue suite à la révélation de situations comme celle du groupe Nike boycotté en raison des conditions de travail en Asie de l'Est et en Asie du Sud-est ; du groupe GAP attaqué en raison du travail des enfants, ou plus généralement face aux comportements pollueurs de certaines entreprises nuisant par ailleurs à leur propre réputation.

Au Vietnam, la RSE est un concept relativement nouveau pour de nombreuses raisons, la raison majeure étant le manque de préoccupation de la collectivité publique et de la communauté des entreprises. Cependant, dans le processus d'intégration à l'économie mondiale, il est nécessaire de changer la perception des entreprises et du public sur cette question.

Depuis quelques années, de nombreuses entreprises du Vietnam ont progressivement engagé leur responsabilité sociale sous des formes différentes comme par exemple protéger la santé des consommateurs, offrir des bourses aux élèves et étudiants pauvres, soutenir des actions de protection de l'environnement... Mais, en réalité peu de recherches au Vietnam ont tenté de clarifier les facteurs affectant la mise en œuvre de la RSE et l'obligation d’établir un rapport sur la responsabilité sociale de l’entreprise, d’où tout l’intérêt de la recherche ici présentée.

Cet article est divisé en quatre parties : la première présente le cadre théorique et les hypothèses de recherche, la deuxième partie décrit la méthodologie de recherche et le processus de collecte des données, la troisième partie synthétise les résultats et les discussions, la quatrième partie apporte des recommandations.

2° - Cadre théorique et hypothèses

Cadre théorique

Selon la Commission du développement durable des Nations Unies (UNDSD) et la Banque Mondiale (BM), la RSE est définie comme l'engagement des entreprises à la contribution au développement durable économique, social et environnemental. D’un point de vue académique, il y a de nombreuses théories sur la responsabilité sociale des entreprises, les deux plus importantes sont « the Triple bottom line » d’Elkington (1997) et « the Stakeholder

theory » de Freeman (1984).

The Triple bottom line d’Elkington

Cette théorie a été énoncée la première fois par Elkington (1997) qui a suggéré que le développement durable des entreprises devait être examiné sous trois aspects : économique, environnemental et social. Une entreprise a non seulement des objectifs économiques par la création de valeur, mais aussi d’autres objectifs comme protéger et développer l'environnement social. Pour cette raison, la théorie d’Elkington est décrite comme « le modèle d'une société durable ». A côté de l'information sur la situation financière et économique de l’entreprise, il faut informer aussi sur les aspects sociaux et environnementaux pour répondre aux besoins des personnes à l'intérieur et à l'extérieur de l'entreprise.

The Stakeholder theory de Freeman

Cette théorie a été développée à partir du modèle initial de Freeman (1984) et pose que tout groupe ou individu peut affecter ou être affecté par la réalisation des objectifs de l'entreprise. Le cœur de la théorie de Freeman est la valeur économique considérée comme objectifs stratégiques de l'organisation. Par ailleurs, Freeman a indiqué que l’entreprise doit tenir compte du pouvoir des groupes qui ont des bénéfices indirects vis-à-vis de l’entreprise. Basée sur la théorie de Freeman, Baron (2005) a opéré une distinction des « parties prenantes » en deux groupes : groupe de marché (Market Group) et groupe de hors marché

(non-market Group). Les deux groupes impactent à différents niveaux la mise en œuvre de la responsabilité sociale des entreprises. Plus précisément, ils font pression mais aussi incitent et motivent les entreprises à réaliser des actions en faveur de la responsabilité sociale.

Hypothèses

Hypothèse 1 - Perception des dirigeants d’entreprise à l’égard de RSE et reporting de responsabilité sociale : dans le contexte du Vietnam, la mise en œuvre de la RSE et le reporting de responsabilité sociale sont influencés par la perception des dirigeants d’entreprise.

Hypothèse 2 - Perception des consommateurs à l’égard de RSE et reporting de responsabilité sociale : dans le contexte du Vietnam, le comportement des consommateurs est influencé par la mise en œuvre de la RSE et le reporting de responsabilité sociale.

3° - Méthode de recherche et collecte des données

L'étude a été réalisée à partir d’une méthodologie quantitative, principalement en se basant sur des données primaires. L'enquête par questionnaire a été conçue en deux versions : une pour les gestionnaires de trente sociétés opérant dans trois domaines (la banque, la production de boissons et de vêtements), une autre version pour les clients des entreprises ci-dessus mentionnées. En raison d’une contrainte de temps, l’étude s’est déroulée

principalement dans deux grandes villes : Hanoï et Ho Chi Minh Ville, aussi bien pour les dirigeants d'entreprise que pour les consommateurs. Par contact direct ou courrier électronique, 100 questionnaires ont été distribués auprès de gestionnaires et 200 auprès de consommateurs.

4° - Résultats de la recherche

Résultats de l’enquête auprès des gestionnaires

Sur 100 questionnaires distribués aux gestionnaires, 32 réponses ont été reçues. Quelques résultats du traitement des données sont présentés dans les paragraphes suivants.

Les résultats montrent que, sur cinq des huit questions de l'enquête, plus de 50% des répondants donnent un avis positif sur la RSE. Pour 75% des répondants, l'organisation ou la participation à des activités dans l’intérêt de la communauté est ce qui définit la RSE. Plus de 75% des gestionnaires ont déclaré que leurs entreprises ont dépensé plus pour améliorer la qualité et les conditions de travail. Plus de 68% ont dit que leur participation aux programmes et projets relatifs à la RSE peuvent améliorer leur image auprès des clients et du public. Seulement 6% ne pensent pas que la mise en œuvre de la RSE apportera des avantages à long terme. Plus de la moitié des gestionnaires (56%) ont constaté que l'entreprise soucieuse de responsabilité sociale voit les relations avec ses employés s’améliorer. D'autre part, 63% croient que la responsabilité sociale et le reporting de responsabilité sociale deviendront dans l'avenir une pratique commune. Ces résultats montrent que les gestionnaires sont conscients du rôle important de la RSE et du reporting de responsabilité sociale, on peut penser aussi que cette responsabilisation va se développer.

Toutefois, il y a une part non négligeable de dirigeants ayant des avis plus mitigés. 25% ont encore des doutes sur le rôle de la responsabilité sociale comme facteur commercial stratégique pouvant accroître la compétitivité des entreprises. Ils ne sont que 8% à penser que les rapports sur la responsabilité sociale peuvent affecter les décisions des investisseurs. L'impact de la mise en œuvre de la RSE sur la décision des investisseurs n'est pas encore clairement ressenti car 31% des répondants révèlent une attitude neutre.

Le test du Chi2 sur le lien entre perceptions des dirigeants d’entreprise à l’égard de la RSE et le reporting de responsabilité sociale donne le résultat :

10 , 7 2  tandis que

2,(r1)(c1)=

.205,6= 12,59 (α = 0,05 et df = 6). A cause de

2<

2,(r1)(c1)=

.205,6

l’hypothèse 1 n'est pas acceptée. En d'autres termes, la connaissance des gestionnaires de la RSE et le reporting de responsabilité sociale sont indépendants.

Résultats de l’enquête auprès des consommateurs

Sur les 200 questionnaires distribués aux clients, 97 réponses ont été reçues, soit 48,5% de taux de réponse. Quelques résultats du traitement des données sont présentés ci-dessous.

Les résultats montrent que 6 questionnaires sur 8 recouvrent à plus de 50% une perception positive de la RSE. Environ 71% des personnes interrogées connaissaient la signification et le contenu de la RSE. 52% pensent que les

entreprises doivent assumer leur responsabilité sociale. Une part importante des consommateurs (62%) déclare vouloir acheter et continuer d’acheter les produits des entreprises qui développent la responsabilité sociale. D'autre part, 51% des clients ont dit qu’il est nécessaire de chercher à comprendre la stratégie de mise en œuvre de la responsabilité sociale des entreprises. 53% des personnes interrogées ont déclaré vouloir changer de comportement et aller vers plus de responsabilité à l’égard de la société.

Cependant, ces résultats ne signifient pas que les consommateurs ont toujours un comportement positif en termes de responsabilité sociale : 69% pensent qu'ils peuvent acheter des produits auprès d’entreprises enfreignant les règles moraux et la responsabilité sociale. La plupart d'entre eux ne sont pas d'accord (56%) ou totalement en désaccord (14%) sur le fait de payer plus chers des produits issus des entreprises socialement responsables.

L’analyse des données en fonction de l'âge apporte des résultats significatifs. Les jeunes ont exprimé une attitude plus positive envers la RSE que les consommateurs plus âgés. Beaucoup sont étudiants ou jeunes travailleurs. Ils s’intéressent davantage au développement et à la réussite de la RSE, ainsi qu’aux stratégies à mettre en œuvre. Mais, les conditions économiques ne leur permettent pas d'acheter les produits de haute qualité au prix élevé.

Le test du Chi2 sur le lien entre perceptions des consommateurs à l’égard de la RSE et le reporting de responsabilité sociale donne le résultat :

91 , 163 2 

tandis que

2,(r1)(c1)=

.205,12 = 21,03 (α = 0,05 et df = 12). Quand

2>

2,(r1)(c1)=

.205,12

l’hypothèse 2 est acceptée. C'est-à-dire que les décisions d'achat des consommateurs, dans une certaine mesure, sont affectées par la mise en œuvre de la responsabilité sociale ainsi que par les informations publiées et relatives à la responsabilité sociale de l’entreprise.

5° - Conclusion et recommandations

Pour les gestionnaires, un niveau élevé de connaissance et de reconnaissance de la responsabilité sociale des entreprises ne garantit pas encore ou toujours le passage à la mise en œuvre de la RSE et le respect de l'obligation d’établir un rapport sur la responsabilité sociale de l’entreprise. Malgré des consommateurs vietnamiens aux pratiques et opinions plus nuancées, les résultats de la recherche montrent que leur intérêt pour la RSE et leurs décisions d'achat affectent la mise en œuvre de la responsabilité sociale des entreprises.

Même si la production et la diffusion de produits de haute qualité à un prix raisonnable représentent une façon de montrer et d’exécuter leur responsabilité sociale, les entreprises ont aussi besoin de valoriser publiquement d’autres données informatives ou factuelles comme leurs responsabilités à l’égard des employés, de la communauté et en particulier leur responsabilité

environnementale. Les entreprises tiennent à expliciter leurs impacts sur l’environnement à la fois social et naturel, comme par exemple leur consommation en ressources non renouvelables, leur quantité d'émissions polluantes, leur coût de prévention des risques, leur évaluation de l'impact environnemental... Ces informations doivent être publiées au même titre que l'information financière traditionnelle. Toutefois, en raison du manque d’exigences fortes de la part des autorités publiques, des investisseurs et des consommateurs, les entreprises vietnamiennes ne sont pas prêtes à rapporter leurs activités sociales. Par conséquent, les consommateurs n’ont aucune information ou des informations limitées sur la mise en œuvre de la responsabilité sociale des entreprises.

Les agences de gestion de l'Etat doivent avoir des politiques visant à promouvoir la mise en œuvre de la responsabilité sociale des entreprises et la mise en place de mesures pour l’exécution de cette responsabilité, responsabilité qui doit progressivement devenir une règle générale dans les activités économiques.

Bibliographie

BARON, D. (2005). Corporate Social Responsibility and Social Entrepreneurship. Working paper series, Stanford University.

CONE INC. (2004). Cone Corporate Citizenship Study. Boston : MA.

DAWKINS, J. (2004). The Public’s views of Corporate Responsibility. White Paper Series, MORI.

ELKINGTON, J. (1997). Cannibals with forks : The triple bottom line of 21st Century business. Oxford :

Capstone.

FREEMAN, E. (1984). Strategic management : A stakeholder approach. Boston : Pitman.

FRIEDMAN, M. (1970). The social responsibility of business is to increase profits. New York Times

Magazine, September 13, p. 32-33, 122, 126.

FRIEDMAN, S., MILES, S. (2002). Developing stakeholder theory. Journal of Management Studies, n°39(1), p.1-21.

WBCSD, World Business Council for Sustainable Development (2004). Cross Cutting Themes –

La perception de la carrière entrepreneuriale

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