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Seconde Guerre mondiale Au début de la Seconde Guerre mondiale, ce sont

Dans le document La réforme pénitentiaire (Page 42-45)

S ECTION 2 P REMIERS CONSTATS NÉGATIFS SUR LES CONDITIONS DE DÉTENTION

13. Seconde Guerre mondiale Au début de la Seconde Guerre mondiale, ce sont

plusieurs prisons qui subissent de nombreux dégâts matériels. Des détenus sont déplacés des prisons endommagées, et certains en profitent pour s’évader. Dans l’ensemble des établissements pénitentiaires, les conditions de vie des détenus se dégradent gravement.

En 1941, le garde des Sceaux, Joseph BARTHÉLEMY, souhaite que le travail pénal,

insuffisamment pratiqué, soit placé au cœur du traitement des délinquants. Le but est principalement de désengorger les prisons. Il veut aussi que les mineurs soient placés dans des œuvres de bienfaisance. À partir de 1942, s’installe une meilleure répartition des mineurs qui sont considérés comme pouvant recevoir une rééducation salvatrice pour leur avenir202. Les nazis s’approprient la garde des individus détenus dans les prisons françaises : certains sont assignés à la mission de désamorçage des bombes alliées, etc.203. Des quartiers allemands sont également installés dans les prisons françaises204. En 1943, sous le gouvernement de Vichy, la direction de l’Administration pénitentiaire est replacée sous la tutelle du Ministère de l’Intérieur (dirigée par la Milice française205) avant d’être à nouveau confiée au Ministère de la Justice un an plus tard.

14. « Réforme AMOR ». Après la Seconde Guerre mondiale, « la prison, monde fermé,

est cependant perméable aux mutations extérieures »206. Elle doit être conçue en tenant compte des éléments qui l’entourent. En 1945, Paul AMOR, magistrat avant d’être directeur de l’Administration pénitentiaire nommé par le gouvernement provisoire de la République française, marque son époque par une réforme liée à l’amélioration des conditions de

202

Dans la foulée, la célèbre ordonnance du 2 février 1945 verra le jour pour réaffirmer l’importance de la rééducation des jeunes délinquants. Aujourd’hui, on peut considérer que seul son nom reste en vigueur : cette ordonnance aurait été modifiée trente-sept fois depuis 1945.

203

Cf. VIMONT (J.-C.), La prison - À l’ombre des hauts murs, op. cit., p. 71.

204

Cf. Ibid. p. 108 s.

205

Cf. DIRECTION DE L’ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE, Histoire pénitentiaire, Prisons et camps dans la

France des années noires (1940-1945), éd. Ministère de la Justice, coll. Travaux et documents, 2006.

206

PAPET (N.) et LEPINÇON (S.), Le suicide carcéral : des représentations à l’énigme du sens, éd. L’Harmattan,

détention207. En effet, après plusieurs visites dans les établissements pénitentiaires, et alors que les médias s’intéressent peu à la vie en prison, il se rend compte de l’état des prisons françaises dont l’hygiène, la discipline et l’organisation ne lui paraissent pas acceptables. Il décide alors d’installer une commission, présidée par Pierre CANNAT (magistrat et contrôleur des services pénitentiaires) et chargée de proposer des modifications. L’objectif avoué de cette réforme qualifiée de « déclaration des droits du condamné »208 par la doctrine, a été d’humaniser les établissements pénitentiaires. Il a donc été proposé quatorze points. Il ne s’agit plus d’évoquer le châtiment des condamnés, mais bien le traitement de ces derniers209 : « il faut [...] rechercher une solution profitable tant à la puissance publique qu’au contrevenant à l’ordre public »210. De nouveaux organes et institutions sont ainsi créés entre 1945 et 1958211 : les services sociaux et médico-psychologiques, l’assistance aux prisonniers pendant et après la peine, un magistrat exclusivement chargé de l’exécution des peines, le Centre national d’observation à Fresnes212, le sursis avec mise à l’épreuve213. Toutefois, la réforme AMOR, dont le contexte de l’après-guerre doit être pris en compte, se heurte à l’insuffisance

de moyens budgétaires214 et seuls quelques établissements pénitentiaires bénéficient des changements favorables aux conditions de vie des détenus215. Finalement, le bilan est très mitigé puisque l’ensemble des prisons françaises subit la surpopulation et l’insalubrité des

207

Cf. FERRI (T.) et BRKIĆ (D.), La condition pénitentiaire. Essai sur le traitement corporel de la délinquance, éd. L’Harmattan, coll. Questions contemporaines, 2013, p. 105 s.

208

SACOTTE (J.), « Trente ans de politique criminelle en matière pénitentiaire », Archives de politique criminelle,

1977, p. 76.

209

Toutefois, Paul AMOR a été démis de ses fonctions en 1947, certainement, en raison de ses idées trop humanistes à l’égard des détenus. Si les considérations humanistes sont parfois mal perçues encore aujourd’hui, elles l’étaient davantage à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

210

PÉCHILLON (E.), Sécurité et droit du service public pénitentiaire, Th., op. cit., p. 85.

211

Cf. AMOR (P.), « La réforme pénitentiaire en France », RSC, 1947, p. 1 s.

212

Créé en 1950 (sous le nom de centre national d’orientation), le centre concerne tous les détenus condamnés à plus d’un an d’emprisonnement. Il doit établir la possibilité d’un amendement de l’individu à l’issue d’une appréciation scientifique. Il est devenu le Centre national d’évaluation de Fresnes. Cf. DERASSE (N.) et VIMONT

(J.-Cl.), « Observer pour orienter et évaluer. Le CNO-CNE de Fresnes de 1950 à 2010 », Criminocorpus [En ligne], Savoirs, politiques et pratiques de l’exécution des peines en France au XXe siècle (25 et 26 mars 2014), Communications, 26 sept. 2014.

213

Le sursis avec mise à l’épreuve est la suspension de l’exécution d’une peine d’emprisonnement sous condition de respecter un certain nombre d’obligations pendant la durée de l’épreuve. Cf. COUVRAT (P.), « De la réforme Amor à nos jours » in BORRICAND (J.) (dir.), La réinsertion des délinquants : Mythe ou réalité ?, op. cit.,

pp. 35-41, spéc. p. 37. ; V. aussi : BONIS-GARÇON (E.) et PELTIER (V.), Droit de la peine, op. cit., p. 300 s. ; HERZOG-EVANS (M.), « Peine (Exécution) », n° 264 s., Rép. pén., oct. 2014.

214

Cf. CARLIER (C.), « L’histoire de l’enfermement. Rythmes, obstacles, aléas » in DIRECTION DE L’ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE, Histoire pénitentiaire, op. cit., p. 6 s., spéc. p. 22.

215

Les établissements réformés sont ceux de Haguenau, Mulhouse, Ensisheim, Melun, Caen, Toul, Saint-Martin- de-Ré et Oermingen. Cf. VIMONT (J.-C.), La prison - À l’ombre des hauts murs, op. cit., p. 76.

locaux. Les personnels pénitentiaires sont déçus par les changements, qu’ils considèrent tournés davantage vers le sort des détenus que vers le leur.

Le Code de procédure pénale de 1958 reprend tout de même les points évoqués par la réforme AMOR, notamment pour se concentrer sur le traitement individualisé des détenus : il ne s’agit plus seulement de tenir compte des intérêts sociaux de la peine mais aussi des intérêts personnels de celle-ci216. On assiste alors à une juridictionnalisation de la phase de l’exécution des peines217. Est donnée naissance au juge de l’application des peines218, acteur judiciaire219 qui poursuit le travail du Centre national d’observation. En effet, « chef d’orchestre de l’après-condamnation pénale »220, il suit l’évolution du comportement des individus concernés et est chargé d’« autre chose que la seule exécution normale de la

216

Sur les considérations sociales et personnelles de la sanction pénale : Cf. BERGEL (J.-L.), « Une

problématique des sanctions pénales ? » in Sciences pénales et sciences criminologiques, Mélanges offerts à Raymond GASSIN, PUAM, 2007, p. 89 s.

217

Droit comparé - Ceci ne semble être jamais parvenu aux Pays-Bas. En effet, la quasi-totalité des mesures post-sentencielles relèvent exclusivement du Ministère public. Cf. AGOGUET (D.), « Les aménagements de peine privative de liberté en droit comparé (Allemagne, Espagne, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni, Turquie) »,

Criminocorpus [En ligne], L’aménagement des peines privatives de liberté : l’exécution de la peine autrement

(Paris, 3-4 nov. 2011), Comparaisons internationales, 8 oct. 2013, URL : http://criminocorpus.revues.org/2510.

218

Succédant aux missions originellement dévolues au préfet qui décidait de la permission de sortir ou de la semi-liberté des individus condamnés à la privation de liberté, le JAP, créé par une ordonnance du 23 décembre 1958 et spécialisé dans la fixation des modalités d’exécution des peines privatives de liberté et certaines peines restrictives de liberté, oriente et contrôle les conditions de l’application de la peine de la personne condamnée. Le JAP rend une ordonnance (décisions de modification ou de refus de modification d’un aménagement de peine, les décisions relatives aux autorisations de sortie sous escorte et aux permissions de sortir, ainsi qu’une partie des décisions relatives aux réductions de peine dans le cas d’une mauvaise conduite et octroi de réduction de peine supplémentaires) ou un jugement (mesures de placement à l’extérieur, de semi-liberté, de fractionnement de peine, de suspension de peine, de placement sous surveillance électronique et de libération conditionnelle). Au fil des réformes successives lui donnant davantage de place sur le terrain judiciaire et plus particulièrement grâce à la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 relative à l’application des peines, ce magistrat s’est vu non seulement en charge d’un service de l’application des peines, mais il est devenu un juge dans une juridiction à part entière qui connaît désormais tant du contentieux en milieu fermé que du contentieux en milieu ouvert et qui rend donc des décisions susceptibles d’appel (Cf. SENNA (E.), « De l’individualisation de la peine au second degré de juridiction post-sentenciel », Rev. pénit., 2014, p. 35 s.) à l’issue d’une procédure contradictoire favorable au dynamisme de la fonction des JAP (Cf. JANAS (M.) et MARTIN (E.), « Une photographie du quotidien de l’application des peines », AJ Pénal, 2007, p. 173 s.). Il constitue une juridiction de premier degré (Cf. HERZOG-

EVANS (M.), Droit de l’exécution des peines, éd. Dalloz, coll. Dalloz action, 2e éd., 2012, p. 164 s. et « Le juge

de l’application des peines, juridiction de premier degré », RSC, 1999, p. 289 s. ; HERZOG-EVANS (M.), « Peine (Exécution) », n° 44 s., Rép. pén., oct. 2014.). La procédure de l’article 474 du Code de procédure pénale est celle qui lui confère son premier rôle : toute personne condamnée non incarcérée à une peine d’emprisonnement doit comparaître devant le JAP au terme d’un délai de trois semaines, et ce, si la peine d’emprisonnement est inférieure ou égale à deux ans (un an si la personne est en état de récidive légale). Sur la naissance du JAP : Cf. YAHIAOUI (R.), La question de l’individualisation dans l’exécution des peines privatives de liberté de longue

durée, Th., Université de Picardie, 1998, p. 101 s. Sur les compétences du JAP : Cf. BONIS-GARÇON (E.) et

PELTIER (V.), Droit de la peine, op. cit., p. 387 s.

219

Cf. TINEL (M.), Le contentieux de l’exécution de la peine privative de liberté, Th., op. cit., p. 62 s. ; GUGLIELMI (G.-J.), « Le juge de l’application des peines est-il un chiroptère ? », RSC, 1991, p. 622 s.

220

JANAS (M.),« Le nouveau rôle du JAP », AJ Pénal, 2004, p. 394 s. ; ARRIGHI (A.-C.) etLOYER (C.),« Le

suivi du détenu par le juge d’application des peines » in DEFLOU (A.) (dir.), Le droit des détenus. Sécurité ou

décision de justice »221 selon la définition de l’application des peines présentée par Pierre COUVRAT. Des comités de probation et d’assistance aux libérés sont créés. Le régime en milieu fermé222 est assoupli et les bonnes conduites sont valorisées.

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