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Détention d’un individu et conséquences pour ses proches Il ne peut être une

Dans le document La réforme pénitentiaire (Page 162-164)

DU DROIT PÉNITENTIAIRE NATIONAL

P ARAGRAPHE 2 L E MODÈLE EUROPÉEN PRESCRIPTEUR D ’ OBLIGATIONS POSITIVES ET NÉGATIVES

98. Détention d’un individu et conséquences pour ses proches Il ne peut être une

analyse complète sur le maintien des liens familiaux, sans étudier les effets de la détention sur les proches du détenu.

En vertu du principe de la personnalité des peines966, seul l’individu condamné doit assumer les conséquences de ses actes. Pourtant, « la délinquance est le reflet […] de la dislocation des familles »967. En effet, l’intimité du détenu est sérieusement entamée durant la privation de la liberté, mais corrélativement, celle de ses proches qui lui rendent visite968 l’est également969. La prison bouleverse la vie de la famille entière970, surtout celle des enfants971 qui n’ont pas toujours la maturité pour comprendre la situation d’incarcération de leur(s) parent(s)972.

966

Cf. BOULOC (B.), Droit pénal général, éd. Dalloz, 24e éd., coll. Précis Dalloz, 2015, p. 141.

967

DARBÉDA (P.), « Le maintien des relations familiales des détenus en Europe », RSC, 1998, p. 590 s.

968

Souvent, à l’entrée des établissements, il leur est proposé un accueil particulier (conseils, etc.). Toutefois, ces centres d’accueil sont subventionnés par l’État et les collectivités locales. En raison des conditions budgétaires drastiques imposées par la crise économique, il arrive cependant que certains accueils rencontrent des difficultés (Cf. PENVERNE (M.), « L’accueil des Baumettes au bord du dépôt de bilan », D. actu., 8 sept. 2014).

969

En ce sens, Cf. not. sur la fouille intégrale d’une mère visitant son fils détenu : TGI Aix-en-Provence, ch. de l’instruction, 20e ch., 16 oct. 2008, n° 1022/08 : AJ Pénal, 2009, p. 88 s.,obs.HERZOG-EVANS (M.).

970

Selon une enquête effectuée en 2000 par le Centre de Recherche pour l’Étude et l’Observation des Conditions de vie (CREDOC), 80 % des personnes rencontrées annoncent avoir subi un changement important dans la vie quotidienne que ce soit sur les plans relationnel, financier, professionnel. Cf. DUBECHOT (P.), FRONTEAU (A.) et LE QUEAU (P.), « La prison bouleverse la vie des familles de détenus », CREDOC Consommation et modes de

vie, n° 143, mai 2000.

971

Droit comparé - Une étude anglaise a démontré que le devenir de l’enfant était impacté négativement par l’incarcération de l’un ou de ses deux parents : MURRAY (J.) et FARRINGTON (D. P.), « Les effets sur l’enfant de

l’incarcération parentale », AJ Pénal, 2011, p. 398 s. Depuis deux ans, il existe une recherche-action RESI (Regards d’Enfants Sur l’Incarcération) menée par des associations spécialisées (ex. Enjeux d’Enfants ou Brin de Soleil) qui assurent l’installation d’un dispositif d’expression groupal à destination des enfants des personnes détenues afin qu’ils s’expriment sur la situation d’incarcération de leur parent. Cf. VENTEJOUX (A.), « Regards d’enfants sur l’incarcération. Réflexions autour d’un dispositif de groupe d’expression pour les enfants ayant un parent ou un proche incarcéré » in CHEVANDIER (C.), LARRALDE (J.-M.) et TOURNIER (P.-V.) (dir.),

Enfermements, justice et libertés. Aujourd’hui et hier, ici et ailleurs, op. cit., pp. 267-280.

972

Cf. TOURAUT (C.), « Les proches de détenus et leurs rapports ordinaires au droit pénitentiaire », Droit et soc.,

2014/2, n° 87, pp. 375-392. Parfois, après appréciation judiciaire, il peut arriver que le droit à l’autorité parentale soit retiré à l’individu incarcéré. En ce sens : Cf. not. CEDH Sabou et Pîrcalab c. Roumanie, 28 sept. 2004, n° 46572/99, Droit de la famille, 2004, Alertes n° 63, obs. GOUTTENOIRE (A.). Confirmation : CEDH Marcu c.

Roumanie, 26 oct. 2010, n° 43079/02. Dans un arrêt récent, la Cour d’appel de Rennes a, quant à elle, considéré

que l’incarcération du parent altère la mise en œuvre du droit de visite et d’hébergement. Ce droit pourra être suspendu en raison de la « fragilité du père » et de « son absence de collaboration pour permettre le cas échéant une visite au parloir de la prison » : CA Rennes, 2 juin 2015, n° 14/00317 : AJ Famille, 2015, p. 401 s., obs. SAULIER (M.).

Après leur demande d’obtention du permis de visiter le détenu973, les proches feront également face à des difficultés matérielles qui s’inscrivent notamment dans l’éloignement géographique. Effectivement, « faute de disposition contraignante, le critère du lieu de résidence des proches des intéressés ne revêt qu’une importance relative au regard des considérations de sécurité ou encore des impératifs de gestion de places »974. Les frais de déplacement sont parfois trop élevés lorsque le détenu a été transféré dans une ville éloignée975. Cela peut empêcher certaines visites, d’autant que lorsque les familles peuvent se déplacer, elles le font pour quelques minutes de parloir (temps qu’elles auront impérativement réservé avant leur venue976). Au surplus, les conditions des rencontres977 peuvent être difficiles dans certaines prisons978 alors même que l’équilibre des détenus semble suspendu à ces visites. Souvent, pour se rendre sur les lieux, ces familles n’ont pas la possibilité de se véhiculer et empruntent les transports en commun qui ne proposent cependant pas toujours des horaires compatibles avec ceux du parloir ou qui ne s’approchent pas toujours à proximité des prisons979. En effet, les établissements récents sont le plus souvent construits hors agglomérations980. À noter également que les établissements proposent parfois des horaires de parloirs incompatibles avec le quotidien des membres de la famille du monde libre. Ceux-ci

973

Cf. C. pr. pén., art. R. 57-8-8 et R. 57-8-15. HERZOG-EVANS (M.) et PÉCHILLON (E.), « L’octroi et le retrait du

permis de visiter un détenu : deux illustrations de l’évolution indispensable du droit pénitentiaire », LPA, 11 sept. 2000, n° 181, p. 7 s. ; THOMAS (D.), « Entrée irrégulière dans un établissement pénitentiaire » (Cass. crim. 19 sept. 2012, n° 11-86.760), Dr. pén., n° 12, déc. 2012, comm. 156. Sur le déroulement des visites : Cf. MALABAT

(V.), « Les droits familiaux des détenus », chron. préc., spéc. p. 71 s.

974

CNCDH, Les droits de l’homme dans la prison - Vol. 1, op. cit., p. 53.

975

Cf. GOGORZA (A.), « Les relations personnelles du détenu depuis la prison », actes du colloque

Environnement et peine privative de liberté, Travaux de l’Institut de Sciences Criminelles et de la Justice, n° 2,

éd. Cujas, févr. 2013, p. 133 s. ; BECHLIVANOU MOREAU (G.), « Rendre plus effectif le droit au maintien des

liens familiaux », RSC, 2013, p. 137 s.

976

« Des bornes informatiques ou tactiles, souvent installées dans le local d’accueil des familles, permettent également d’effectuer une réservation […] » : Rapport 2011 de l’Observatoire International des Prisons (OIP),

op. cit., p. 262.

977

L’organisation des parloirs est très stricte. Le juge administratif a déjà reconnu que le détenu n’avait pas à s’asseoir sur le muret de séparation se trouvant à l’intérieur du parloir. Cf. CAA Paris 1er oct. 2008, n° 07PA02070 ; Rev. pénit., 2008, p. 889 s., chron. PÉCHILLON (E.).

978

Rapport 2011 de l’Observatoire International des Prisons (OIP), op. cit., p. 267 s.

979

Par ex., l’EPM de Porcheville est concerné par ce constat. Cf. BORVO COHEN-SEAT (N.) et LECERF (J.-R.),

Contrôle de l’application des lois sur l’application de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009,

Rapport d’information n° 629, juill. 2012, p. 36.

980

On constate une évolution nette entre la carte pénitentiaire du XXe siècle et celle du XIXe siècle. Cf. MILHAUD (O.), « La réclusion au cœur du monde ? La carte pénitentiaire en France de1790 à nos jours »,

Hypothèses, 2007/1, pp. 151-160 ; MATHÉ (A.), « À qui appartient la prison ? », Rev. pénit., 1995, pp. 179-183. Selon l’expertise du Contrôleur général, d’une manière générale, ces nouveaux établissements soulèvent de sérieuses difficultés : établissements trop grands favorisant les violences, entretien insuffisant des structures, défaut de conception, mouvements du personnel plus difficiles : CGLPL, Rapport annuel d’activité 2010, op. cit., p. 29 s. et 165 s. ; CGLPL, Rapport annuel d’activité 2013, op. cit., p. 149 s.

finissent donc par se décourager981 face à ces différents obstacles alors qu’ils se sentent quand même investis des devoirs d’assistance morale et matérielle dès l’entrée du détenu en prison982.

Pourtant, ce sont des éléments qui devraient être facilités, car la collaboration de la famille fait, par exemple, reculer le taux d’agressions sexuelles et la présence de la pornographie en prison. Concernant la santé des détenus, une baisse du taux de suicide et des troubles mentaux peut être relevée lorsque la famille est plus présente. Ainsi, pour l’établissement pénitentiaire, la famille devient un paramètre déterminant pour le contrôle et la régularité de la sécurité au sein de la prison. Il s’agit avant tout de « permettre aux détenus de maintenir des relations affectives avec leurs proches […] et, […] (d’) alléger la tension inhérente à la privation de liberté, en particulier lorsque celle-ci se prolonge »983. Plus il y a de visites de la famille auprès de leur proche détenu, plus la voie de la réinsertion sera soutenue (et en même temps une prévention contre la récidive) : la visite d’un proche du monde libre lui permettant de se rendre compte de l’erreur qu’il a commise.

Par ailleurs, d’autres droits civils et politiques sont à l’origine des obligations du modèle prescripteur européen.

b) La protection contre les atteintes aux autres droits civils et politiques

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