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Modifications effectives du droit français à la suite d’un arrêt de condamnation Ainsi, grâce aux arrêts de condamnation, la France a pu se rendre compte de

Dans le document La réforme pénitentiaire (Page 123-126)

DU DROIT PÉNITENTIAIRE NATIONAL

S ECTION 1 L’ HARMONISATION RECHERCHÉE DES DROITS NATIONAUX EUROPÉENS

73. Modifications effectives du droit français à la suite d’un arrêt de condamnation Ainsi, grâce aux arrêts de condamnation, la France a pu se rendre compte de

l’état de sa législation à plusieurs reprises. Elle reconnaît la nécessité de devoir faire des efforts pour que sa législation interne soit en harmonie avec l’essence même de la Convention européenne.

Dans un arrêt Mouisel contre France695 rendu le 14 novembre 2002, la CEDH a relevé l’évolution de la législation française en matière de suspension de peine pour des raisons médicales. Ainsi, elle rappelle que la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé696 permet opportunément de suspendre une peine pour les condamnés atteints d’une pathologie engageant le pronostic vital697. Toutefois, on précise que la CEDH ne souhaite pas que cela relève d’une obligation générale de libération par l’État de l’individu pour raison de santé. C’est pourquoi la Cour européenne a déjà précisé que les différents dispositifs législatifs doivent être clairs, prévisibles et effectifs. Ici, il s’agit de privilégier la situation humanitaire du malade et non pas un certain formalisme qui peut s’avérer excessif : il s’agit d’apprécier concrètement la situation698.

Néanmoins, parfois l’effort français n’est pas suffisant et les condamnations précédentes au changement de législation ne demeurent donc pas très longtemps isolées.

694

GUYOMAR (M.), L’impact de la Convention européenne sur la justiciabilité des mesures pénitentiaires (arrêts

du Conseil d’État Planchenault et Boussouar du 14 déc. 2007) in TAVERNIER (P.), La France et la Cour

européenne des droits de l’homme, 1998-2008 : une décennie d’application du Protocole XI, La jurisprudence en 2007, éd. Bruylant, coll. du CREDHO, 2009, p. 297.

695

CEDH Mouisel c. France, 14 nov. 2002, n° 67263/01 : préc.

696

L. n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, JORF 5 mars 2002. Cf. PERREUX (E.), « La suspension de peine pour raison médicale : une loi au pronostic vital engagé ? », Rev. pénit., Numéro spécial 2007, p. 135 s. ;LAZAUD (F.), L’exécution par la France des arrêts de la

Cour européenne des droits de l’homme, Tome 2, op. cit., pp. 261-635, spéc. p. 408. Cf. infra n° 330 (évolution

suite à la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009).

697

Droit comparé - Il s’agit, en quelque sorte, d’une « libération compassionnelle », telle que désignée aux États- Unis.

698

Cf. CEDH Gülay Çetin c. Turquie, 5 mars 2013, n° 44084/10, § 124 : Rev. pénit., 2013, p. 398 s., chron. CÉRÉ

Effectivement, si le but est de responsabiliser l’État sur la situation de sa législation nationale, certains exemples montrent que les efforts de remise en cause du système pénitentiaire sont minimes. Ainsi, la loi du 9 septembre 2002699 avait prévu la répartition sur l’ensemble du territoire d’un certain nombre d’établissements de santé spécialisés. Or, le rapport du CPT rendu public le 19 avril 2012 faisait état d’une seule unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA)700 opérationnelle sur le territoire français, à Lyon (depuis, plusieurs ont été implantées sur le territoire701). Dans ce même rapport, le CPT appelle alors les autorités françaises à « adopter des mesures d’urgence permettant un accès à des soins appropriés pour toute personne incarcérée souffrant de troubles psychiatriques nécessitant une prise en charge en milieu hospitalier et ne pouvant pas être accueillie en UHSA »702.

De plus, la CEDH a su s’imposer en condamnant, à plusieurs reprises, de manière stricte, la France et en décidant que les détenus classés DPS avaient la possibilité de contester une mesure pénitentiaire de fouilles par la voie du référé-liberté703. En effet, même si elle reconnaît l’effort effectué par le droit français dans l’édiction de sa nouvelle loi pénitentiaire704, en matière de recours aux fouilles intégrales705, la Cour « confirme son statut de censeur des mesures disciplinaires en vigueur dans l’Administration pénitentiaire »706.

Cela étant, il faut relever que parfois la Cour sait être indulgente et reconnaît les efforts des autorités françaises. Effectivement, les juges européens se sont montrés bienveillants dans un arrêt Stasi contre France du 20 octobre 2011707, réfutant la dénonciation

699

L. n° 2002-1138 du 9 sept. 2002 d’orientation et de programmation pour la justice, JORF 10 sept. 2002.

700

Cf. DARBÉDA (P.), « L’U.H.S.A., une nouvelle structure d’hospitalisation psychiatrique des détenus », Rev.

pénit., 2010, p. 673 s.

701

Cf. DARBÉDA (P.), « Le développement des unités spécialement aménagées (U.H.S.A.) pour les détenus

malades mentaux », Rev. pénit., 2013, pp. 683-694. Il en existera 9 en 2016 : Lyon-Bron, Toulouse, Fleury-les- Aubrais, Villejuif, Lille-Seclin, Rennes, Cadillac et Marseille (Source : http://www.apres- tout.org/spip.php?article142).

702

CPT/Inf (2012) 13, p. 67, § 151.

703

En ce sens : Cf. not. CEDH Khider c. France, 9 juill. 2009, req. n° 39364/05 : préc. et CEDH El Shennawy c.

France, 20 janv. 2011, req. n° 51246/08 : préc. Cf. infra nos 152 et 386.

704

FLEURIOT (C.), « Fouilles en prison : bientôt une circulaire d’application », D. actu., 30 mai 2011.

705

Art. 57, L. n° 2009-1436 24 nov. 2009 pénitentiaire, JORF 25 nov. 2009. Cf. infra n° 283.

706

PRIOU-ALIBERT (L.), « Régime de fouilles intégrales : condamnation de la France », chron. préc., 14 févr.

2011

707

CEDH Stasi c. France, 5e sect., 20 oct. 2011, n° 25001/07 : D. actu., 16 nov. 2011, obs. BACHELET (O.). Notons, tout de même, que la CEDH s’est montrée, par la suite, plus attentive à la demande d’un détenu invoquant une violation de l’article 3 et de l’article 14 en raison de son placement à l’isolement sur le fondement de son orientation sexuelle. La CEDH revient, en quelque sorte - même si les faits sont différents - sur une volonté de respecter les droits fondamentaux des détenus. La combinaison des deux articles de la Convention européenne illustre l’obligation pour les autorités étatiques, de concilier les différents intérêts rencontrés (protection d’un détenu homosexuel qui subissait des intimidations de ses codétenus hétérosexuels et protection de l’intégrité physique de la personne : situation régulière en prison) : Cf. Étude sociologique : RICORDEAU (G.),

d’une violation de l’article 3 de la Convention européenne. Ils ont considéré que le viol et les violences708 dont se disait victime le requérant de la part de codétenus, étaient très sévèrement punis dans le droit français et qu’il aurait dû porter plainte. Pour cette raison et avec l’existence de nombreuses investigations menées par les autorités françaises, la CEDH estime que les « autorités pénitentiaires ont pris les mesures adéquates afin de protéger l’intégrité du requérant, notamment en le laissant accéder seul aux douches en dehors des horaires prévus, en le faisant systématiquement accompagner par un surveillant lors de ses déplacements et, finalement, en le plaçant à l’isolement jusqu’à sa sortie »709. Dans une autre affaire, la Cour européenne a su signifier que les réactions normatives françaises710 viennent « enrichir »711 certains mécanismes procéduraux notamment en matière de suspension de peine (possible en cas d’urgence et avec un pronostic vital engagé) si au moins le certificat médical, établi par le médecin de l’établissement, est présenté712.

Finalement, la Cour essaie d’insuffler un modèle à suivre. Elle est un guide. À ce titre, les juges de Strasbourg ont indiqué très tôt dans un arrêt Sunday Times contre Royaume-Uni que « la Convention a pour but essentiel de fixer certaines normes internationales à respecter par les États contractants dans leurs rapports avec les personnes placées sous leur juridiction »713. D’ailleurs, si les juges n’évoquent cependant pas ici une « uniformité absolue »714, les sources textuelles et jurisprudentielles du droit européen de la détention encouragent cette étude à reconnaître, quand même, l’existence d’un modèle européen prescripteur d’obligations positives et négatives imposées aux États membres.

« Enquêter sur l’homosexualité et les violences sexuelles en détention », Dév. et soc., 2004/2, vol. 28, pp. 233- 253) : Cf. CEDH X. c. Turquie, 9 oct. 2012, n° 24626/09.

708

La violence est courante dans les prisons françaises de telle sorte que certains, par exemple, profitent de leur permission de sortir pour s’évader et justifier leur acte d’évasion par les violences qu’ils subissent en prison : Cf. évasion d’un détenu du centre de détention de Châteaudun le 21 nov. 2012. Cf. not. POLITI (C.), « Châteaudun : menacé par ses codétenus, il s’évade de prison », L’Express.fr, 12 déc. 2012.

709

CEDH Stasi c. France, 5e sect., 20 oct. 2011, n° 25001/07, § 72 : préc.

710

L. n° 2010-242 du 10 mars 2010 tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale, JORF 11 août 2010.

711

CEDH Raffray Taddei c. France, 5e sect., 21 déc. 2010, n° 36435/07, § 53 : préc.

712

Cf. infra n° 330.

713

CEDH Sunday Times contre Royaume-Uni, 26 avr. 1979, n° 6538/74, § 61.

714

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ARAGRAPHE

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