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Logique textuelle Ce que Léon D UGUIT avait pour coutume d’appeler « l’art législatif » 313 (on pourrait évoquer l’art normatif en raison du poids important du règlement :

Dans le document La réforme pénitentiaire (Page 57-60)

on parle parfois même d’« autarcie normative pénitentiaire »314) ne s’avère en rien un gage complet de sécurité juridique. Il semble qu’un droit complexe est un droit qui représente une ressource précieuse contre de potentiels adversaires. Certains peuvent même déduire de cette

306

Cf. supra n° 8.

307

PONCELA (P.), « Le droit des aménagements de peine, essor et désordre » in L’aménagement des peines

privatives de liberté : l’exécution de la peine autrement, éd. DAP, coll. Travaux et documents, n° 79, 2010, p. 21

s., spéc. p. 29.

308

Cf. PÉDRON (P.), « De la “réglementation” au “droit pénitentiaire” : les fondements de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 in Mélanges en l’honneur du professeur Jacques-Henri ROBERT, op. cit., pp. 543-561, spéc. p. 546.

309

On apprendra qu’en réalité, la Réforme n’est pas seulement normative. Cf. infra n° 606.

310

FAVOREU (L.), « Approche constitutionnelle du principe de la participation du secteur privé au fonctionnement du service public pénitentiaire » in Les prisons dites « privées », éd. PUAM, coll. Le point sur, 1987, p. 49. 311 Cf. infra nos 168 s. et 413 s. 312 Cf. infra nos 501 s. 313

DUGUIT (L.), L’État. Le droit objectif et la loi positive, éd. Dalloz, 2003, p. 560. 314

DE GALEMBERT (C.) et ROSTAING (C.), « Ce que les droits fondamentaux changent à la prison », Droit et soc.,

difficulté caractéristique qu’il s’agit d’un droit efficace qui n’est sujet à aucune remise en cause. Cependant, c’est bien parce que « le désordre ne nous paraît pas naturel qu’un examen critique de la valeur instrumentale de la technique juridique nous paraît indispensable, ne serait-ce que pour inciter à chercher ailleurs les moyens de parvenir à un ordre véritable »315. Ce mouvement qui malmène et qui bouscule le droit pénitentiaire rend difficilement perceptibles les intérêts et la légitimité de la peine d’emprisonnement prononcée par le juge pénal. Tout le droit de l’exécution des peines, d’une manière générale, souffre de cette façon de procéder, c’est-à-dire de faire du maquillage législatif, de recoller un droit qui se fissure car échafaudé au rythme des différents septennats, puis des quinquennats et dans l’imagination que le droit peut tout changer316. Pourtant, comme Jean-Etienne-Marie PORTALIS le disait, « il faut être sobre de nouveautés en matière de législation »317. S’il est

possible de calculer les avantages en théorie, il est toujours plus difficile de les reconnaître pleinement en pratique. L’ « ordre véritable »318 est nécessaire pour la tenue de la mission de l’exécution de la sanction privative de liberté organisée par l’Administration pénitentiaire.

L’institution pénitentiaire intervient - hors cas de la détention provisoire - à la fin de la chaîne pénale. Elle subit les incohérences de la norme. D’ailleurs, « depuis plusieurs années, alors que le législateur élargissait sensiblement les hypothèses d’aménagement de peine, il s’attachait en même temps à instaurer des peines-plancher, à aggraver les peines, à créer de nouvelles infractions ou circonstances aggravantes, plaçant ainsi le Ministère public dans une position des plus schizophréniques »319. Depuis, il a supprimé les peines-plancher et privilégié le milieu ouvert dans l’exécution des peines. Il fait même appel à la contrainte pénale. À ce titre, s’il peut paraître étonnant, dans cette étude, d’évoquer cette peine alternative à l’emprisonnement, la réflexion sur cette dernière sera nécessaire pour ainsi comprendre la place que peut avoir l’emprisonnement dans le droit contemporain. En effet, avec cette peine, l’emprisonnement agit seulement comme une sanction du non-respect de la peine de contrainte pénale. Il est toutefois important de constater que la contrainte pénale donne clairement l’occasion de réfléchir à la nouvelle place que voudrait attribuer le législateur à

315

CONSTANS (L.), Paradoxes, éd. Presses Universitaires de Perpignan, coll. Études, 2001, p. 31.

316

HERZOG-EVANS (M.), « Conférence de consensus : trop de droit ; pas assez d’envergure institutionnelle et scientifique », D., 2013, p. 720 s.

317

PORTALIS, discours préliminaire sur le projet du Code civil (1er pluviose an IX). 318

CONSTANS (L.), Paradoxes, op. cit., p. 31. 319

l’enfermement puisque son projet avec la réforme dite pénale de 2014320 est de placer la contrainte pénale au cœur de notre système de peines. Il s’agit clairement de s’interroger sur l’avenir de la contrainte pénale en substitution de la peine d’enfermement direct et sur son éventuelle destinée à devenir une sorte de nouvelle phase intermédiaire, précédant tout enfermement. Or, demain, le législateur fera peut-être le contraire en réintroduisant par un autre procédé des peines similaires aux peines-plancher. Tout dépend de la priorité choisie. Le droit pénitentiaire fonctionne à l’image du droit pénal que Jean CARBONNIER caractérisait comme « le plus théâtral de tous les droits » avant d’affirmer que si l’« on attend de lui la sécurité, [...] il se nourrit de l’insécurité, vit en tension avec elle »321. La doctrine a souvent tendance à regretter cette perception du droit pénal, en se désolant en outre que l’institution pénitentiaire se soit construite à la façon de ce droit. En effet, un auteur considère qu’« un véritable projet pour ce service public, ne reposant pas seulement sur la construction d’un discours axé sur la sécurité et la dangerosité, mais sachant simplement se nourrir des avancées internationales en matière de protection des droits des individus, sera sans doute à même de permettre la projection sur cette administration, ses établissements et ses agents d’un autre regard »322.

Le texte le plus marquant en la matière fut la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. Elle peut être reconnue comme le cœur du mouvement réformateur contemporain dont l’un des « vœux pieux »323 tient à l’humanisation des prisons324 . En créant notamment l’article 726-1 du Code de procédure pénale, elle offre par exemple aux détenus « une vitrine légale au recours en référé »325. Cette loi est largement impulsée par le droit européen des droits de l’homme lorsqu’il est appliqué dans les établissements pénitentiaires. En effet, l’Europe participe à la frénésie législative interne326 qui touche toute la matière pénale327 : elle

320

L. n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, JORF 17 août 2014.

321

« Hommage aux professeurs Georges Levasseur et Jean Carbonnier », Archives de politique

criminelle, 1/2003, n° 25, pp. 3-8.

322

FROMENT (J.-Ch.), Les surveillants de prison, éd. L’Harmattan, coll. La justice au quotidien, 2003, p. 75. 323

ROETS (D.), « Les conditions de détention en France des détenus atteints de troubles mentaux toujours sur la sellette européenne », RSC, 2012, p. 683 s.

324

Sur les objectifs de la loi pénitentiaire : Cf. LARONDE-CLERAC (C.), « Les objectifs de la nouvelle loi

pénitentiaire » in DEFLOU (A.) (dir.), Le droit des détenus. Sécurité ou réinsertion ?, op. cit., p. 17 s., spéc. p. 19.

325

CÉRÉ (J.-P.), « Placement à l’isolement : le contrôle du juge administratif », AJ Pénal, 2012, p. 237 s.

326

Cf. TANEVA (I.), « La peine et le droit européen » in JEANCLOS (Y.) (dir.), La dimension historique de la

peine 1810-2010, op. cit., pp. 439-443, spéc. p. 442.

327

Cf. not. DE BRESSON (J.-J.), « Inflation des lois pénales et législations ou réglementations techniques », RSC,

« apporte son écot au pot commun de la prolifération juridique » 328 . Le processus d’humanisation carcérale par l’État français emprunte donc presque systématiquement la voie normative, considérée comme un moyen (trop souvent imparfait 329), pour satisfaire notamment aux canons européens principalement imposés par le vent venu de Strasbourg.

23. Logique jurisprudentielle et importance particulière du juge administratif en

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