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Conditions inhumaines de détention À la fin du XX e siècle, un auteur estime que « la privation de liberté a pris la part du lion parmi les peines du droit français » 263 Or, au

Dans le document La réforme pénitentiaire (Page 50-52)

XXIe siècle, la situation des prisons préoccupe les différents gouvernements qui se succèdent, et le caractère insoutenable et hostile des conditions d’enfermement est cristallisé par cette prise de conscience. Si l’on parle parfois de « sinistrose carcérale »264, en raison de la surpopulation pénitentiaire, le recours à la prison semble tout de même demeurer la solution. Pourtant, si le nombre de personnes prises en charge par l’Administration pénitentiaire est important, la capacité d’accueil est insuffisante. On parle de « crise du logement pénitentiaire »265, laquelle rend évidemment plus rude la vie en détention266. Quelques avancées ponctuelles permettent, en quelque sorte, de limiter l’opinion strictement négative sur la prison, mais les mauvaises conditions de vie des détenus restent ancrées. L’avenir des prisons semble être révélé comme une nouvelle problématique alors même que celle-ci avait, semble-t-il, au gré des évènements historiques, obtenu la qualité de peine centrale267, de référence, se justifiant par des exigences de sécurité publique. Dans différents domaines, de nombreux bilans déplorables peuvent être dressés (troubles mentaux en prison, suicides en prison, violences carcérales, hygiène douteuse dans les prisons, etc.), à tel point que la légitimité historique de la prison doit être remise en question.

« Si la libéralisation de la politique criminelle et le renforcement des droits de l’homme ont posé les premiers jalons du discours des droits des détenus, ils n’ont pas pour autant permis d’affirmer que les détenus étaient de véritables sujets de droit. En réalité, c’est la doctrine que l’on qualifiera de doctrine des droits du détenu qui a exercé, à partir des années 1970, une influence importante sur les législateurs pour que le droit positif accorde des

262

LUCAZEAU (G.), Prisons d’Europe, Presses Universitaires de Nancy, 2008, p. 40. 263

LEAUTÉ (J.), Les prisons, éd. PUF, 2e éd., coll. Que sais-je ?, 1990, p. 7.

264

FIXOT (A.-M.), « Sortir de la sinistrose carcérale », Revue du MAUSS, 2012/2, n° 40, pp. 103-123.

265

PONCELA (P.), « La crise du logement pénitentiaire », RSC, 2008, p. 972 s.

266

Cf. infra nos 181 et 189.

267

Sur l’effet de « centralité » de la peine de prison : Cf. TRAVAGLIA CICIRELLO (T.), « Punir “dehors” en Italie »,

droits aux personnes incarcérées »268. Cette doctrine a pour postulat qu’un individu ne devrait pas avoir à exiger le respect de ses droits car ils lui sont naturellement reconnus. Il est « impossible de refuser à quelqu’un son appartenance à l’espèce humaine. L’homme ne possède pas un droit à l’humanité. Il la représente [...]. La dignité propre à l’homme découle directement de sa qualité d’humanité »269. Il devrait en être de même lorsqu’il s’agit des droits inhérents à sa citoyenneté, car « les droits du détenu sont ceux de tout citoyen, et cela doit faire l’objet d’une disposition principielle »270. En évoquant la Déclaration universelle des droits de l’Homme, René CASSIN,l’un des principaux initiateurs du texte, avait soulevé qu’il s’agissait de « protéger tout l’homme et protéger les droits de tous les hommes »271. L’institution pénitentiaire devrait donc, dans le traitement qu’elle inflige au délinquant, en raison de l’infraction qu’il a commise272, prendre en considération toutes les caractéristiques qui font de lui un homme, c’est-à-dire ses devoirs mais aussi les droits issus de son humanité qu’il n’a pas à revendiquer. « La notion de “ droits de l’homme ” est une des clefs pour la compréhension des institutions politiques de la France, détonateur des révolutions ou des révoltes, et moteur des actions politiques et juridiques. La notion de “ droits de l’homme ” est incluse dans la définition de l’État de droit [...] »273. Elle est donc une exigence de respect que doit conserver l’Administration pénitentiaire274. En outre, lui reconnaître ses droits n’a pas pour effet de limiter la force de la sanction sur l’individu. D’ailleurs, cette reconnaissance doit surtout lui être effective, à partir du moment où l’on considère que la prison peut être une « institution totalitaire et totale » comme l’exprime Erving GOFFMAN275. Il définissait ainsi la

prison comme « un lieu de résidence et de travail où un grand nombre d’individus, placés dans une même situation, coupés du monde extérieur pour une période relativement longue,

268

MATHIEU (G.), Les droits des personnes incarcérées dans les pays de la Communauté européenne, Th., Université d’Aix-Marseille, 1993, p. 13.

269

SANÉ (P.), Le droit à l’humanité, éd. Autrement, coll. Mutations, n° 177, 1998, p. 8 s. V. aussi : VIRIOT-

BARRIAL (D.), « Dignité de la personne humaine », n° 78 (en matière de privation de liberté), Rép. pén., juin

2014 ; Cf. CÉRÉ (J.-P.),« Prison », n° 226 s., Rép. pén., avr. 2015.

270

PONCELA (P.), « La responsabilité du service public pénitentiaire à l’égard de ses usagers détenus », RSC, 2000, p. 232 s.

271

Citation rappelée par R. BADINTER in Rapport d’information sur l’Union européenne et les droits de l’Homme,

n° 246, remis au Sénat, 2009, pp. 5-6.

272

Un auteur explique que « la peine, en perdant de vue l’infraction, oublie la raison d’être qui fonde sa prévisibilité et sa mesure » (DE LAMY (B.), « À la recherche de la peine perdue... », Dr. pén., n° 9, sept. 2015,

dossier 1). La référence à l’infraction est donc inévitable même si l’orientation contemporaine de la matière pénale est de prendre en considération l’homme.

273

KOUBI (G.), ROMI (R.), État, Constitution, Loi, éd. Litec, 1993, p. 121.

274

Cf. LECLERC (H.), V° « Droits de l’homme » in CADIET (L.) (dir.), Dictionnaire de la justice, op. cit., pp. 368-

372.

275

mènent ensemble une vie recluse dont les modalités sont explicitement et rigoureusement réglées »276. Finalement, la conception et l’« emprise institutionnelle »277 voire disciplinaire278 de l’Administration pénitentiaire posent question, dès lors que la prison est envisagée comme étant celle qui peut limiter les droits et libertés des individus qui, selon Erving GOFFMAN, sont stigmatisés, contrôlés et dressés par divers mécanismes de surveillance279. La construction du droit de la prison peut déjà donner des éléments premiers de réponses.

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