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Imbrication du droit pénitentiaire et du droit de l’application des peines.

Dans le document La réforme pénitentiaire (Page 67-69)

Concrètement, l’existence du droit de l’exécution des peines en tant que matière « contenant » est une preuve que le droit pénitentiaire et le droit de l’application des peines sont des disciplines « intimement imbriquées »380, difficiles à étudier séparément.

Dès lors qu’il participe à la préparation de l’avenir d’un individu, le droit pénitentiaire doit absolument être perçu au travers de l’ensemble pluridisciplinaire auquel il appartient, c’est-à-dire en entretenant des liens avec le droit de l’application des peines. Voici une première manifestation de l’originalité du droit pénitentiaire qui présente un domaine particulièrement étendu et dont les fondements sont à rechercher dans l’humanisation largement soutenue par la promotion des droits de l’homme.

La raison de l’existence du droit de l’application des peines est concrètement une illustration de l’évolution du droit de l’exécution des peines381 et plus largement de la politique pénale en faveur des droits des individus détenus382. D’ailleurs, la relation étroite entre le droit pénitentiaire et le droit de l’application des peines doit être expliquée par l’application du principe de l’individualisation, lequel poursuit son œuvre bien au-delà du prononcé de la peine 383 pour colorer le stade de son exécution, ce qui n’est pas toujours bien vécu par une institution pénitentiaire attachée à ses prérogatives sécuritaires. La doctrine estime, d’ailleurs, que le principe de l’individualisation « trace entre les deux régimes juridiques un tel lien, que le temps viendra où l’on parlera d’union »384. Par exemple, les sanctions disciplinaires peuvent avoir des effets sur les mesures de confiance385 ou encore l’organisation des transfèrements des détenus peuvent avoir des conséquences plus ou moins importantes sur la manière de maintenir un lien avec leur famille, par ailleurs élément clé de l’octroi d’une mesure d’élargissement386.

À l’heure actuelle, la justice pénale moderne ne porte son attention que sur l’individualisation des peines. Or, dans cette situation, il est aussi important de s’interroger

380

HERZOG-EVANS (M.), Droit de l’exécution des peines, op. cit., p. 3.

381

Cf. DANTI-JUAN (M.), « Les nouvelles orientations de la phase exécutoire du procès pénal : entre faux-

semblants et vraies révolutions », Rev. pénit., 2006, pp. 713-723, spéc. p. 719.

382

Cf. infra nos 501 s.

383

Les possibilités d’individualiser une peine au moment du prononcé sont grandes. Cf. infra nos 316 s.

384

RENOUX (T. S.), « L’individualisation de la sanction pénale. Le point de vue du constitutionnaliste : deux questions-clés » in HOURQUEBIE (F.) et PELTIER (V.) (dir.), Droit constitutionnel et grands principes du droit

pénal, op. cit., p. 159 s., spéc. p. 171.

385

Les mesures de confiance désignent les aménagements de peine.

386

TINEL (M.), « Réflexions sur les apports d’une codification du droit de l’exécution des peines », Dr. pén.,

sur la qualité de la réinsertion qui, il ne faut pas l’oublier, n’est, au stade de l’exécution de la peine privative de liberté, qu’une « réalité purement virtuelle »387 et dont il est complètement incertain qu’elle devienne effective. L’organisation pénitentiaire a-t-elle d’ailleurs réellement vocation à comprendre l’homme délinquant ? Répondre à cette question par l’affirmative revient, a priori, à considérer davantage l’homme que l’acte qu’il a commis. Concrètement, « l’Administration pénitentiaire peut être comparée à un iceberg dont la partie visible serait constituée des prisons abritant les peines et mesures privatives de liberté, la partie invisible étant formée des peines et mesures restrictives de liberté que sont le SME, le TIG, le suivi socio-judiciaire. La partie visible, celle qui se déroule “ entre quatre murs ” est tangible, crédible. Il faut pour la limiter et la contrebalancer que la partie invisible, celle qui se déroule dans les bureaux des SPIP soit tout aussi crédible et tangible »388.

En outre, ce n’est plus seulement de l’effectivité de la peine privative de liberté dont il faut discuter mais aussi de sa nature. La doctrine évoque même le déclin de la peine de prison au profit de mesures nouvelles, « de nature incertaine, sortes d’hybrides, telle la sanction réparation »389.

Si, désormais, la peine de prison se présente d’abord comme une exception en démocratie car elle prive le délinquant de la liberté d’aller et de venir, à laquelle chacun est attaché, elle doit aussi être appréhendée dans ses aspects les plus souples notamment par le recours aux juridictions de l’application des peines. D’ailleurs, si, telle que l’on a pu la caractériser, la Réforme pénitentiaire s’avère longue et courageuse, elle est également téméraire et imparfaite, car si elle donne l’impression que l’innovation est démesurément possible concernant la peine d’emprisonnement, elle en donne aussi une conception contemporaine plutôt déclinante. Incitée par la promotion européenne des droits de l’homme, ces évolutions peuvent également comporter des travers puisque la construction du droit pénitentiaire semble perdue par deux tendances principales, l’une privilégiant l’aspect purement sécuritaire de la peine de prison et l’autre cherchant à répondre à la fonction utilitariste de la prison.

387

Cf. GASSIN (R.),« Les fondements juridiques de la réinsertion des délinquants en droit positif français » in BORRICAND (J.) (dir.), La réinsertion des délinquants : Mythe ou réalité ?, op. cit., pp. 43-110, spéc. p. 109.

388

GARREAU (P.), « Le SPIP et les différentes procédures d’aménagement de peines : entre commande - quantité

et recherche - qualité », Rev. pénit., Numéro spécial 2007, p. 139 s., spéc. p. 144. V. aussi : CAMU (J.-M.), « Le Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation (SPIP) en milieu ouvert », Contribution écrite à la conférence

de consensus sur la prévention de la récidive des 13 et 14 févr. 2013, p. 1.

389

Cf. BONIS-GARÇON (E.) et PELTIER (V.), Droit de la peine, op. cit., p. 20. La nature de la peine

contemporaine est « éclatée » : Cf. COCHARD (M.-A.), « La multiplication des peines : diversité ou dilution ? »,

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