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Rôle du droit européen et de la loi pénitentiaire dans l’hybridation contemporaine du terme « pénitentiaire » La dynamique réformatrice n’a pas été

Dans le document La réforme pénitentiaire (Page 65-67)

complètement efficace à l’occasion de la loi pénitentiaire, nourrissant à nouveau la volonté d’améliorer le droit de la peine d’emprisonnement afin qu’elle soit utile.

Il faut retenir que la loi dite pénitentiaire n’est qu’une des phases de la construction372 de l’androgynie373 que connaît désormais la Réforme pénitentiaire. Si cette étude a déjà proposé une première définition du droit pénitentiaire, lequel est naturellement associé à la peine d’emprisonnement, la loi dite pénitentiaire, incontestablement au cœur de la dynamique réformatrice contemporaine et stimulée par la promotion européenne des droits de l’homme est composée de deux volets : le milieu fermé et le milieu ouvert. Ce texte est une illustration parfaite du caractère hybride du terme « pénitentiaire » tel qu’il doit être entendu dans son sens contemporain. Plus concrètement, les fonctions des personnels des services pénitentiaires d’insertion et de probation374 font preuve d’une contribution à la fois dans le milieu fermé et dans le milieu ouvert375. Cela nous amène à réfléchir différemment et interroge clairement sur la place de la peine de prison dans notre droit.

370

Cf. infra n° 352 s.

371

DE GALEMBERT (C.) et ROSTAING (C.), « Ce que les droits fondamentaux changent à la prison », op. cit., pp. 291-302, spéc. p. 291.

372

NADAL (J.-L.), « Ouvertures » in BOUSSARD (S.) (dir.), Les droits de la personne détenue après la loi

pénitentiaire du 24 novembre 2009, op. cit., p. 14. ; PONCELA (P.), « Droits des détenus et mesures de détention », Gaz. Pal., 28 janv. 2010, n° 28, p. 20 s.

373

Selon notre étude, la loi pénitentiaire participe à la création de l’androgynie de notre droit post-sentenciel régissant la peine privative de liberté, caractéristique forte de la Réforme pénitentiaire. Elle est composée de deux éléments, a priori, contradictoires (organisation de la prison et aménagement voire alternative à la peine de prison) qui doivent essayer d’être compatibles pour offrir un meilleur raisonnement à ce droit post-sentenciel. L’effet de la loi pénitentiaire, qui les rassemble, constitue déjà une première étape à cette dialectique. Le terme « androgynie » peut faire penser ici au mythe de l’androgyne expliqué par Platon dans Le Banquet (380 av. J.-C.), œuvre composée de discours dont celui d’Aristophane qui évoque le mâle, la femelle et l’androgyne. Son idée est ici d’expliquer l’amour de deux êtres, la coexistence de deux figures de la nature humaine, de deux éléments qui se scindent en deux et se rejoignent pour n’en former plus qu’un polymorphe : l’androgyne. Le droit de l’exécution des peines pourrait être cette dernière figure.

374

Création des SPIP par décret : Décr. n° 99-276 du 13 avr. 1999 modifiant le Code de procédure pénale et portant création des services pénitentiaires d’insertion et de probation. JORF 14 avr. 1999.

375

Le milieu ouvert correspond au régime appliqué par les services pénitentiaires d’insertion et de probation, lesquels suivent les 172 007 personnes condamnées à des peines non privatives de liberté telles que le travail d’intérêt général ou le sursis avec mise à l’épreuve, par exemple (Source : Les chiffres clés au 1er janv. 2015 de l’Administration pénitentiaire, Ministère de la Justice). En 1999, les services pénitentiaires d’insertion et de

probation ont remplacé les comités de probation et d’assistance aux libérés et les services socio-éducatifs des établissements pénitentiaires qui intervenaient respectivement en milieu libre et en milieu fermé. Cf. COUVRAT

Cette relation étroite entre les questions liées aux conditions carcérales et celles liées aux conditions d’aménagement de la peine doit être intégrée dans le champ de cette étude car il s’agit là une manifestation de la direction choisie par la Réforme pénitentiaire contemporaine et dont il faut définir les premiers contours dans cette introduction.

En effet, au regard de ce qui précède, comment percevoir de la même façon le terme « pénitentiaire » alors que cette loi dite pénitentiaire évoque tout un volet sur les aménagements de peine ? Effectivement, au sein de cette loi, on trouve d’une part, des dispositions réformant le régime pénitentiaire et d’autre part, des dispositions tirant leurs origines de la volonté de faire reculer le prononcé de la peine privative de liberté376. Le « remodelage »377 des aménagements de la peine privative de liberté proposé au sein de la loi pénitentiaire378 doit être analysé dans cette étude puisqu’il impose des changements concernant la place de la peine de prison, laquelle demeure paradoxalement la peine de référence.

De plus, certaines peines privatives de liberté ne sont pas exécutées. Ce décalage entre la peine prononcée et celle qui est finalement exécutée est une réalité sur laquelle il convient de réfléchir. La doctrine est unanime sur ce point : l’exécution des peines, expression générique, peut recouvrir plusieurs sens. Si elle peut concerner uniquement le droit du service public pénitentiaire dans une vision publiciste, elle peut aussi, dans une vision plus globale, correspondre au droit pénitentiaire, au droit de l’application des peines, au droit de la mise à exécution des sentences pénales et au droit du service public pénitentiaire. Enfin, d’un point de vue purement pénal, l’expression « exécution des peines » correspondrait plutôt à la mise à exécution des sentences pénales, l’application de la peine, les mesures de sûreté et le post- sentenciel379. La deuxième acception sera ici retenue car elle permet de souligner le caractère objectivement vaste de la Réforme étudiée. Ainsi, le droit de l’exécution des peines a un champ d’application plus large que le droit pénitentiaire dont il pourrait être le contenant.

s. ; FOSSEY (L.), « Les sanctions dans la communauté », Contribution écrite à la conférence de consensus sur la

prévention de la récidive des 13 et 14 févr. 2013, spéc. p. 3 et p. 6 s.

376

Cf. infra nos 309 s.

377

Ibid.

378

D’ailleurs, ce chemin emprunté par la loi pénitentiaire de 2009 qui donne à la définition du terme « pénitentiaire » une nature hybride est, aussi, celui qu’a choisi la loi du 15 août 2014 dite réforme pénale. Axant sa réflexion sur le principe de l’individualisation des peines et appelant à une augmentation considérable de moyens, la réforme de 2014 ne connaît qu’un timide impact sur les règles d’organisation pénitentiaire puisque le législateur démontre le vœu de faire reculer la peine de prison.

379

HERZOG-EVANS (M.), Droit de l’exécution des peines, op. cit., p. 2. ; HERZOG-EVANS (J.-P.), « Peine

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