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La science est incapable de répondre aux grandes questions de l’existence

CHAPITRE 2 : LA SCIENCE DANS L’ENSEIGNEMENT DE JEAN-PAUL II

3. Les grands thèmes de la pensée de Jean-Paul II sur la science

3.9. La science est incapable de répondre aux grandes questions de l’existence

Pour Jean-Paul II, le progrès de la science est inévitable. La possibilité offerte à l’homme de repousser toujours plus loin les limites de la science n’a jamais été aussi grande. Par contre, comment en sommes-nous arrivés à ce que la science et la technique constituent une menace destructrice pour l’humanité ? Jean-Paul II répond que l’homme, dans sa marche vers le progrès, « a pris un seul chemin, le plus facile [tout en négligeant] l’alliance avec la sagesse éternelle623 ». Cette faiblesse de l’homme est liée directement à ce que Jean-Paul II appelle un « déséquilibre » du monde moderne. À son tour, ce déséquilibre est lié à « un déséquilibre plus fondamental qui prend racine dans le cœur même de l’homme624 ». D’un côté, il est sollicité par l’expérience de

ses limites ; de l’autre, par une vie supérieure et un désir qui ne connaît pas de limites. C’est ainsi que pour Jean-Paul II, l’homme angoissé en son cœur, faible pécheur sans cesse contraint de choisir et de renoncer, « accomplit ce qu’il ne veut pas et n’accomplit pas ce qu’il voudrait625 ».

620 JEAN-PAUL II, « Humaniser, par l’Évangile, la société et ses institutions », (10 janvier 1992), DC, 16 février

1992, no. 2044, p. 158.

621 JEAN-PAUL II, « Acte de confiance à Marie », (8 octobre 2000), DC, 5 novembre 2000, no. 2235, p. 906. 622 JEAN-PAUL II, « La pastorale universitaire à Rome », (le 8 mars 1982), DC, 18 avril 1982, no. 1828, p. 395. 623 JEAN-PAUL II, « France, est-tu fidèle à ton baptême? », (1er juin 1980), DC, 15 juin 1980, no. 1788, p. 586. 624 JEAN-PAUL II, « Lettre encyclique Dives in misericordia », (30 novembre 1980), DC, 7 décembre 1980, no.

1797, p. 1093.

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Selon Jean-Paul II, c’est parce que l’homme souffre de cette division intérieure qu’il est souvent tenté de se tourner vers la science et la technologie pour remplir le vide existentiel et ainsi espérer avoir la réponse à tous ses problèmes. Or la science n’atteint souvent que le « contexte » de l’homme. En réalité, sa vie riche et multiforme relève à la fois de la science, de la philosophie morale, d’une tradition religieuse, etc. Cette réalité de l’existence fait en sorte qu’il existe toujours un écart considérable entre les sciences et ce qu’il y a de plus profond : la ressemblance à Dieu, source du caractère sacré de la personne. Ainsi, « […] reconnaître la réalité ultime et souveraine de Dieu est un signe d’intelligence, même [s’il] va au rebours des manières de penser de nombreux contemporains626 ».

C’est donc par la foi que l’homme est conduit au-delà de ce qu’il peut percevoir du monde sensible avec ses propres facultés. Car c’est dans l’acceptation du plan divin du salut que l’homme connaîtra la « vérité infinie et l’accomplissement transcendant des aspirations du bien au bonheur627 ». Cette affirmation est le plus souvent traduite par Jean-Paul II comme étant la science qui explique le « comment » et non le « pourquoi » de l’univers et de l’existence. Dans une homélie de 1987, il soulignait à cet effet que la révélation « […] n’explique pas, comme les sciences, les ‘comment’ de la nature, mais elle répond à nos ‘pourquoi’ : elle montre le sens de l’existence dans le plan de Dieu628 ». En 1998, il répétait que la science et la technologie ne

suffisent pas à l’homme puisqu’elles ne lui révèlent pas la signification ultime de la réalité. Il les qualifie de simples instruments qui ne constituent pas « des fins pour la vie de l’homme et pour le cheminement de l’humanité629 ». Il souligne également que les sciences ne nous disent rien sur la

question du sens, question qui « prendra de plus en plus d’importance à l’avenir630 ».

Explicitant sa pensée de manière plus détaillée, Jean-Paul II affirmait en 1996 que la société dans laquelle nous vivons actuellement, où l’hédonisme et la consommation côtoient l’efficacité et le profit, la maladie et la souffrance sont « […] refoulées ou vidées de leur signification, dans

626 JEAN-PAUL II, « Porteurs et diffuseurs d’espérance et de vérité » (5 mars 1984), DC, 20 mai 1984, no. 1874, p.

523.

627 JEAN-PAUL II, « Connaissance de Dieu et grâce de la foi », (audience générale du 10 avril 1985), DC, 19 mai

1985, no. 1896, p. 532.

628 JEAN-PAUL II, « Vous êtes l’Église à un carrefour des routes du monde », (1er décembre 1987), DC, 18 janvier

1987, no. 1932, p. 67.

629 JEAN-PAUL II, « Le progrès ne peut se faire au détriment des personnes et des peuples », (6 juillet 1998), DC, 2

et 16 août 1998, no. 2187, p. 704.

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l’illusion qu’elles seront surmontées par les seuls moyens qu’offrent les progrès de la science631 ».

Pour Jean-Paul II, l’ultime question à laquelle la science ne pourra jamais répondre est la question de l’existence même de Dieu, donneur de sens. Le pape souligne que parler de preuves de l’existence de Dieu ne signifie nullement des preuves scientifico-expérimentales. L’horizon des instruments de recherche et de contrôle de la science se limite aux phénomènes observables et mesurables. Ainsi, désirer une preuve scientifique de Dieu équivaut à abaisser Dieu au rang de la finitude : « La science doit connaître ses limites et son impuissance à atteindre l’existence de Dieu : elle ne peut ni affirmer ni nier cette existence632 ».

Enfin, pour Jean-Paul II, la recherche scientifique dans les domaines de l’infiniment petit comme de l’infiniment grand laisse toujours un espace pour des questions ultérieures. Car l’harmonie, l’immensité et la finalité du réel « ne sont pas explicables en termes de causalité ou par les seules ressources scientifiques633 ».