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CHAPITRE 2 : LA SCIENCE DANS L’ENSEIGNEMENT DE JEAN-PAUL II

2. Analyse des textes de Jean-Paul II sur la science

2.3. Guerre et paix

Le danger d’une guerre nucléaire488

La réflexion à propos de la possibilité et des conséquences d’une guerre nucléaire préoccupe profondément Jean-Paul II, car ce qui est impliqué est « la survie même de l’humanité et le destin de l’héritage [...] de la civilisation humaine489 ». Comme dans ses autres discours sur l’armement

nucléaire, Jean-Paul II lance ici un appel pour la fin de la course aux armements au nom de la paix.

Le pape précise que les scientifiques engagés dans les applications technologiques des découvertes scientifiques ont un rôle particulier à jouer dans le contrôle de ces armes puisqu’ils connaissent bien les effets désastreux d’une guerre potentielle. Il ajoute que déjà, les ressources intellectuelles et physiques investies dans la création d’armes de destruction ont détourné la recherche scientifique « de la promotion des valeurs humaines les plus authentiques [...]490 ».

486 JEAN-PAUL II, « Un homme ne deviendra jamais un végétal », (20 mars 2004), DC, 2 mai 2004, no. 2313, p.

409. Discours au Congrès international de médecins catholiques.

487 Ibid.

488 JEAN-PAUL II, « Le danger d’une guerre nucléaire », (20 août 1982), DC, 3 octobre 1982, no. 1837, p. 856-857.

Lettre aux participants du Séminaire international pour la culture scientifique.

489 JEAN-PAUL II, « Le danger d’une guerre nucléaire », (20 août 1982), DC, 3 octobre 1982, no. 1837, p. 857.

Lettre aux participants du Séminaire international pour la culture scientifique.

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Ainsi, la science se vide de son sens profond qui est la domination de la nature pour le bien de l’homme.

Jean-Paul II affirme ensuite que science et religion n’entrent aucunement en conflit l’une avec l’autre, mais que toutes deux sont chargées « de réaliser le dessein de Dieu sur l’homme491 ».

Selon son adhésion à ce dessein, l’homme peut soit créer une culture d’amour ou de haine.

Le pape conclut en souhaitant que les valeurs des scientifiques abordent dans le sens des valeurs éternelles de vérité et d’amour.

Libérez la science de la violence des riches et des puissants492

« La vérité vous fera libres493 », rappelle Jean-Paul II, faisant référence au fait que c’est

seulement en recherchant la vérité que la science conserve sa liberté. Les savants sont fondamentalement des chercheurs de vérité et Jean-Paul II les assure qu’en l’Église ils ont une alliée, « spécialement de la part du Siège apostolique494 ». Toutefois, la science ne réussira jamais à expliquer toute la vérité de l’univers : il y a plus de choses inconnues dans l’univers que de choses connues. C’est pourquoi Jean-Paul II affirme que « la joie de connaître va de pair avec l’admiration de l’inconnu495 ». La fin de l’univers n’est pas seulement de nous dévoiler ses

secrets immanents, mais également de manifester la vérité divine, la vérité première qui est à l’origine de l’homme et de l’univers.

Un des plus grands savants de l’histoire, Isaac Newton, apercevait la présence de Dieu dans l’univers. Jean-Paul II est donc d’avis que Newton ne voyait aucun désaccord entre la pensée scientifique et la pensée religieuse et qu’avec lui « s’accorde le message adressé aux hommes de la pensée et de la science par le Concile Vatican II496 ». Cette vérité scientifique qui s’élève jusqu’à Dieu doit, selon Jean-Paul II, promouvoir l’homme entier et être au service de la paix.

491 Ibid.

492 JEAN-PAUL II, « Libérez la science de la violence des riches et des puissants », (12 novembre 1983), DC, 18

décembre 1983, no. 1864, p. 1133-1136. Allocution à l’Assemblée plénière de l’Académie pontificale des sciences.

493 DC, 18 décembre 1983, no. 1864, p. 1133.

494 JEAN-PAUL II, « Libérez la science de la violence des riches et des puissants », (12 novembre 1983), DC, 18

décembre 1983, no. 1864, p. 1133. Allocution à l’Assemblée plénière de l’Académie pontificale des sciences.

495 Ibid.

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Les hommes de la culture doivent également savoir vivre la valeur du savoir. Citant les cinq mobiles de saint Bernard de Clairvaux qui peuvent inciter l’homme à l’étude, Jean-Paul II souligne que se sont ceux qui veulent « savoir pour édifier » et « savoir pour être édifiés » qui n’abusent pas de la science, car ils désirent comprendre pour faire le bien : savoir pour édifier, c’est la charité tandis que savoir pour être édifié, c’est la sagesse497. La véritable finalité de la

science, affirme Jean-Paul II correspond à ce que saint Bernard a réussi à faire avec le savoir, c’est-à-dire l’élever « au niveau de l’amour, au niveau de la charité de l’intelligence498 ». Le pape

aborde ensuite le sujet au cœur de ses propos, soit la charité du savoir pour la paix. Selon lui, la tâche la plus urgente de la science moderne est la construction de la paix. Jean-Paul II dénonce ces savants qui usent de la science pour armer, pour blesser et pour détruire. Il est évident que cette menace, en particulier la course aux armes nucléaires, pèse lourdement sur Jean-Paul II lorsqu’il affirme que l’humanité est comme « un grand malade en danger de mort499 » que les

savants et l’ensemble des hommes de culture doivent guérir en désarmant la science et en l’utilisant comme une force pour la paix.

Si la paix naît de la justice, il incombe alors à la science de promouvoir la justice dans le monde et contrer les inégalités flagrantes entre les pauvres et ceux qui sont économiquement privilégiés. À l’injustice qui existera toujours doit être jumelée une paix qui sera toujours à construire. C’est pourquoi, selon Jean-Paul II, le monde moderne attend la « libération de la science » qui ne peut se réaliser que par la « libération de l’intelligence500 ».

Il faut également éviter toute forme de colonialisme scientifique et technologique. Le vrai que recherche la science doit être libre de toute idéologie. La communauté scientifique doit être universelle et sans considération pour la race ou la religion. Jean-Paul II souligne les bienfaits énormes apportés par la science : maladies surmontées, crises alimentaires évitées, catastrophes naturelles prévues, etc. Toutefois, le plein potentiel de la science est toujours menacé par ceux qui veulent s’approprier les découvertes scientifiques pour faire la guerre et terroriser. Il est donc du

497 Ibid. 498 Ibid.

499 JEAN-PAUL II, « Libérez la science de la violence des riches et des puissants », (12 novembre 1983), DC, 18

décembre 1983, no. 1864, p. 1134. Allocution à l’Assemblée plénière de l’Académie pontificale des sciences.

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devoir de la communauté scientifique de veiller à ce que les découvertes de la science ne soient pas mises au service du mal.

Pour conclure, Jean-Paul II identifie les quatre pôles de la science qui construisent la paix : vérité, liberté, justice et amour. Avec l’aide de ces pôles, l’homme sera en mesure de s’« armer » afin de mener la guerre contre la faim, contre l’injustice et contre la maladie. Selon le pape, cela exige « […] une conversion universelle aux véritables biens de l’homme [...]. Là où la conversion à la vérité, à la liberté, à la justice et à l’amour ne devient pas une exigence largement reconnue et partout mise en pratique, la paix sociale est instable parce qu’elle est privée de sa racine la plus profonde qui se trouve au cœur de l’homme501 ».

Vers une solidarité internationale face aux risques chimiques502

Jean-Paul II commence son discours en affirmant que peu de pays dans le monde possèdent les législations pour réglementer le traitement et l’utilisation de produits chimiques et que c’est un grave péché des pays plus riches que de profiter des plus pauvres pour implanter des usines polluantes chez eux ou d’accumuler des déchets nuisibles à la santé des gens.

Il faut donc que les pays pauvres ne soient pas privés des technologies dont ils ont besoin pour se développer, car « le développement fait partie des droits universels de l’homme503 ». Mais le développement, pour être authentique, doit promouvoir tout l’homme et tous les hommes et ne doit pas correspondre à la seule croissance économique.

Selon Jean-Paul II, nous sommes tous responsables les uns envers les autres. Il faut subordonner la possession et la domination des choses créées à la ressemblance qu’a l’homme de Dieu. La communauté internationale a donc son rôle à jouer dans une meilleure gestion des ressources : elle doit continuer sa promotion des accords internationaux concernant la production, le commerce et le traitement de substances dangereuses.

501 JEAN-PAUL II, « Libérez la science de la violence des riches et des puissants », (12 novembre 1983), DC, 18

décembre 1983, no. 1864, p. 1135. Allocution à l’Assemblée plénière de l’Académie pontificale des sciences.

502 JEAN-PAUL II, « Vers une solidarité internationale face aux risques chimiques », (22 octobre 1993), DC, 6

février 1994, no. 2087, p. 108-110. Discours à un groupe de travail organisé par l’Académie pontificale des sciences et l’Académie royale suédoise des sciences.

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Pour le pape, il ne suffit pas à la famille humaine de seulement cultiver une conscience de la relation d’interdépendance qu’entretiennent les êtres humains entre eux ; il faut également voir qu’il existe une interdépendance des écosystèmes et que la survie de l’être humain dépend de l’équilibre de ces systèmes.