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Section II. La reconnaissance du groupe de sociétés comme cadre d’appréciation des difficultés économiques.

A. Affirmation de la notion de secteur d’activité : l’apport des arrêts du 5 avril 1995.

2. La sauvegarde de la compétitivité du secteur d’activité du groupe, une cause économique justifiant le licenciement.

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. La chambre sociale de la Cour de cassation a reconnu qu’en l’absence de difficultés économiques ou de mutations technologiques, une réorganisation opérée par une entreprise pour sauvegarder sa compétitivité pouvait justifier de recourir à des licenciements économiques.661 Néanmoins, ces licenciements peuvent-ils être autorisés, lorsque la réorganisation est décidée non pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise employeur qui licencie mais pour celle du groupe auquel appartient cette entreprise ?

La chambre sociale de la Cour de cassation a choisi le concept de secteur d’activité pour répondre à cette interrogation. Ainsi, la réorganisation d’une entreprise peut justifier la suppression de l’emploi, la transformation de celui-ci, ou la modification du contrat du travail, lorsqu’elle est décidée pour sauvegarder la compétitivité du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient. Selon cette orientation jurisprudentielle, des licenciements peuvent être qualifiés d’économiques lorsqu’ils sont effectués par une entreprise pour sauvegarder, non seulement sa compétitivité662, mais également celle du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient663.

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. La haute juridiction a consacré initialement cette solution jurisprudentielle dans l’arrêt rendu le 5 avril 1995, en décidant que « lorsqu’elle n’est pas liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, une réorganisation ne peut constituer un motif économique que si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité du secteur

660 CE, 16 décembre 2009, n° 315401, Inédit au recueil Lebon. 661 Cass. soc., 2 octobre 1997, note de M. C-Haller, op. cit., p. 10 662 Ibid.

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d’activité. »664 Dans cet esprit, cette solution a été confirmée par plusieurs arrêts, dont celui rendu le 11 janvier 2006 par la Cour de cassation, qui arrêtait : « La réorganisation de l’entreprise constitue un motif économique de licenciement si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient. »665

Pour que le licenciement décidé puisse être qualifié d’économique, la haute juridiction exige l’existence d’une menace réelle sur l’activité du secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise qui licencie. En ce sens, la Cour de cassation a précisé, dans un arrêt rendu le 12 avril 2012, que les juges du fond étaient tenus de vérifier si le secteur d’activité du groupe subissait une menace réelle sur sa compétitivité, rendant nécessaire des suppressions d’emploi, ou une modification des contrats de travail666.

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. En s’inscrivant dans la même ligne, la jurisprudence administrative retient que la réorganisation d’une entreprise destinée à sauvegarder la compétitivité du secteur d’activité du groupe auquel l’entreprise est rattachée, constitue une cause économique pour licencier des salariés protégés. Cependant, cette jurisprudence précise que l’autorité administrative compétente pour autoriser ce licenciement est tenue de faire porter son examen sur la situation économique de l’ensemble des sociétés du groupe œuvrant dans le même secteur d’activité que la société en cause. Un tel examen permet à l’autorité administrative de s’assurer que

664 Cass. soc., 5 avril 1995, société Thomson Tubes et Displays c/ M. Steenhoute et autres, Bull. civ., V, n° 123,

RJS, 1995, n° 497 ; J. Savatier, note « Délocalisations d’activités et cause réelle et sérieuse de licenciement »,

Dr. soc., n° 7/8, 1993, p. 646. Pour sauvegarder sa compétitivité, la société Thomson Tubes et displays qui appartient au groupe Thomson, et qui se consacre à l’étude, la fabrication et la commercialisation de tubes- images, avait fermé l’établissement de Lyon, dont une partie des activités a été rattachée à l’établissement de Genlis en France, tandis que l’autre a été transférée au Brésil. À la suite de cette décision, prise conformément aux directives du groupe Thomson, des licenciements ont été décidés à l’égard des salariés qui refusaient leur mutation à l’établissement de Genlis. La cour d’appel avait jugé que les licenciements décidés ne reposaient pas sur une cause réelle et sérieuse, et à ce titre elle a alloué aux salariés licenciés des dommages et intérêts. Pour justifier cette décision, elle a considéré que, d’une part, la réorganisation qui a causé les licenciements a été adoptée dans l’intérêt du groupe Thomson et non dans l’intérêt de la société Thomson Tubes et displays. D’autre part, en constatant que l’activité de l’établissement de Lyon est loin d’avoir cessé, elle a relevé que les emplois des salariés licenciés n’ont pas été supprimés mais transférés vers le site de Genlis et de Bello Horizonte au Brésil. La Cour de cassation, contrairement au raisonnement de la cour d’appel, a qualifié ces licenciements d’économiques. La haute juridiction a estimé que les emplois avaient été bien supprimés et non transférés, en considérant que l’exercice de l’activité sur d’autres sites, notamment à l’étranger s’effectuait dans un milieu différent.

665 Cass. soc., 11 janvier 2006, D., 2006, n° 15, p. 1013, note J. Pélissier.

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Cass. soc., 12 avril 2012, n° 11-10471. Dans cette affaire, la Cour de cassation a annulé un arrêt rendu par la cour d’appel de Paris qui qualifiait des licenciements d’économiques sans avoir vérifié si le secteur d’activité (assurance) du groupe dont relevait la société employeur (Generali proximité assurances GPA) subissait une menace sur sa compétitivité.

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cette autorisation est bien nécessaire pour sauvegarder la compétitivité du secteur d’activité du groupe dont relève la société employeur (demanderesse de l’autorisation).

À ce propos, dans un arrêt rendu le 17 octobre 2011, la Cour administrative d’appel de Marseille a considéré comme illégale une décision de l’inspectrice du travail autorisant, à la demande de la société Nestlé France, la fermeture d’un établissement (spécialisé dans la production de café et de chocolat) et le licenciement de salariés, dont des salariés protégés, sans établir l’existence d’une menace sérieuse sur la compétitivité du secteur d’activité du groupe auquel appartient cet établissement667.

B. L’élargissement du périmètre du secteur d’activité aux entreprises

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