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§I Incapacité des négociateurs sociaux au niveau du groupe de sociétés de déroger aux normes sociales d’origine légale ou réglementaire dans un sens

II. Une dérogation exclue lorsque les salariés se voient accorder des droits moins favorables par les conventions et les accords de groupe.

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. La dérogation dans un sens moins favorable aux salariés « tend à évincer le principe de faveur en diminuant ou en remettant en cause les avantages des salariés565. » Cette technique permet à une convention ou à un accord collectif de diminuer les droits des salariés garantis

562 J. Pélissier, G. Auzero, É. Dockès, op. cit., p. 1300.

563 L’article L.3231-3 du Code du travail prévoit clairement cette interdiction. 564 J. Pélissier, G. Auzero, É. Dockès, op. cit., p. 1300.

565 P. Morvan, « Conventions et accords dérogatoires après la loi du 4 mai 2004, de la théorie des flaques

d’eau », p. 40, in Le nouveau droit de la négociation collective (la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004), Panthéon- Assas 2004.

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par les textes étatiques566, et à un accord collectif de niveau inférieur d’amoindrir les intérêts des salariés protégés par un accord de niveau supérieur. Dans ce cas, la dérogation ne permet pas d’améliorer les conditions des salariés567.

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. Admis depuis l’ordonnance du 16 janvier 1982 et la loi du 13 novembre 1982568, le champ des accords dérogatoires aux textes étatiques, dans un sens défavorable aux salariés, se voit élargir avec l’adoption de la loi du 4 mai 2004. Sans remettre en cause l’existence du principe de l’ordre public social, l’article 43 de cette loi permet aux conventions et accords collectifs d’entreprise et d’établissement de fixer les modalités d’application d’une norme légale ou d’y déroger.

Cette possibilité, réservée auparavant aux conventions et accords de branche, part du constat que les conventions et accords d’entreprise constituent des « contrats de proximité »569 ; à ce niveau, les négociateurs sociaux ont donc la liberté d’élaborer des normes sociales qui s’adaptent à la réalité de l’entreprise. Le facteur lié à la compétitivité de l’entreprise constitue à son tour une raison essentielle qui permet aux négociateurs sociaux, au niveau de l’entreprise, de diminuer les droits des salariés, droits pourtant garantis par les règles d’origine étatique570.

Dans le cadre de la loi du 4 mai 2004, les négociateurs sociaux au niveau de l’entreprise peuvent élaborer des règles, dans certains domaines, sans qu’il soit nécessaire de vérifier si ces dernières garantissent des droits plus ou moins favorables aux salariés, par rapport à celles posées par les textes étatiques. Ces domaines concernent essentiellement les salaires, la durée du travail et l’emploi précaire571.

Au sujet des salaires, la loi du 4 mai 2004 a permis, par exemple, aux négociateurs sociaux au niveau de l’entreprise de fixer le taux de majoration de salaire que comporte l’exécution d’heures supplémentaires572. À propos de la durée du travail, les partenaires

566 J. Pélissier, G. Auzero, É. Dockès, op. cit., p. 1303.

567 F. Bocquillon, « Loi susceptible de dérogation et loi supplétive : Les enjeux de la distinction en droit du

travail », D., 2005, chr., p. 803.

568 F. Petit, op. cit., p. 391.

569 Rapp. J.-P. Anciaux, rapport Ass. nat., n° 1273, décembre 2003, p. 178. 570 J. Pélissier, G. Auzero, É. Dockès, op. cit., p. 1303.

571 Ibid, p. 1359.

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sociaux de l’entreprise peuvent augmenter la durée quotidienne ou hebdomadaire de travail du travailleur de nuit573, diminuer la durée de repos quotidien574, etc.

Quant à la dérogation en matière d’emploi précaire, la fixation de la période d’essai incluse dans le contrat de travail temporaire constitue une illustration de ce mouvement, puisque les négociateurs sociaux au niveau de l’entreprise peuvent librement déterminer cette période575. Les accords d’entreprise peuvent encore, au vu de l’article L.1243-9 du Code du travail, réduire le montant de l’indemnité de précarité d’emploi à verser au titulaire d’un contrat de travail à durée déterminée, à hauteur de 6 % de la rémunération totale brute576.

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. Concernant les conventions et les accords conclus au niveau du groupe de sociétés, la question se pose de savoir si ces accords peuvent, à l’instar des accords d’entreprise, déroger, dans un sens défavorable aux salariés, aux règles d’origine étatique relatives aux salaires, à la durée du travail et à l’emploi précaire. À cet égard, l’article L.2232-33 du Code du travail constitue une source d’ambiguïté, puisqu’il énonce que l’accord de groupe produit les mêmes effets que l’accord d’entreprise ; ce qui nous conduit à nous demander si cela signifie que le premier accord peut créer des normes sociales, à l’instar du second accord qui accorde des droits moins avantageux aux salariés, par rapport aux règles imposées par les lois et règlements.

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. Nous considérons, suivant la doctrine traitant cette question577, qu’en l’absence d’une autorisation explicite des textes juridiques, les négociateurs sociaux au niveau du groupe de sociétés ne peuvent pas transgresser les dispositions du Code du travail dans un sens défavorable aux salariés. En effet, la dérogation dans ce sens exige l’existence d’une permission explicitement posée par une disposition juridique, alors que l’on constate que les textes juridiques acceptant cette dérogation ignorent les accords collectifs de groupe et visent seulement les accords de branche, d’entreprise et d’établissement.

573 L.3122-34 du Code du travail. 574 L.3131-2 du Code du travail.

575 L.1251-14 du Code du travail. À propos de cette question, les lois et les règlements deviennent des règles

supplétives à l’égard des règles énoncées par les accords d’entreprise. En effet, l’intervention du législateur devient supplétive, car cette intervention ne trouve application qu’à défaut d’accord collectif conclu au niveau de l’entreprise.

576 Au lieu de 10 % fixé par l’article L.1243-8 du Code du travail. Cette possibilité est accordée aux négociateurs

sociaux au niveau de l’entreprise, à partir du moment où des contreparties sont offertes aux salariés concernés, notamment « sous la forme d’un accès privilégié à la formation professionnelle. »

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À titre d’illustration, l’article L.1243-9 du Code du travail ne permet pas aux négociateurs sociaux au niveau du groupe de sociétés de fixer le montant de l’indemnité de fin de contrat de travail à durée déterminée, à hauteur de 6 %, au lieu de 10 %, de la rémunération totale brute versée au salarié concerné. Cette possibilité, en vertu de l’article précité, n’est accordée qu’aux négociateurs sociaux au niveau de la branche, de l’entreprise et l’établissement.

Dés lors, nous estimons qu’en l’absence d’une autorisation clairement exprimée par un texte juridique, les négociateurs sociaux au niveau du groupe de sociétés ne peuvent s’appuyer sur l’article L.2232-33 du Code du travail pour adopter, à l’égal des accords d’entreprise, des normes dérogeant dans un sens défavorable aux salariés à celles décidées par le législateur ou l’État.

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. Exceptionnellement, la dérogation aux normes sociales d’origine étatique permise aux accords de groupe concerne les modalités d’information et de consultation du comité d’entreprise, lorsque l’employeur décide de licencier pour motif économique au moins dix salariés, sur une même période de trente jours. L’article L1233-21 du Code du travail578 accorde explicitement aux négociateurs sociaux au niveau du groupe de sociétés la faculté, à l’égal des négociateurs sociaux au niveau de la branche et de l’entreprise, de déterminer ces modalités.

En cette matière, les accords de groupe se présentent comme des accords de méthode579, puisqu’ils se chargent eux même de réglementer la procédure relative à l’information et à la consultation du comité d’entreprise dans les licenciements collectifs. À titre d’exemple, les négociateurs sociaux au niveau du groupe peuvent fixer un nombre de réunions des comités d’entreprise – comités d’entreprise installés à l’intérieur du groupe – différent de celui prévu par la loi580.

§II. L’incapacité des négociateurs sociaux au niveau du groupe de sociétés

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