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Section I. Les obstacles structurels à la reconnaissance de la qualité d’employeur à un groupe de sociétés.

A. L’obstacle formel relatif au contrat de travail.

79.

Le contrat de travail a pour fonction d’encadrer les rapports de travail entre les parties.154 Ce n’est cependant pas la seule fonction du contrat de travail,155 car ce dernier permet également de déterminer préalablement les parties contractantes que sont l’employeur et le salarié.

Identifier les deux parties cocontractantes156 découle de la conclusion du contrat de travail.157 Concernant le salarié qui s’engage à fournir une prestation, le contrat de travail l’identifie au niveau personnel158 et professionnel159. Le contrat de travail constitue également la source essentielle à laquelle il faut se référer pour identifier l’employeur contractant du salarié.160 Si l’employeur est une personne physique exerçant elle-même les prérogatives patronales, le contrat de travail fait apparaître les informations personnelles et professionnelles concernant cette personne.161 De même, si l’employeur est une personne morale (société, syndicat, association, etc.), le contrat de travail mentionne les données essentielles relatives à cette personne.162

80.

Concernant la place d’un groupe de sociétés dans le contrat de travail, la question est de savoir si ce contrat doit identifier les sociétés composant le groupe auquel est rattaché l’employeur contractant. Plus précisément, lors de la conclusion du contrat de travail, la société cocontractante du salarié doit-elle identifier les sociétés du groupe dont elle relève ?

154 G.-H. Camerlynck, op. cit., p. 22 ; G. Couturier, op. cit., p. 92.

155 Encadrement qui respecte la notion d’ordre public social, caractéristique du droit du travail français. 156 J. Pélissier, G. Auzero, E. Dockès, Droit du travail, Dalloz, 2012, p. 691.

157 G.-H.Camerlynck, op. cit., p. 85.

158 Le contrat de travail fait apparaître son nom ; son prénom ; son numéro de sécurité sociale, etc.

159 L’identification professionnelle porte sur le poste occupé par le salarié et les attributions qui en découlent ;

sur le montant de la rémunération ; la durée du travail hebdomadaire, etc.

160 N. Catala, L’entreprise, Dalloz, 1980, p. 46.

161 Appartiennent à cette catégorie d’employeur : les employeurs de personnel domestique, les employeurs

exerçant une profession libérale, les petits commerçants, etc.

162 À titre d’exemple, si l’employeur est une société commerciale, le contrat de travail précise le statut juridique

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Une réponse affirmative pourrait conduire à dire que la qualité d’employeur pourrait être reconnue – ou étendue – à ces sociétés, et non à la seule société contractante du salarié.

En réponse à cette interrogation, le Code du travail français ne prévoit aucune disposition imposant d’identifier, dans le contrat de travail ou dans les actes qui l’accompagnent, les sociétés du groupe auquel appartient la société contractante. À l’occasion, par exemple, de la déclaration préalable d’embauche effectuée par l’employeur,163 l’article R.1221-1 du Code du travail164 exige uniquement l’identification personnelle de ce dernier,165 sans imposer d’identifier les sociétés composant le groupe auquel appartient l’employeur.

Dans le même esprit, la directive européenne du 14 octobre 1991166 précise que le contrat de travail doit déterminer uniquement l’identité des parties contractantes que sont le salarié et l’employeur, et ne prévoit aucune disposition obligeant les parties, et notamment l’employeur, à mentionner des informations concernant les sociétés du groupe dont il relève.167 L’ignorance de l’identité des sociétés du groupe dans le contrat de travail signifie que ces sociétés conservent les unes à l’égard des autres la qualité de tiers. Plus précisément, cette absence confirme que ces sociétés n’ont pas, les unes à l’égard des salariés des autres, la qualité d’employeur.

81.

Toutefois, nous estimons qu’identifier dans le contrat de travail les sociétés constitutives d’un groupe, et particulièrement la société mère, constituerait à l’heure actuelle une mesure utile. Une telle identification permettrait aux salariés et aux juges d’avoir une idée de la famille économique à laquelle appartient la société employeur. C’est la société mère, dans la majorité des cas, en sa qualité de centre de décision du groupe168, qui contrôle

163 Crée par la loi du 31 décembre 1991, cette déclaration impose aux employeurs de déclarer préalablement

toute embauche. Elle constitue l’un des mécanismes du dispositif mis en place en vue de la lutte contre le travail clandestin. La déclaration préalable d’embauche permet aux services de contrôle de connaître avec exactitude la date d’embauche des salariés. M. Bancarel, « La lutte contre le travail clandestin et la généralisation de la déclaration préalable à l’embauche », Dr. soc., 1994, p. 534.

164 Article issu du décret n° 93-755 du 29 mars 1993 relatif à la déclaration préalable à l’embauche.

165 Selon cet article, l’employeur doit mentionner dans la déclaration préalable d’embauche son nom et prénom

s’il est une personne physique, ou sa dénomination sociale s’il est une personne morale.

166 Directive du Conseil n° 91-533 du 14 octobre 199, (JOCE du 18 octobre 1991) relative à l’obligation de

l’employeur d’informer le travailleur des conditions applicables au contrat ou à la relation de travail.

167 Art. 2 de la directive.

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économiquement la société employeur et qui assure réellement la gestion sociale des salariés de cette dernière.

Bien qu’elle ne soit pas partie au contrat de travail, c’est la société mère du groupe qui exerce le vrai pouvoir économique et social sur les salariés intéressés et non la société cocontractante de ces derniers, car cette dernière n’occupe en réalité qu’une place « secondaire »169, voire « insignifiante ».170

B. L’obstacle substantiel relatif au critère de la subordination juridique.

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