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Une dérogation admise lorsque les salariés se voient accorder des droits plus favorables par les conventions et les accords de groupe de sociétés.

§I Incapacité des négociateurs sociaux au niveau du groupe de sociétés de déroger aux normes sociales d’origine légale ou réglementaire dans un sens

I. Une dérogation admise lorsque les salariés se voient accorder des droits plus favorables par les conventions et les accords de groupe de sociétés.

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. En droit du travail français, les sources étatiques (lois et règlements) et les sources conventionnelles (conventions et accords collectifs) sont toutes les deux habilitées à créer des normes pour encadrer les rapports de travail. Concernant les sources étatiques, cette habilitation se fonde sur l’article 34 de la Constitution qui accorde au législateur le droit de déterminer les principes généraux du droit du travail, du droit syndical et de la Sécurité sociale.

Quant aux sources conventionnelles, c’est l’article L.2221-1 du Code du travail551, en s‘appuyant sur l’alinéa 8 du Préambule de la Constitution, qui institue cette habilitation, en conférant explicitement aux partenaires sociaux le droit de définir les normes applicables à leurs relations de travail552. Les partenaires sociaux peuvent, en vertu de cette autorisation, produire des normes – ou des règles – pour encadrer les conditions de travail et les garanties sociales (durée du travail, salaires, retraite, indemnisation du chômage, formation professionnelle, etc.). Cette autorisation permet aux acteurs sociaux d’exercer un pouvoir dans un domaine qui était auparavant le monopole du législateur553.

Toutefois, l’autorisation accordée aux partenaires sociaux de créer des normes sociales soulève une difficulté de coexistence entre les normes crées par ces derniers et les normes posées par les lois et les règlements. Une telle difficulté nous amène à nous interroger sur l’articulation entre ces deux sources du droit du travail. En d’autres termes, les normes sociales conçues par les partenaires sociaux peuvent-elles primer sur celles posées par le législateur ?

Les conventions et les accords de groupe sont concernés par ces questions, puisqu’ils constituent des normes sociales conventionnelles. La même question se pose donc concernant leur articulation avec les normes d’origine étatique : comment ces normes coexistent-elles avec celles d’origine étatique ?

551 Article issu de la loi n° 71-561 du 13 juillet 1971.

552M.-L. Morin, op.cit, p. 1.

553 G. Borenfreund, M.-A. Souriac, « Les rapports de la loi et de la convention collective : une mise en

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. L’articulation entre les normes conventionnelles et les normes d’origine étatique se conçoit en vertu du principe de l’ordre public social. Ce principe permet de ne pas appliquer les règles énoncées par les lois et les règlements, au profit de celles prévues par les conventions et les accords collectifs, lorsque ces derniers offrent aux salariés des droits plus favorables554.

Consacré légalement par l’article L.2251-1 du Code du travail555, le principe de l’ordre public social admet la primauté des normes conventionnelles sur celles énoncées par les lois et les règlements lorsqu’elles assurent des droits plus avantageux aux salariés556. Selon cette conception, les normes conventionnelles peuvent déroger aux normes d’origine étatique, tant qu’elles contribuent à l’amélioration et la promotion des droits sociaux des salariés557. Les dispositions législatives et réglementaires ne constituent donc que des normes minimales susceptibles d’être écartées par les conventions et les accords collectifs lorsque ceux-ci garantissent des droits plus intéressants aux salariés558.

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. Néanmoins, le principe de l’ordre public social ne s’applique pas d’une façon systématique car certaines normes sociales d’origine étatique s’imposent de manière absolue, et ne permettant donc pas que des conventions et des accords collectifs y dérogent. Autrement dit, ces normes d’origine étatique ne peuvent pas être écartées par des normes conventionnelles, même si ces dernières accordent des droits plus avantageux aux salariés559.

Cette incapacité des conventions et des accords collectifs à déroger à certains textes d’origine étatique est explicitement consacrée par le deuxième alinéa de l’article L.2251-1 du Code du travail560, texte pris à son tour en application de l’article 6 du Code civil561. Par conséquent, quelles sont les dispositions en droit du travail ayant un caractère d’ordre public absolu ?

554 L’apparition de l’ordre public social trouve son origine dans la loi du 24 juin 1936, mais, en doctrine, cette

apparition ne date que de la fin des années 1950. F. Gaudu, « L’ordre public en droit du travail », in Études

offertes à J. Ghestin, LGDJ, 2001.

555 Cet article précise qu’« une convention ou un accord peut comporter des stipulations plus favorables aux

salariés que les dispositions légales en vigueur. »

556 F. Petit, op. cit., p. 391 ; M.-L. Morin, op.cit, p. 236. 557 J. Pélissier, G. Auzero, É. Dockès, op.cit, p. 1299. 558 G. Borenfreund et M.-A. Souriac, op.cit, p. 73. 559 F. Petit, op. cit., p. 391.

560 Le deuxième alinéa de l’article L.2251-1 du Code du travail énonce clairement qu’une convention et un

accord collectif ne peuvent « déroger aux dispositions qui revêtent un caractère d’ordre public. »

561 L’article 6 du Code du civil prévoit qu’« on peut déroger par des conventions particulières aux lois qui

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Faute d’autres sources, le Conseil d’État, dans un avis rendu le 22 mars 1973, a essayé de préciser les thèmes ayant un caractère d’ordre public absolu en droit du travail562. Dans cet avis, la haute juridiction administrative considère que les textes d’origine étatique s’appliquent de manière absolue lorsqu’ils « débordent le domaine du droit du travail. » En ce sens, elle a jugé nulles les clauses d’indexation des salaires, prévues par une convention ou un accord collectif, sur un indice général extérieur à la relation de travail (ex : le SMIC ou les prix)563.

Le Conseil d’État a également accordé un caractère d’ordre public absolu aux règles intéressant « des avantages ou garanties échappant, par leur nature, aux rapports conventionnels. » Le Conseil d’État a précisé qu’une convention ou un accord collectif ne pouvait pas modifier la compétence des agents publics et des juridictions, et ne pouvait pas non plus, en application du principe de légalité des infractions et des peines, créer de nouvelles incriminations pénales564.

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. Le rapport entre les normes sociales élaborées au niveau du groupe de sociétés et celles d’origine étatique est régi suivant les principes susmentionnés, à savoir le principe de l’ordre public social et le principe de l’ordre public absolu. Les conventions et les accords de groupe peuvent, en vertu de l’article L.2251-1 du Code du travail, déroger aux textes étatiques lorsqu’ils garantissent des droits plus favorables aux salariés. En revanche, cette dérogation n’est pas admise, même si ces conventions et accords octroient des droits plus avantageux aux salariés, lorsque les normes d’origine étatique ont un caractère d’ordre public absolu.

II. Une dérogation exclue lorsque les salariés se voient accorder des droits

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