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Section II. La reconnaissance du groupe de sociétés comme cadre d’appréciation des difficultés économiques.

B. L’élargissement du périmètre du secteur d’activité aux entreprises situées à l’étranger.

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. L’attitude consistant à limiter l’appréciation de la cause alléguée à l’appui d’un licenciement économique au niveau national est écartée. Aujourd’hui, les juges prennent en considération toutes les entreprises du secteur d’activité du groupe dont relève l’entreprise qui licencie, y compris celles qui sont établies à l’étranger, pour examiner le caractère réel et sérieux du motif de licenciement.

Cette prise en considération des entreprises situées à l’étranger dans le périmètre du secteur d’activité a été affirmée par la chambre sociale de la Cour de cassation et par le Conseil d’État. En ce qui concerne la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 23 juin 2009, a jugé que : « la spécialisation d’une entreprise dans le groupe ou son implantation dans un pays différent de ceux où sont situées les autres sociétés du groupe, ne suffit pas à exclure son rattachement à un même secteur d’activité, au sein duquel doivent être appréciées les difficultés économiques. » 668

667 Cour administrative d’appel de Marseille, 17 octobre 2011, PA, 24 janvier 2012, n° 17, p. 13, conclusions du

rapporteur public.

668 Cass. soc., 23 juin 2009, JCP, E, 19 novembre 2009, n° 47, p. 47, note A-B. Voloir et F. Aknin. Le salarié M.

Jarry qui travaillait en tant que directeur chargé des matières plastiques et caoutchouc a été licencié pour motif économique par la société Calcic spécialités. Cette société qui exerçait son activité dans la distribution des produits chimiques sur le territoire français, appartenait à un groupe européen. Qualifiant le licenciement d’économique, la cour d’appel avait limité l’appréciation des difficultés économiques au niveau de la société Calcic, sans prendre en considération les autres entreprises du groupe situées dans huit pays européens. Pour justifier cette décision, la cour d’appel a relevé que les entreprises étrangères ne relevaient pas du même secteur d’activité que le groupe auquel appartenait la société Calcic, en raison de leur présence en dehors du territoire français. En cassant ce jugement, la Cour de cassation a décidé que l’appréciation des difficultés économiques

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. Impliquer des entreprises situées à l’étranger dans le périmètre du secteur d’activité met deux obligations à la charge de l’entreprise employeur qui veut justifier la suppression de l’emploi, la transformation de celle-ci, ou la modification du contrat du travail. Premièrement, cette entreprise doit identifier les entreprises situées sur le territoire français et celles qui sont situées à l’étranger et qui appartiennent au même secteur d’activité que le groupe auquel elle appartient. Deuxièmement, elle doit établir au moyen de preuves concrètes qu’elle rencontre des difficultés économiques, au même titre que les autres entreprises. Dans le cas contraire, c’est-à-dire lorsque l’entreprise employeur ne satisfaisait pas à ces deux exigences, le licenciement économique décidé serait dépourvu de cause économique.

Dans cet esprit, la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 4 mars 2009, a approuvé le raisonnement de la cour d’appel considérant des licenciements comme dépourvus de cause réelle et sérieuse, au motif que la société employeur avait prétendu qu’elle rencontrait des difficultés économiques au même titre que les sociétés du même secteur situées sur le territoire français, mais sans présenter d’informations sur la situation économique et financière des sociétés du même secteur installées à l’étranger669.

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. Concernant la sauvegarde de la compétitivité du secteur d’activité, la jurisprudence sociale permet à une entreprise de procéder à des licenciements économiques pour sauvegarder sa compétitivité ou celle du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient670. Toutefois, lorsque cette entreprise appartient à un groupe de dimension internationale, la question qui se pose est de savoir quel est le niveau géographique auquel les juges apprécient le caractère sérieux de la sauvegarde de la compétitivité du secteur d’activité allégué : est-ce au niveau national ou international ?

devait prendre en compte toutes les entreprises du secteur d’activité du groupe dont relevait la société Calcic, même celles établies à l’étranger.

669 Cass. soc., 4 mars 2009, RJS, 5/2009, n° 418. En raison de difficultés économiques, la société Bosni a licencié

plusieurs salariés. Cette société, qui appartenait au groupe Wolseley, exerçait son activité dans le domaine du négoce de bois et de matériaux de construction. Selon la cour d’appel, ces licenciements ne reposaient pas sur une cause économique, parce qu’elle a constaté que la société Bosni avait délimité l’appréciation des difficultés économiques invoquées pour la justification desdits licenciements aux sociétés situées sur le territoire français, sans avoir pris en considération la situation économique des sociétés du même secteur établies à l’étranger. En effet, la cour d’appel a remarqué que la société Bosni n’avait pas présenté d’éléments sur la situation économique et financière du secteur de négoce de bois et matériaux de construction qui connaissait une progression avec d’importantes filiales aux États-Unis et en Angleterre. Le raisonnement adopté par la cour d’appel a été confirmé par la Cour de cassation.

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Dans un arrêt rendu le 10 décembre 2003, la haute juridiction a précisé que l’appréciation du caractère réel et sérieux de la sauvegarde de la compétitivité devait se faire au niveau du secteur d’activité du groupe dont relève l’entreprise qui licencie, sans limite géographique671. Dans cet arrêt, la Cour de cassation a confirmé la position de la cour d’appel qui refusait de reconnaître le caractère économique des licenciements décidés par l’employeur (la société Bostitch Simax), au motif que ce dernier « ne justifiait pas que la compétitivité du secteur d’activité du groupe auquel il appartenait était menacée. »672 La haute juridiction a constaté que l’entreprise employeur (Bostitch Simax) s’était limitée au seul secteur d’activité européen pour justifier les licenciements décidés, alors qu’elle aurait dû présenter des informations sur la situation de l’ensemble du secteur d’activité du groupe dont elle relève673.

La solution exprimée par cet arrêt met, pour sauvegarder la compétitivité du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient, une obligation de présenter des données précises sur la situation de l’ensemble des entreprises composant ce secteur, y compris celles situées à l’étranger, à la charge de l’entreprise qui envisage de procéder à des licenciements économiques.

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. Le conseil d’État a aligné sa position sur celle prise par la chambre sociale de la Cour de cassation concernant l’élargissement du périmètre du secteur d’activité aux entreprises situées à l’étranger. La haute juridiction administrative affirme que l’ensemble des sociétés du secteur d’activité du groupe dont relève la société employeur, y compris celles installées à l’étranger, doivent être prises en considération pour apprécier le caractère réel et sérieux des difficultés économiques invoquées pour la suppression de l’emploi d’un salarié protégé, la transformation de celui-ci, ou la modification de son contrat du travail.

Cette position a été prise par le Conseil d’État dans un arrêt rendu le 8 juillet 2002, qui estime que : « pour apprécier la réalité des motifs économiques allégués à l’appui d’une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé présentée par une société qui fait partie d’un groupe, l’autorité administrative ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de l’entreprise demanderesse mais est tenue, dans le cas où la société intéressée relève d’un groupe dont la société mère a son siège à l’étranger, de faire porter son examen

671 Cass. soc., 10 décembre 2003, Sté Bostitch Simax Groupe Stanley Tools c/Breinlen, RJS 2/2004, n° 187. 672 Ibid.

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