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. Le comité de groupe a été conçu pour atteindre deux objectifs essentiels, à savoir le positionnement des salariés dans les lieux où s’exerce le pouvoir économique (I) et l’adaptation du droit de la représentation du personnel à la réalité économique que représente le groupe de sociétés (II).

I. Positionnement des salariés dans les lieux où s’exerce le véritable pouvoir

économique : la recommandation du rapport de la commission Sudreau

relatif à la réforme de l’entreprise.

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. La création des institutions représentatives du personnel spécifiques aux groupes de sociétés avait pour objectif la présence des salariés, à travers leurs représentants, dans les lieux où s’exerce le pouvoir économique dans le système capitaliste. Le groupe de sociétés, et plus précisément la société dominante de ce groupe, constitue le siège du pouvoir économique où sont prises les décisions décisives et stratégiques concernant les sociétés dominées qui le composent. Il fallait donc admettre à ce niveau les représentants des salariés de ces sociétés pour qu’ils expriment leurs points de vue465.

En effet, les mesures capitales relatives à la politique d’investissement, aux restructurations et à l’emploi sont décidées par la société dominante du groupe et non par les

464 Ibid.

465 G. Couturier, « La représentation du personnel dans les groupes de sociétés », in Les salariés et les associés

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sociétés employeurs, qui n’occupent dans ces domaines qu’une place secondaire466. Ce constat a été clairement énoncé dans le rapport du comité présidé par Pierre Sudreau relatif à la réforme de l’entreprise, qui remarque que le fonctionnement des sociétés rattachées aux groupes de sociétés dépend des orientations desdits groupes467.

Dans le même esprit, ce rapport a constaté que les comités d’entreprise établis au sein des sociétés appartenant au groupe ne pouvaient pas dialoguer avec le vrai détenteur du pouvoir au sein de cette structure économique. Et il a, de ce fait, jugé que la création d’institutions représentatives du personnel, capables d’assurer une mission de dialogue à ce niveau, était nécessaire468.

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. Le rapport de la commission Sudreau a recommandé l’instauration d’un comité de groupe qui permette à ses membres d’obtenir des informations relatives à la marche générale du groupe et des sociétés qui le composent, ainsi que donner leur avis sur l’organisation et le fonctionnement du groupe469. À travers ce comité, les salariés peuvent négocier et exprimer directement leurs préoccupations aux véritables détenteurs du pouvoir, et peuvent engager en ce sens des actions collectives470.

Cette recommandation exprimée dans le rapport de la commission Sudreau, et souhaitée également par les organisations syndicales, a été prise en compte par les lois Auroux de 1982, et plus précisément par la loi du 28 octobre 1982 relative au développement des institutions représentatives du personnel qui crée le comité de groupe471. Quoique de manière insuffisante, la volonté d’impliquer le comité dans le fonctionnement économique et social du groupe a été prise en considération par la loi du 28 octobre 1982, dans la mesure où l’article 38 de cette loi a reconnu qu’il était nécessaire d’informer le comité de groupe dans un certain nombre de domaines472. Les dispositions prévues initialement par l’article 38 de la loi

466 J. Savatier, « Conditions de la reconnaissance d’une unité économique et sociale pour un secteur d’activité

d’un groupe de sociétés », Dr. soc., 2002, p. 715.

467 La réforme de l’entreprise, rapport du comité présidé par Pierre Sudreau, Documentation française, 1975,

p. 92.

468 Ibid., p.93. 469 Ibid., p. 94.

470 M. Cohen, « La personnalité civile du comité de groupe », Dr. soc., 1983, p. 670.

471 La loi n° 82-915 du 28 octobre 1982 relative au développement des institutions représentatives du personnel,

JORF du 29 octobre 1982.

472 L’article 38 de la loi du 28 octobre 1982 prévoit que : « le comité de groupe reçoit des informations sur

l’activité, la situation financière et l’évolution de l’emploi dans le groupe et dans chacune des entreprises qui le composent. Il reçoit communication, lorsqu’il existait, des comptes et du bilan consolidés ainsi que du rapport du commissaire aux comptes correspondant. Il est informé dans les domaines indiqués ci-dessus des perspectives économiques du groupe pour l’année à venir. »

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du 28 octobre 1982 sont maintenues dans l’actuel article L.2332-1 du Code du travail.

II. L’adaptation du droit de la représentation collective du personnel aux

nouvelles structures économiques.

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L’adaptation du droit de la représentation du personnel aux groupes de sociétés constitue une autre raison d’instaurer des institutions représentatives des salariés spécifiques à cette structure économique. L’économie capitaliste s’exerce au moyen des groupes de sociétés, et le droit du travail, plus particulièrement le droit de la représentation du personnel, doit s’adapter à cette réalité. Cette adaptation permet d’atteindre plusieurs objectifs dont deux nous paraissent essentiels.

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. Premièrement, instaurer des institutions spécifiques aux groupes de sociétés rend effectif le principe de la participation des salariés à la gestion de l’entreprise, tel qu’énoncé par le préambule de la Constitution de 1946, et réclamé par les salariés avant même cette consécration constitutionnelle.

Cette instauration constitue, également, une concrétisation de l’idée de la démocratie économique dans l’entreprise et celle de la citoyenneté dans l’entreprise ; cette double ambition est la raison d’être du droit de la représentation collective du personnel. Elle ne doit pas s’appliquer uniquement au niveau de l’entreprise classique, mais également trouver une application au niveau des nouvelles formes d’organisation économique.

Dans ce cadre, nous estimons que le comité de groupe et le comité d’entreprise européen ont été conçus pour servir cet objectif. Concernant le comité de groupe, cette institution a été créée par la loi du 28 octobre 1982 pour adapter le droit de la représentation du personnel aux groupes de sociétés opérant au niveau national. Cette adaptation part du constat que les salariés employés par des sociétés appartenant au même groupe forment en réalité une collectivité de travail unique, et la présence d’une institution représentative qui défend les intérêts de cette collectivité d’une manière homogène paraît logique.

Dans le même esprit, le comité d’entreprise européen fut institué par la directive européenne du 22 septembre 1994 pour garantir la représentation des salariés au sein des

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groupes de dimension communautaire473. Le législateur européen a créé cette institution lorsqu’il a constaté que les législations des États membres relatives à la représentation du personnel n’étaient pas adaptées aux entreprises et aux groupes de dimension communautaire, et ne pouvaient donc pas assurer aux travailleurs une information et une consultation correcte474.

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. Deuxièmement, instaurer des institutions représentatives du personnel spécifiques aux groupes de sociétés contribue à reconstituer la collectivité de travail, éclatée du fait de l’autonomie juridique des sociétés qui composent ces structures économiques. Cette instauration constitue une réaction contre les manœuvres, parfois frauduleuses, du détenteur du pouvoir réel au niveau du groupe de sociétés qui veille à affaiblir les possibilités d’expression de la collectivité de travail en divisant l’entreprise en plusieurs sociétés475. Un tel affaiblissement risque de « rendre inopérant le droit des travailleurs à la représentation collective476.

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