• Aucun résultat trouvé

Prévenir et combattre les maladies et les traumatismes

4.2 Santé mentale

Il est difficile d’indiquer avec précision l’ampleur des problèmes de santé mentale. Cela tient notamment au fait qu’il existe des problèmes d’ordre culturel lorsqu’il s’agit de définir la santé mentale ; en conséquence, il est parfois malaisé de comparer et d’interpréter les tendances observées dans différents pays. Selon les données relatives à la Région européenne dans son ensemble, la proportion de la population qui souffre de graves problèmes de santé mentale (d’après les données enregistrées et communiquées par les pays) va de moins de 1% à 6%, la plupart des pays se situant dans une fourchette allant de 1% à 3%. Selon des calculs de la Banque mondiale et de l’OMS reposant sur les AVCI, trois principaux troubles psychiatriques graves – dépression, trouble bipolaire et schizophrénie – représentaient 9,5% de la charge totale de morbidité et d’invalidité dans les économies de marché bien établies et les anciennes économies socialistes d’Europe en 1990.

Il faut également citer d’autres troubles ayant des manifestations psychologiques importantes : la maladie d’Alzheimer, d’autres démences et troubles dégénératifs touchant le système nerveux central, l’alcoolo-dépendance et la consommation de drogue, les troubles dus à l’anxiété et les troubles du sommeil.

En ce qui concerne l’absence de problèmes de santé mentale, il est difficile d’obtenir et d’interpréter des données relatives à la santé subjective. Cependant, les différences entre les pro-portions de personnes qui jugent leur santé bonne ou très bonne tendent à soutenir l’idée qu’il existe en matière de santé mentale un gradient est-ouest similaire à celui qui est observé pour d’autres causes de mortalité et de morbidité.

Le suicide est une cause fréquente de décès chez les adolescents et les jeunes adultes ; il est à l’origine d’une proportion de décès qui peut aller jusqu’à 15% parmi les personnes âgées de 15 à 24 ans. Il est souvent lié à la consommation d’alcool ou de drogue. Il progresse parmi les personnes âgées, en particulier dans les nouveaux États indépendants et parmi les hommes âgés de 85 ans et plus. L’évolution des taux de suicide moyens dans les nouveaux États indépendants au cours des années 80 et jusqu’au milieu des années 90 se présente sous la forme d’une courbe en U, qui résulte de l’amélioration temporaire due à la campagne contre la consommation d’alcool qui a eu lieu en 1985, de la fin de cette campagne et de l’influence de la transition socioéconomique récente.

Depuis la fin des années 80, les tendances en matière de taux de suicide sont à la baisse dans 26 pays (45,7% de la population), dont 9 pays où les tendances à la hausse s’étaient inversées depuis

1980 ; dans 17 pays (44,8% de la population), les taux de suicide augmentent. Pour 8 pays, on ne dispose pas de données.

Les données disponibles montrent que le suicide est fortement lié à la dépression, et que le fait que la dépression n’est pas assez diagnostiquée et traitée constitue un important facteur de taux de sui-cide élevé. Les patients suicidaires et déprimés sont principalement en contact avec des généra-listes, mais ce n’est que dans une minorité de cas que leur état fait l’objet d’un diagnostic et d’un traitement appropriés.

Les facteurs de risque pour les problèmes de santé mentale progressent. Il s’agit notamment du chômage et de la pauvreté ; de l’immigration ; des bouleversements politiques ; de l’augmentation des tensions entre groupes ethniques et autres (en particulier dans les grandes villes) ; de l’aggravation du problème des sans-abri ; de la progression des diverses toxicomanies ; de la soli-tude et de la détérioration des réseaux sociaux ; des bouleversements et des problèmes socio-économiques.

Il y a des différences importantes dans les doctrines dominantes relatives aux soins psychiatriques entre les pays d’Europe occidentale et orientale. De nombreux pays d’Europe occidentale se sont efforcés de réduire le nombre de lits d’hôpitaux et d’utiliser une méthode reposant sur la dispen-sation de soins dans des structures de proximité, dans le cadre de vie et (le cas échéant) de travail des patients ; cependant, il s’est avéré difficile d’atteindre pleinement cet objectif, et ce pour diverses raisons d’ordre financier et de gestion. Idéalement, ces soins de secteur devraient per-mettre de mener une action de promotion de la santé mentale et d’offrir des services de prévention aux populations locales, et de traiter les patients à proximité de leur domicile, en étroite coopération avec les services locaux de soins primaires. Cependant, la Région compte encore plus de 100 très grands hôpitaux psychiatriques, ou « asiles », qui sont pour la plupart situés dans la partie orientale de la Région. Un grand nombre de ces établissements sont en mauvais état et il est fréquent que les soins dispensés sont inhumains et dépassés.

BUT 6 – AMÉLIORER LA SANTÉ MENTALE

D’ICI 2020, IL FAUDRAIT AMÉLIORER LE BIEN-ÊTRE PSYCHOSOCIAL DE TOUTE LA POPULATION ET OFFRIR DES SERVICES COMPLETS ET PLUS EFFICACES AUX PERSONNES ATTEINTES DE PROBLÈMES DE SANTÉ MENTALE.

En particulier :

6.1 il faudrait réduire sensiblement la prévalence des troubles mentaux et leur impact néfaste sur la santé, et accroître la capacité des individus à faire face aux événements stressants de la vie ;

6.2 il faudrait réduire d'au moins un tiers le taux de suicide de manière que cette réduction soit la plus importante dans les pays et les groupes de population où les taux de suicide sont actuellement élevés.

STRATÉGIES PROPOSÉES

Il est possible d’atteindre ce but en utilisant plusieurs méthodes larges et liées entre elles. On peut réduire le discrédit qui va de pair avec les problèmes de santé mentale en en parlant plutôt qu’en les considérant comme des sujets tabous. Il est possible de développer l’aptitude des individus et des groupes à reconnaître les problèmes, à leur faire face, à se préparer à d’autres événements stressants de la vie et à bien réagir lorsqu’ils se produisent, en menant une action de sensibilisation, d’information et de transmission d’aptitudes utiles pour la vie à l’école, au travail et dans d’autres cadres.

Le personnel de santé et les autres soignants doivent être mieux formés et tenus au courant pour qu’ils puissent reconnaître les facteurs de risque et lutter contre ceux-ci, utiliser les nouveaux outils pour diagnostiquer plus tôt les problèmes de santé mentale et les traiter au moyen de méthodes modernes. Un programme de formation systématique destiné aux médecins de famille, dont l’objet est d’améliorer leurs compétences en matière de diagnostic et de traitement de la dépression, peut avoir des effets positifs importants dans le domaine du suicide (voir encadré ci-après). Un nouvel outil de dépistage mis au point récemment (« Bien-être OMS 5 »), qui consiste en cinq questions simples, fait plus que doubler le succès moyen qu’obtiennent les généralistes lorsqu’il s’agit de diagnostiquer une dépression grave. Cet outil peut aussi être facilement utilisé par des infirmières de santé familiale, par exemple, pour repérer les personnes qui doivent consulter leur médecin de famille.

Il faut que les services de prévention, cliniques et de réadaptation soient de bonne qualité et comprennent un dosage approprié de services de proximité et de services hospitaliers qui visent à faire face aux problèmes de certains groupes de la population, y compris les minorités et les per-sonnes défavorisées. La plupart des grands « asiles » qui existent encore dans la partie orientale de la Région doivent être remplacés par une combinaison équilibrée de services hospitaliers psychia-triques pour malades aigus et de services de secteur. Presque tous les États membres de la Région devraient apporter des améliorations dans ces deux domaines.

La recherche fondamentale et appliquée, y compris des mesures visant à étudier les facteurs qui influent sur la compréhension des problèmes de santé mentale et à agir sur ces facteurs, doit être développée de façon à ce qu’il soit possible d’améliorer les stratégies de prévention et de trai-tement.

Les responsables politiques dans le secteur sanitaire et d’autres secteurs doivent prendre des déci-sions en tenant particulièrement compte des causes sociales profondes et des facteurs de risque d’un grand nombre de ces problèmes et ils leur incombent en outre d’affecter les ressources de façon plus appropriée.

LA FORMATION DES GÉNÉRALISTES ET SES EFFETS SUR LE SUICIDE (ÉTUDE DE GOTLAND)

Un projet réalisé dans les années 80 à Gotland – île suédoise ayant une population de 60 000 habitants et se trouvant à l’époque dans un état de transition sociale caractérisé par un taux de suicide élevé – a donné des résultats positifs. À la suite d’une action intensive de formation concernant la dépression et le suicide, dirigée vers les généralistes de l’île, les orientations de patients pour dépression, le nombre de patients hospitalisés et le nombre de jours de congé de maladie en raison d’une dépression ont tous baissé de 50%. Au cours des trois premières années qui ont suivi la réalisation de ce programme de formation, le nombre de suicides a baissé d’environ deux tiers (principalement parmi des femmes ayant eu des épisodes de dépression dans le passé et en contact avec des généralistes). La prescription d’antidépresseurs et de lithium a augmenté de façon importante et il s’est produit une réduction équivalente de la prescription de sédatifs non spécifiques.

Cependant, à l’issue de cette période de trois ans, ces effets se sont estompés et l’on a par conséquent mis en place un programme de formation continue sur ce sujet au cours des années 90, ce qui s’est à nouveau traduit par des changements positifs.

Aujourd’hui, peu de femmes se suicident sur l’île. Cependant, on observe un nombre encore important de suicides d’hommes, dont la plupart n’étaient pas sous traitement. Pour améliorer la situation en ce qui concerne les hommes, on utilise aussi un formulaire de profil de symptômes mis au point sur place, qui aide à identifier le syndrome dépressif masculin « atypique ». À l’avenir, la formation continue portera davantage sur les suicides d’hommes et sur la nécessité de faire participer les médias et d’autres groupes de la société à une action qui permette de repérer, d’aider, de protéger et de traiter les hommes dépressifs et suicidaires.

Sources : Rutz, W. et al. Prevention of male suicides: lessons from the Gotland study. Lancet 345: 524 (1995) ; Rihmer, Z. Strategies of suicide prevention: focus on health care. Journal of Affective Disorders, 20: 87–91 (1996) ; Rutz W. et al. An update from the Gotland Study. International Journal of Psychiatry in Clinical Practice 1: 39–46 (1997).