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Stratégies multisectorielles pour une santé à long terme

But 14 – Responsabilité multisectorielle pour la santé

5.1 La base biologique de la santé

Les progrès explosifs de la « nouvelle génétique » offrent la possibilité de modifier de manière révolutionnaire la prévention et la prise en charge de la maladie, mais ils soulèvent aussi toute une

Conditions générales

série de problèmes moraux et éthiques. Le génome humain est un facteur clé de la santé, tout comme le mode de vie, l’environnement et les soins de santé. Les déterminants génétiques de la santé ont la plus grande influence au cours des phases précoces et intermédiaires de la vie, ils jouent un rôle majeur dans la mortalité infanto-juvénile, la morbidité chronique et l’apparition prématurée des maladies courantes. Eu égard à l’amélioration des connaissances sur les facteurs génétiques de la morbidité et de la mortalité tout au long de la vie, il importe de procéder à un débat approfondi et complet sur les questions éthiques ainsi soulevées. Les conclusions de ce débat doivent ensuite constituer la base d’une stratégie européenne.

En ce qui concerne le rôle important des facteurs génétiques pour ce qui est de la mortalité infanto-juvénile, nous donnerons ici quelques chiffres. Environ un demi-million d’enfants naissent annuellement en Europe avec de sérieux défauts congénitaux ou génétiques ; la prévalence moyenne de ceux-ci à la naissance est d’environ 40 pour 1000 naissances vivantes. Avec un taux de mortalité imputable à ces défauts de 2,5 pour 1000 naissances vivantes, ceux-ci représentent au moins 25% de la mortalité infantile dans les pays d’Europe occidentale. Il faudra donc adopter des stratégies fondées sur des approches génétiques de la gestion et de la prévention si l’on veut réduire encore ces taux.

La « nouvelle génétique » combine les techniques de pointe de la biologie moléculaire avec les connaissances acquises concernant le patrimoine biologique grâce à la recherche génétique. La localisation d’un gène sur un chromosome et la détermination de sa séquence ADN sont des étapes clés de la mise au point de tests diagnostics pour les individus susceptibles d’avoir une copie défectueuse de ce gène. La nouvelle génétique ira encore plus loin dans cette voie, en permettant de mieux connaître aussi bien la fonction normale des gènes que les mécanismes, au niveau molé-culaire, des maladies qui sont intégralement ou en partie imputables à des gènes défectueux.

Jusqu’ici la recherche dans ce domaine a été centrée sur des maladies génétiques héritées simples telles que la mucoviscidose, la drépanocytose et la chorée de Huntington. Les gènes impliqués ont pour la plupart été identifiés, et il est maintenant possible d’exécuter des tests pour détecter les mutations particulières jouant un rôle dans un grand nombre de ces maladies à gène défectueux unique.

Les chercheurs s’intéressent maintenant aux gènes particuliers intervenant dans les maladies courantes des phases ultérieures de la vie. Dans ce cas, le mode de transmission héréditaire apparaît moins clairement et il pourrait dépendre de plusieurs gènes ; en outre les facteurs environ-nementaux peuvent jouer un rôle majeur. Ces maladies incluent le diabète, les maladies cardio-vasculaires, les cancers, la schizophrénie et la maladie d’Alzheimer.

Actuellement, dans la Région européenne, il existe deux composantes des services génétiques pour lesquelles on peut observer des inégalités manifestes en ce qui concerne l’accès :

aux services de génétique cliniques offrant un diagnostic ainsi que des conseils et un soutien local aux individus et aux familles. L’équipe clinique, normalement, est dirigée par un spé-cialiste, assisté de généticiens ayant la responsabilité de coordonner la dispensation des ser-vices au niveau local ;

aux services de laboratoire, y compris l’analyse cytogénétique et moléculaire (ADN).

La recherche en cours offre des perspectives de réaliser de nouveaux progrès cliniques dans trois grands domaines :

Dépistage et tests. Au cours des 5 à 10 prochaines années, de plus en plus de tests permet-tant de détecter des défectuosités d’un gène unique et une prédisposition génétique aux maladies courantes seront mis au point ; les programmes de dépistage dans la population se développeront probablement. Grâce à des tests exécutés sur des individus asymptomatiques pour déterminer leur prédisposition aux maladies courantes, on pourra agir pour modifier le mode de vie en vue de minimiser des risques. Ces tests pourraient aussi inclure des tech-niques de détection permettant d’effectuer des interventions plus précoces, c’est-à-dire avant l’apparition des symptômes.

Tests sur les individus symptomatiques. De plus en plus, l’on utilisera les tests génétiques sur les individus symptomatiques pour confirmer avec une plus grande précision les diagnostics.

Régimes nouveaux de traitement. Ceux-ci pourraient relever de deux types :

lorsque l’on connaîtra mieux les processus moléculaires de la maladie, on pourra, grâce à l’identification de cibles précises, mettre au point plus rationnellement les médicaments en vue d’un traitement efficace ;

des thérapies géniques spécifiques sont aussi théoriquement possibles, mais les progrès risquent d’être plus lents dans ce domaine.

Les mesures d’intervention ont jusqu’ici été fondées sur un diagnostic prénatal, ce qui posait des problèmes liés à une interruption de la grossesse en cas de défaut constaté. À l’avenir, la mise au point de méthodes de diagnostic préconceptionnelles devrait rendre les services génétiques plus acceptables sur le plan éthique, en donnant la possibilité de contrôler d’avance le résultat de la conception.

STRATÉGIES PROPOSÉES

L’évolution de la nouvelle génétique laisse entrevoir la possibilité qu’au début du XXIe siècle, dans de nombreux secteurs de la médecine, les nouvelles techniques génétiques soient utilisées dans la pratique. Cette évolution aura des conséquences importantes pour l’organisation, les ressources humaines et la dispensation des services de santé, et obligera à affronter un certain nombre de problèmes d’éthique.

L’élaboration d’une stratégie européenne commune pour la mise en place de services génétiques fondés sur les principes de la Santé pour tous permettrait d’adopter une approche internationale coopérative et d’établir un partage de savoir et d’expérience. Chaque pays devrait évaluer ses besoins en matière de services génétiques et élaborer une politique nationale de développement de ceux-ci fondée sur le principe de la rationalisation des services.

Dans l’élaboration d’une telle politique, il faudra prendre en compte cinq impératifs :

prendre en compte les très importants problèmes d’éthique soulevés par la mise en place de plusieurs services ;

améliorer la prise en compte des besoins de la population, y compris les besoins des groupes ethniques, associer le public à la planification de services appropriés, et rendre les services plus attentifs aux préférences du public ;

dispenser une formation suffisante aux professionnels de santé ;

assurer l’égalité d’accès de la population aux services génétiques, y compris les services de tests génétiques de haute qualité au niveau des soins primaires, et la disponibilité de services et conseil et d’orientation à partir de ce niveau vers les services spécialisés ;

améliorer la qualité des services.

Tout programme mis au point dans le domaine génétique devrait être axé sur les aspects prioritaires pouvant avoir un impact majeur sur la santé. Ceux-ci devraient inclure les maladies congénitales et génétiques les plus courantes en Europe telles que mucoviscidose, hémoglobinopathies, malfor-mations congénitales graves et mongolisme. La plupart des maladies courantes à gène défectueux unique devraient être prises en compte dans des programmes européens à long terme dans le cadre des services de santé maternelle et infantile et de prévention et de lutte contre la maladie.

En outre, compte tenu de la grande importance des maladies cardio-vasculaires pour la santé dans la Région, et des dernières informations recueillies sur le rôle des déterminants génétiques pour ce groupe de maladies, celles-ci pourraient être utilisées comme sujets pour étudier l’impact éventuel des approches génétiques en matière d’activités de promotion de la santé.

À l’avenir, l’information sera manifestement un facteur clé ; on peut considérer que la nouvelle génétique s’inscrit parfaitement dans le cadre de la « médecine de l’ère de l’information » dans laquelle la technologie de l’information donne aux consommateurs les moyens de prendre plus largement en charge leur propre santé, et permet aux professionnels de santé de jouer un rôle ren-forcé de soutien, en axant leurs efforts sur la promotion de la santé plutôt que sur la prise en charge de la maladie.

Plusieurs questions d’éthique seront à prendre en considération au cours de cette période de muta-tion rapide, et il sera important de surveiller et d’évaluer les implicamuta-tions éthiques, scientifiques et sociales du génie génétique, y compris en ce qui concerne la technologie du clonage. Les connais-sances génétiques devront impérativement être appliquées dans le respect des principes de l’éthique médicale, et notamment des principes de dignité humaine, de libre choix et de justice. Les principes et le contenu de la Convention du Conseil de l’Europe pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine et de son protocole additionnel portant interdiction du clonage d’êtres humains sont extrêmement importants et doivent être respectés universellement.

Le clonage des gènes peut être d’un grand intérêt clinique pour le diagnostic et traitement des maladies ; il ne doit pas être confondu avec le clonage reproductif. La thérapie génique appliquée aux cellules somatiques, dans le cas de personnes ayant des problèmes médicaux, est, sur le plan éthique, comparable à toute autre thérapie, et la recherche dans ce domaine prometteur devrait être encouragée. Par contre, la thérapie génique appliquée aux cellules germinales, lorsqu’il existe une intention ou une possibilité de modifier les gènes transmis à la génération suivante, ne devrait pas être utilisée dans un avenir prévisible.

Le dépistage et les tests génétiques peuvent être un auxiliaire efficace de la planification de la santé publique dans tout pays, mais ils ne devraient pas être obligatoires. Des services de conseil génétique devraient être disponibles, dans le respect des choix et convictions de la population locale ; ils devraient à ce titre être aussi peu directifs que possible. La confidentialité et l’utilisation non discriminatoire des données génétiques devraient être protégées, s’il le faut, par des moyens légaux.

Il devrait en outre être promulgué une déclaration ou un code de pratique traitant des nouvelles questions d’éthique soulevées par les applications de la génétique en médecine et en santé publique.

Le projet établi par le Groupe d’experts consultatif OMS de la génétique médicale pourrait servir de base pour une telle déclaration (voir le document A51/6 Add.1 de l’Assemblée mondiale de la santé).