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Santé mentale et société, une causalité circulaire

Dans le document La santé mentale,l’affaire de tous (Page 34-37)

Les différents déterminants entretiennent des interactions complexes. Dans une perspective systémique, les facteurs sociaux et les facteurs psycho- logiques n’entretiennent pas de relations univoques ou unidirectionnelles. La relation « pauvreté » – « santé mentale » donne une illustration privilégiée des logiques circulaires qui régissent ces phénomènes.

Figure n° 2 : Le cercle vicieux de la pauvreté et de la mauvaise santé mentale

Source : OMS, 2001

L’évolution des problèmes de santé mentale est également doublement déterminée. La situation socioéconomique et la difficulté de demande d’aide inhérente aux problèmes de santé mentale peuvent se conjuguer pour faire obstacle à l’accès aux soins adéquats et s’engager sur une voie de résilience1. La probabilité d’un engrenage retient l’attention (encadré n° 3).

Encadré n° 3

L’engrenage de la fragilité psychologique, des difficultés d’apprentissage et du déclin social

Les désavantages « social » et « mental » agissent très tôt sur les trajectoires de vie. Un enfant qui grandit dans un milieu défavorisé a moins de chance de réussir ses études et son insertion sociale qu’un enfant qui vit dans un autre milieu. La reproduction des inégalités est plus la règle que l’exception. Mais les enfants qui ont des problèmes de santé mentale ont des problèmes d’apprentissage et

1 - En France, peu de travaux ont été menés sur les populations les plus exposées à la pauvreté.

Une étude conduite par Viviane Kovess-Masféty, remontant à 1997, a montré que la fréquence des troubles mentaux chez les bénéficiaires du RMI était nettement plus élevée que dans les autres catégories de la population. Les RMIstes souffraient plus particulièrement de problèmes d’addictions, de troubles dépressifs sévères, de phobies graves. En moyenne, la durée de leurs épisodes dépressifs était plus longue, notamment chez les femmes, et ils n’avaient pas autant recours que les autres aux soins médicaux existants pour soigner leur état.

Pauvreté Faible niveau de ressources

Bas degré d’instruction Chômage

Troubles mentaux et comportementaux Prévalence accrue

Absence de soins Évolution plus défavorable

Impact économique Dépenses de santé accrues

Perte de l’emploi Productivité réduite

Chapitre 1

d’investissement à l’école et ont moins de chance que les enfants qui ne souffrent pas de ces problèmes de réussir leurs études, ce qui les oriente vers des conditions de vie plus défavorisées. Si l’on adopte le point de vue selon lequel les causes des maladies sont sociales, on estime que dans les circonstances sociales les plus difficiles, les personnes n’ont pas les possibilités de s’en sortir, que ces circonstances soient présentes dans leur enfance ou surgissent dans leur vie adulte. Les plus contraints ne bénéficient pas d’une ouverture sociale et sont entraînés dans un sentier psychosocial qui s’avère une trappe à exclusion.

Pour expliquer la reproduction des inégalités sociales, d’autres analyses renvoient plutôt aux caractéristiques personnelles. Les plus vulnérables psychologiquement seraient les moins « compétitifs », donc exposés à la pauvreté, et en retour plus que d’autres soumis à des stress qui aggravent leurs difficultés. Les travaux les plus récents surmontent ces modèles univoques : on admet certes que certaines personnes sont plus vulnérables, sans que cela ait de conséquence si elles ne sont pas confrontées à des difficultés sociales, plus fréquentes selon les milieux sociaux. Départager la part des registres de vulnérabilité n’est pas possible : par exemple, si l’on compare les enfants des familles qui arrivent à se sortir de la pauvreté avec ceux qui vivent dans la pauvreté, on confond les effets des dispositions individuelles avec les conséquences du fait de ne plus être pauvre.

Viviane Kovess-Masféty, N’importe qui peut-il péter un câble ?, Paris, Odile Jacob, 2008, p. 51

La mise en évidence d’un cercle vicieux ou au contraire vertueux est pertinente au niveau des individus. Elle alerte sur l’existence de pentes psychosociales sur lesquelles ils sont portés. Elle n’est pas non plus impertinente au niveau macrosocial. Si la santé mentale est une ressource ou un handicap pour les personnes, elle l’est tout autant pour les sociétés. Différentes études établissent ainsi un lien entre un degré élevé de jouissance de la vie et certaines conditions psychosociales, comme le fait de bénéficier d’une bonne santé, d’un soutien social important, d’un niveau de confiance élevé à l’égard d’autrui, et du sentiment d’avoir sa vie en main. Inversement, les performances collectives, notamment en matière économique, dépendent de la santé mentale.

Figure n° 3 : Modèle fonctionnel de la santé mentale

Source : Lahtinen E., Lehtinen V., Riikonen E. et Ahonen J. (eds.), Framework for Promoting Mental Health in Europe, Hamina, 1999

Le Livre Vert Améliorer la santé mentale de la population : vers une stratégie sur la santé mentale pour l’Union européenne souligne la rétroaction permanente entre santé mentale et société, dès lors que « pour l’individu, la santé mentale est le moyen de s’épanouir sur le double plan intellectuel et émotionnel, mais aussi de trouver et de tenir sa place dans la vie sociale, scolaire et professionnelle. Pour la société, elle contribue à la prospérité, à la solidarité et à la justice sociale. À l’inverse, la mauvaise santé mentale est pour les citoyens comme pour les mécanismes sociétaux une source de pertes, de dépenses et de charges de toute sorte ». Le modèle théorique de la santé mentale est associé à un modèle fonctionnel complexe, qui remet en cause l’habituel découpage sectoriel des différentes politiques publiques et incite à embrasser un point de vue transversal et systémique.

FACTEURS

Première partie

La santé mentale et le bien-être,

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