• Aucun résultat trouvé

Développer les efforts de coordination de l’ensemble des acteurs Encore plus que pour les autres populations, la prévention et la promotion de

Dans le document La santé mentale,l’affaire de tous (Page 132-135)

3 . Identifier les trajectoires en santé mentale pour élaborer des réponses adaptées

3.2. Développer les efforts de coordination de l’ensemble des acteurs Encore plus que pour les autres populations, la prévention et la promotion de

la santé mentale des personnes vulnérables imposent une coordination des acteurs sanitaires, sociaux, économiques et politiques.

Les manifestations de la souffrance psychique associées aux situations de précarité sont une réalité du travail social au quotidien. Dès 1995, le rapport rédigé sous la direction d’Hélène Strohl et d’Antoine Lazarus attirait l’attention sur « cette souffrance qu’on ne peut plus cacher ». Cette souffrance psychosociale s’observe non pas d’abord dans les cabinets des psychiatres mais sur les lieux du social. C’est ce qu’on appelle la clinique psychosociale, qui oblige à un remaniement complet du « prendre soin » (care). Le travailleur social se retrouve souvent démuni devant une « sanitarisation » de son champ d’intervention et face au manque d’articulation avec les institutions sanitaires1.

Encadré n° 15

Le Centre d’accueil et de crise, une structure intermédiaire entre psychiatrie et médecine générale

Fort du constat que certaines personnes traversant des périodes d’instabilité dites de « crise », caractérisées par une perte temporaire des repères et une incapacité à se projeter dans le futur, ne trouvent leur place ni dans les structures hospitalières générales ni dans les structures psychiatriques, des structures intermédiaires, les Centres d’accueil et de crise (CAC) se développent en France.

Les CAC sont des structures le plus souvent intersectorielles implantées au cœur de la ville, dans le but de maintenir le patient au plus près de chez lui, d’éviter sa désocialisation et de faciliter les soins de proximité. Ces centres sont une alternative pour engager avec le patient un travail sur le moment de crise qu’il traverse, dans un temps volontairement restreint.

S’inspirant de ce modèle, le Centre hospitalier général de Longjumeau a ouvert en septembre 2009 un centre d’accueil de crise, « l’Inattendu », qui compte onze lits destinés à recevoir des personnes en situation de crise qui le désirent pour

1 - Comme le rappelle Alain Mercuel, « sur le plan du ressenti et de l’expression sont mis en avant les clivages, les tensions et les dépressions, l’absence d’interlocution et de parole sur l’expérience vécue, le sentiment de dévalorisation, l’isolement, la perte du sentiment d’utilité, l’usure, la fatigue et la perte d’énergie qui se combinent à l’infini selon les situations et les trajectoires pour produire des blocages, un sentiment d’impuissance ou une détresse sans objet palpable, la plupart du temps retournée contre elles par les personnes qui en sont les victimes ».

Chapitre 5

quinze jours au maximum. Guy Dana, le psychiatre à l’origine et en charge de la structure, a voulu axer la thérapie essentiellement sur la parole, par des entretiens individuels, des ateliers et des groupes1.

Ce lieu ouvert sur la ville – un espace culturel proposant des activités artistiques pourrait même y prendre place – doit pouvoir être un « sas » utile à la reconstruction des patients. Conçu comme un « hôtel thérapeutique », il présente un certain nombre d’atouts pour le travail d’autonomisation et de resocialisation en fournissant cohérence sociale, souplesse, modulation espace privé-espace public, une bonne différenciation du travail institutionnel et un terrain favorable à l’intersectorialité.

Parallèlement, les équipes médicales ne perçoivent pas toujours l’importance du handicap social lié aux troubles mentaux. Ces équipes ne travaillent souvent que partiellement avec les équipes sociales et lorsqu’elles le font, les deux projets sont plus juxtaposés que pensés ensemble, harmonisés et rendus compatibles. Cette juxtaposition maintient la précarité et l’exclusion.

Le rôle de l’équipe sociale sera alors de réduire l’impact de ces situations qui gênent le projet thérapeutique, mais surtout d’aider les équipes de santé mentale à adapter leur mode de prise en charge.

La notion de « souffrance psychique » ouvre donc une voie où la répartition des rôles est mal définie. Or il est important que chacun des acteurs de l’aide respecte ses missions et ses rôles afin de favoriser le réapprentissage des rôles sociaux et la réinsertion, et parallèlement d’éviter une amplification de la détresse par la perte de repères.

En outre, les actions sociales, médicales et éducatives doivent être mieux articulées entre elles, pour ne pas multiplier les initiatives au risque de les rendre inefficaces (effets iatrogènes). En effet, un « pullulement » des actions sur un même territoire entraîne une incompétence des différents services, peut donner un sentiment de harcèlement humanitaire et favoriser le refus d’aide des individus. Le système d’assistance aux plus vulnérables ne souffre pas tant d’un problème de moyens que de coordination et de mutualisation des moyens entre le monde associatif, médical, social. Il faut formaliser cette coordination.

Des efforts pour favoriser l’articulation entre réponse psychiatrique et réponse sociale ont déjà été accomplis ces dernières années : l’importance de ces besoins a fait émerger la nécessité de rapprochements institutionnels avec leurs aspects positifs tels que le décloisonnement des différents champs d’intervention. Ainsi, des collaborations actives entre acteurs sanitaires et dispositifs sociaux ont pu être mises en place, avec des créations d’équipes mobiles, notamment dans le cadre du Plan santé mentale 2005-2008, qui avait retenu parmi ses objectifs de favoriser la prise en charge des besoins

1 - « Une réponse inattendue à la crise », Longjumeau le magazine, n° 13, octobre 2009.

de santé mentale des personnes en situation de précarité et d’exclusion. En outre, des expérimentations d’intégration des systèmes sanitaires et sociaux ont vu le jour dans le cadre du Plan Alzheimer et pourraient se voir généraliser (encadré n° 16).

Encadré n° 16

Vers l’intégration des systèmes sanitaires et sociaux

Les organisations médicosociales sont marquées par une fragmentation des acteurs et des financeurs, dénoncée par tous comme un obstacle à un bon fonctionnement : absence d’outil commun et de partage des prérogatives, multiplicité des lieux d’évaluation et de coordination sans lien entre eux, insatisfaction des usagers et inégalités dans l’accès aux prestations. Cela est vrai quels que soient les bénéficiaires des dispositifs : petite enfance, population précaire, malades chroniques ou personnes âgées dépendantes. Cette fragmentation amoindrit l’efficience des politiques en santé publique et génère des surcoûts et des gaspillages considérables. Diverses expériences, généralement dans le cadre de programmes de recherche-action, ont démontré que la solution optimale réside dans l’intégration des systèmes sanitaires et sociaux.

C’est l’option que propose le Plan Alzheimer au travers des Maisons de l’autonomie et de l’intégration pour l’Alzheimer (MAIA), mais ce dispositif pourrait se décliner dans bien d’autres champs médicosociaux, selon six conditions :

1. La concertation des partenaires

Elle a pour finalité le partage des prérogatives faisant que chaque intervenant auprès d’un bénéficiaire représente l’ensemble des institutions actives dans le champ. Cette concertation doit se faire au niveau national (instances politiques et ministérielles), au niveau départemental (échelon souvent pertinent pour les actions médicosociales) et au niveau local (où elle réunit les acteurs de terrain).

2. Le guichet unique

Quelle que soit leur porte d’entrée, les usagers ont accès à l’ensemble du dispositif médicosocial, sans être obligés de se référer à un autre point d’accès.

Ce concept (pas nécessairement matérialisé par un lieu) garantit que le point d’accès ne conditionne pas les prestations offertes et est amplifié par le partage des prérogatives.

3. La mise en place d’un processus de gestion par cas

Diversement appelé social-management, care-management ou case-management, ce processus repose sur une démarche proactive et une guidance déployées auprès de la population cible du dispositif médicosocial. Chaque « gestionnaire de cas » est en charge du pilotage de l’action médicosociale auprès d’un certain nombre de personnes (une quaran taine dans les expériences gérontologiques) dont il est le référent direct. Son action s’étend à l’ensemble du champ par le partage des prérogatives. De fait, il ne constitue pas une couche supplémentaire de la fragmentation : il est au contraire en position de défragmenteur.

4. Outil uniqu e d’évaluation

La fragmentation produit une multiplicité d’outils d’évaluation et une redondance des procédures d’évaluation des besoins. Il est nécessaire de produire un outil

Chapitre 5

unique d’éva luation (bénéfice de la concertation) et de minimiser le nombre d’évaluations (bénéfice du partage des prérogatives). Cet outil d’évaluation est en outre capable d’identifier au sein de la population les personnes éligibles au dispositif médicosocial et à ses différents niveaux d’ampleur.

5. Un plan d e services individualisé

Fruit de l’évaluation, ce plan de soins et d’aides personnalisés s’appuie sur des recomman dations de bonnes pratiques, partagées par l’ensemble des professionnels. Il est mis en place et suivi, notamment dans les cas complexes, par les gestionnaires de cas.

6. Un système d’information partagé

Tout en respectant les éventuels secrets professionnels légitimés par l’éthique, il est indispensable. Son contenu est déterminé par le processus de concertation.

Cet encadré a été rédigé par Olivier Saint-Jean, chef du service de gériatrie à l’Hôpital européen Georges Pompidou et membre du groupe de travail « Santé mentale et déterminants du bien-être »

Dans la majorité des cas, l’accès aux soins s’organise de préférence en faisant venir les personnes vers des lieux de consultation en ambulatoire, comme dans les SAU (Services d’accueil et d’urgences), les PASS (Permanences d’accès aux soins de santé) et les CMP (Centres médico-psychologiques). Cependant, les populations en situation de vulnérabilité ressentent fréquemment des difficultés à exprimer leurs problèmes, à se détacher de l’emprise des difficultés matérielles, donc à demander de l’aide.

Favoriser le dialogue conduit à trouver un juste équilibre entre les modalités de proximité et suppose souvent que l’on travaille au cœur de leur espace.

Ces prises en charge « de première ligne » sont nécessaires, mais elles ne recouvrent pas l’ensemble des besoins et attentes des personnes en situation de vulnérabilité. Hors des situations qualifiées d’urgence, des problèmes subsistent, qu’il convient de considérer, sans quoi les périodes critiques sont amenées à se reproduire.

3.3. Favoriser les politiques d’aide à la réhabilitation et à la réinsertion

Dans le document La santé mentale,l’affaire de tous (Page 132-135)