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Donner aux jeunes les moyens de leur autonomie

Dans le document La santé mentale,l’affaire de tous (Page 166-173)

2 . Développer les compétences cognitives, émotionnelles et sociales lors de la scolarité

3.3. Donner aux jeunes les moyens de leur autonomie

Au-delà des lacunes du système éducatif actuel, l’inquiétude et le fatalisme des jeunes Français quant à leur avenir peuvent s’expliquer par leur difficulté à gagner en autonomie et à s’intégrer sur le plan socioéconomique.

Ils constituent en effet la tranche de population qui concentre le plus de chômage et de précarité. Fin 2007, les jeunes Français de 15-24 ans totalisaient 20,2 % du taux de chômage, contre 8,5 % pour l’ensemble de la population, selon l’INSEE. En outre, 25,1 % des 15-29 ans occupaient à la même date un emploi précaire (intérim ou contrat à durée déterminée) pour une moyenne nationale de 10,5 %. Ils doivent composer avec une économie dont la flexibilité se concentre sur la jeunesse.

1 - COP : conseiller d’orientation-psychologue.

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Avec la crise, l’augmentation du taux de chômage, l’embouteillage sur le marché de l’emploi, les indicateurs de pauvreté parmi la population jeune tournent au rouge. Cela entraîne une augmentation des risques de désaffiliation sociale, et une crainte du déclassement nocive en matière de santé mentale.

Les jeunes manquent aujourd’hui de soutien à l’autonomisation pour faire face à cette situation économique dégradée. Fort de ce constat, l’État s’est emparé des questions de jeunesse avec un grand nombre d’enquêtes et de rapports. Malgré ces efforts des pouvoirs publics, les résultats se font en partie attendre.

Certains insistent sur l’effet délétère de la décentralisation en ce qui concerne les politiques de jeunesse, qui conduit à des inégalités de traitement, en particulier pour les jeunes les moins protégés par leur famille1.

D’autres évoquent le problème particulièrement lourd de la « familialisation » de la prise en charge des jeunes, qui les maintient dans une situation de dépendance difficile et reproduit ainsi les inégalités familiales. Selon Cécile Van de Velde, les jeunes Français sont « tiraillés entre une aspiration au développement personnel et les contraintes d’une structure sociale conditionnant fortement l’emploi potentiel à la formation initiale ». Dans la pratique, cette quête d’une autonomie place très souvent les jeunes Français – du moins ceux des classes moyennes et aisées, car les autres n’en ont pas les moyens – dans une situation « d’indépendance sans finan ces » : les parents assurent loyer et frais car les études exigent un investissement à temps plein. Cette « familialisation » peut d’une part engendrer des tensions entre parents et enfants autour des aides familiales et, d’autre part, faire dépendre l’avenir du jeune de la situation financière de ses parents.

On remarque ainsi un paradoxe entre un modèle d’indépendance précoce valorisé en France avec une forte incitation à l’autonomisation, et une dépendance effective qui s’allonge du fait de la charge financière. Cette situation entretient un clivage entre aspirations et réalités néfaste en termes de santé mentale pour les jeunes Français, qu’il conviendrait de diminuer.

La solution de la formation en alternance mériterait d’être développée. En effet, les contrats d’apprentissage et de professionnalisation offrent de nombreux avantages pour les jeunes, en termes d’autonomisation et d’intégration socioéconomique. Ils permettent tout d’abord d’être formé tout en étant rémunéré, ce qui est un premier pas vers l’indépendance financière, et de bénéficier des mêmes droits que les autres salariés en termes de congés payés, de cotisation pour la retraite et de couverture sociale. De plus, c’est un véritable tremplin pour l’insertion professionnelle, sachant que 70 % à 80 % des alternants obtiennent un emploi à la fin de leur contrat.

1 - Loncle P., Muniglia V. et Rothé C., La décentralisation des fonds d’aide aux jeunes dans six dépar tements français, rapport final de l’étude pour la DREES, juin 2007.

Encadré n° 22

Les mesures du Plan pour l’emploi des jeunes 2009 en faveur de la formation en alternance

Avec le Plan pour l’emploi des jeunes, le gouvernement mise sur les contrats en alternance qui sont l’un des meilleurs dispositifs aujourd’hui pour l’intégration des jeunes sur le marché du travail. Son objectif est d’atteindre 320 000 contrats d’apprentissage et 170 000 contrats de professionnalisation supplémentaires entre le 1er juin 2009 et le 1er juin 2010. L’idée est de mobiliser les entreprises et les branches professionnelles, comme l’hôtellerie-restauration, par le biais d’une charte de l’alternance, et d’accorder des avantages financiers aux emplo yeurs qui recrutent sous contrat d’apprentissage ou contrat de professionnalisation.

Pour y parvenir, le dispositif « zéro charges » pour les entreprises de moins de dix salariés prévu dans le cadre du plan de relance est étendu aux entreprises de plus de dix salariés pour le recrutement de leurs apprentis.

De plus, entre le 1er juin 2009 et le 1er juin 2010, une prime de 1 800 euros est accordée aux entreprises de moins de 50 salariés pour l’embauche de tout apprenti supplémentaire. La moitié de la prime est versée à la signature du contrat et l’autre six mois plus tard.

Dans l’objectif de concrétiser 170 000 contrats de professionnalisation entre le 1er juin 2009 et le 1er juin 2010, les entreprises qui embauchent un jeune de moins de 26 ans en contrat de professionnalisation perçoivent une prime de 1 000 euros.

Celle-ci sera portée à 2 000 euros pour le recrutement d’un jeune n’ayant pas le niveau Bac.

En outre, pour aider les jeunes à s’insérer durablement dans la vie active et à acquérir leur autonomisation financière, les stages d’une durée de deux mois seront obligatoirement rémunérés (contre trois mois auparavant). Pour soutenir l’embauche des jeunes stagiaires en contrat à durée indéterminée, l’État s’engage à verser aux entreprises une prime exceptionnelle de 3 000 euros. L’aide financière est versée en deux fois : 1 500 euros au moment de l’embauche et 1 500 euros au bout de six mois. Le but est de favoriser 50 000 recrutements en CDI de jeunes stagiaires entre le 24 avril et fin septembre 2009.

Enfin, l’État propose 50 000 contrats initiative emploi (CIE) supplémentaires au deuxième semestre 2009. Ils sont attribués en priorité aux métiers porteurs, notamment ceux du développement durable, et aux entreprises de l’économie sociale et solidaire. Contrat aidé du secteur marchand, le CIE vise à favoriser l’insertion professionnelle durable des personnes présentant des difficultés d’accès à l’emploi. Le CIE est un contrat à durée indéterminée ou un contrat à durée déterminée de 24 mois. L’aide accordée par l’État aux employeurs peut atteindre 47 % du SMIC.

Le Plan pour l’emploi des jeunes énonçait des solutions pour améliorer la formation en alternance (encadré n° 22). Cependant, ces mesures mériteraient d’être encouragées plus avant pour porter réellement leurs fruits. En effet,

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selon les statistiques de la DARES du mois de septembre 2009, le nombre de nouveaux contrats en alternance signés cette année est en perte de vitesse par rapport à 2008, du fait de la crise. Ainsi, en août 2009, l’effectif estimé de jeunes de 16 à 25 ans en contrat de professionnalisation ou d’apprentissage était de 530 054, contre 565 591 en août 2008.

Le Plan « Agir pour la jeunesse » persévère dans le sens du développement des parcours de formation. Il prévoit l’amélioration du statut des apprentis, pour qu’ils bénéficient d’avantages inspirés de ceux accordés aux étudiants (réductions sur les loisirs et transports, accès aux restau rants universitaires).

Une campagne de communication sera lancée pour valoriser l’apprentissage auprès des jeunes et de leurs familles. La fonction publique s’ouvrira davantage à l’alternance, notamment en levant les obstacles au dévelop-pe ment de l’apprentissage et en élargissant le dispositif PACTE (Parcours d’accès aux carrières de la fonction publique territoriale, hospitalière et d’État). L’apprentissage en fin de cursus universitaire sera accru, sur la base d’expérimentations avec des universités pilotes. Les pré-recrutements seront autorisés. Les partenaires sociaux seront prochainement saisis en vue d’établir un cadre juridique permettant aux entreprises qui le souhaitent de proposer à des jeunes de financer leurs études contre un engagement à travailler ensuite dans l’entreprise concernée pendant une durée limitée. Enfin, les stages hors cursus seront interdits. Il convient de voir si ces mesures se révéleront concluantes en 2010.

Il conviendrait également d’encourager les mesures purement financières pour les jeunes car elles sont un moyen efficace de lutter contre la reproduc-tion des inégalités familiales. À ce sujet, on constate que les pays du Nord de l’Europe privilégient l’autonomie des jeunes en leur donnant des moyens financiers propres, alors que ceux du Sud s’appuient sur un socle familial fort et bénéficiaire de la majorité des aides et une entrée tardive dans la vie active. La solution nordique paraît aujourd’hui plus adaptée à l’exigence d’autonomisation que la société formule à l’égard des jeunes. Il est en effet important de reconnaître les jeunes comme des acteurs à part entière et non seulement comme des enfants de la famille. Le Plan « Agir pour la jeunesse » prend en ce sens un certain nombre de mesures qui méritent d’être encou-ragées (encadré n° 23).

Encadré n° 23

Les mesures du Plan « Agir pour la jeunesse » pour aider les jeunes à s’assumer financièrement

Il est proposé d’étendre le RSA aux jeunes qui travaillent. À l’heure actuelle, le RSA n’est pas ouvert aux moins de 25 ans. Les jeunes de moins de 25 ans qui sont réellement insérés dans la vie active (qui remplissent la condition d’avoir travaillé plus de deux ans sur une période de trois ans) auront droit au RSA dans les mêmes conditions que les plus de 25 ans.

Le contrat d’insertion dans la vie sociale (CIVIS) sera renforcé, pour mieux accompagner les jeunes les plus en difficulté. Le montant de l’allocation du CIVIS sera significativement augmenté, et l’accompagnement des jeunes sera renforcé, tout comme les devoirs auxquels ils sont astreints.

Les stages hors cursus seront interdits.

De plus, trois nouvelles formes d’aide pour les jeunes seront expérimentées en 2010 et 2011 :

pour les 16-18 ans décrocheurs, un accompagnement intensif : des aides person nalisées seront accordées à ceux qui feront l’effort de suivre un

parcours de réinsertion ;

pour les 18-25 ans, peu qualifiés ou au chômage depuis une longue durée, un accompagnement intensif sera proposé : le jeune qui acceptera toute offre de formation ou d’emploi proposée par son référent bénéficiera d’une garantie minimale de ressources ;

pour les 18-25 ans : un mécanisme de dotation permettra au jeune qui le souhaite de bénéficier lui-même d’une partie des aides publiques aujourd’hui attribuées à ses parents. Il aura la possibilité de financer des dépenses préalablement définies.

Avec la réforme Licence-Master-Doctorat (LMD) et le plan « Réussite en licence », la durée de l’année universitaire tend à s’accroître. Ce mouvement doit être poursuivi, en permettant l’accès des étudiants aux services utiles (bibliothèque, salle informatique, etc.) dès le mois de septembre. Lorsque la durée de formation le justifiera, un 10e mois de bourse sera accordé. Ce mécanisme sera conjugué à un contrôle renforcé de l’assiduité.

Afin d’améliorer la couverture santé des jeunes, l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé sera doublée, passant de 100 à 200 euros (30 millions d’euros seront dégagés en 2010 à cet effet).

Néanmoins, en France, l’aide apportée aux étudiants reste composée princi-palement de bourses d’études attribuées en fonction des revenus familiaux, d’allocations familiales, d’avantages fiscaux pour les parents et, enfin, d’aides pour le paiement des droits d’inscription et/ou de scolarité. Il peut être intéressant de s’inspirer des pays nordiques qui utilisent l’option novatrice et pertinente du prêt à remboursement contingent au revenu (PARC), qui serait un prolongement du prêt étudiant garanti par l’État lancé en 2008 et proposé aujourd’hui par certaines banques (encadré n° 24). Celui-ci n’est pas encore assez connu : en octobre 2009, seulement 6 600 étudiants en ont bénéficié depuis son lancement.

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Encadré n° 24

Le prêt à remboursement contingent au revenu : une nouvelle piste pour l’autonomie financière des étudiants ? Le prêt à remboursement contingent au revenu (PARC) apparaît comme une piste à privilégier pour l’autonomie financière des étudiants et la réduction des inégalités associées à l’enseignement supérieur. Le niveau d’éducation atteint est en effet fortement conditionné par la capacité des parents à financer les études de leurs enfants. De ce fait, les jeunes manquant de ressources ou de soutien familial sont fortement pénalisés car ils ne peuvent effectuer l’investissement éducatif qui maximise leurs revenus futurs, du fait de leur difficulté à emprunter.

Le PARC est un système de prêt dont les modalités de remboursement prévoient des annuités croissantes avec le revenu de l’emprunteur, exigibles uniquement dans les périodes où ce revenu dépasse un certain seuil. De nombreux pays, dont les pays nordiques, ont mis en œuvre des PARC pour le financement des études supérieures, afin de lever la contrainte de crédit des étudiants qui peut conduire à un sous-investissement en capital humain. Ce dispositif apparaît plus aisé à mettre en œuvre que les prêts aidés ou les dotations en capital.

L’Australie, qui a accompagné l’augmentation des frais de scolarité de la création du PARC, est souvent citée en exemple. Une enquête conduite par le Conseil australien pour la recherche en éducation a montré que ce dispositif a permis la poursuite d’une hausse très rapide du public universitaire, hausse à peu près aussi forte dans les catégories sociales les plus modestes (+ 31 %) que dans les couches sociales les plus aisées (+ 32 %).

Ce dispositif semble donc une alternative aux solidarités familiales : il permet au jeune de prendre en charge à titre individuel la décision de s’engager dans les études supérieures, indépendamment de la situation financière de ses parents.

La mise en œuvre pratique d’un dispositif PARC requiert toutefois une analyse technique approfondie, en raison de la sensibilité du coût du dispositif au calibrage précis des paramètres.

Cet encadré s’appuie largement sur le n° 143 de La Note de veille, « Le prêt à remboursement contingent au revenu : une nouvelle piste pour l’autonomie financière des étudiants ? », Centre d’analyse stratégique, juin 2009, et sur le rapport La Mesure du déclassement, Centre d’analyse stratégique, op. cit.

Enfin, l’émancipation résidentielle constitue un aspect décisif du passage à la vie d’adulte indépendant. Il paraît donc utile de soutenir les actions favorisant le logement indépendant des jeunes, dont celles déjà existantes pour aider à la location, comme l’avance et la garantie Locapass prévues par l’État (prêt à taux zéro pour aider à payer la caution, et garantie de l’État se substituant à la caution parentale), et la réduction obligatoire du montant de la caution, de l’équivalent de deux mois à un mois de loyer.

L’accompagnement dans la vie active suppose un équilibre entre formation initiale et formation continue, équilibre propice à la responsabilisation des jeunes face à leur avenir, et des mesures en faveur de leur autonomisation effective.

Recommandations

Investir dans la petite enfance par le soutien à la fonction parentale et

par la qualité des lieux d’accueil de jeunes enfants.

Expérimenter et évaluer les programmes de prévention multimodaux

développés avec succès dans certains pays, en prenant soin de les adapter au contexte culturel français.

Proposer dès l’école primaire des enseignements favorisant le

développement des compétences psychosociales. L’organisation scolaire doit prévoir des mesures d’incitation, des outils pour favoriser l’implication des membres du personnel scolaire, au premier rang desquels les enseignants. Des programmes de formation continue sur ce type d’enseignements doivent leur être proposés, ce qui implique une collaboration active entre les organismes de prévention universelle, à l’image de l’INPES, et ceux de l’Éducation nationale.

Adopter un système de notation favorisant la validation des

compé-•

tences plus que le classement des élèves.

Poursuivre l’effort en matière d’activités périscolaires, notamment

pour vers les activités artistiques et sportives. De plus, il conviendrait de favoriser l’esprit de club, la coopération et la solidarité, plus que la compétition.

Rendre les jeunes plus responsables d’eux-mêmes tout au long de

leur vie, en diminuant le poids de la formation initiale par rapport à la formation continue sur leur destin personnel. Pour cela, encourager la réorientation, les années de césure et les formations professionnali-santes. Une bonne entrée des jeunes sur le marché du travail passe également par une sensibilisation des recruteurs à la diversité des profils des candidats.

Innover en matière d’indépendance financière des jeunes durant leurs

études pour lutter notamment contre la reproduction des inégalités familiales et leur donner les moyens de leur autonomisation (prêts à remboursement contingent, formations en alternance).

Troisième partie

Entreprises et administrations :

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