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Le stress : une notion omniprésente mais imprécise

Dans le document La santé mentale,l’affaire de tous (Page 70-74)

La notion de stress est la plus mobilisée dans l’espace public comme dans une partie des enquêtes. Souvent valorisé par les DRH et les managers jusque dans un passé récent, le stress est désormais mieux perçu dans son aspect négatif, si ce n’est morbide. L’impact physiologique de l’exposition de long terme à des stresseurs est connu1. Toutefois, du fait de l’imprécision de la notion, le stress mesuré renvoie à des phénomènes d’intensité très inégale, allant de la tension passagère à des états présentant un risque d’épuisement professionnel (burnout) et de maladies associées.

Graphique n° 6 : Stress déclaré dans le dernier mois par l’ensemble des actifs occupés

Source : Baromètre santé 2005 de travail. D’autres dimensions ont été plus récemment mises en évidence, telles l’injustice organisationnelle, l’insécurité de l’emploi et différentes formes de violence. D’autres facteurs pourraient émerger de travaux futurs.

1 - Dans une situation critique, les hormones et le système nerveux conditionnent l’individu comme s’il était en présence d’un danger physique immédiat : accélération de la fréquence cardiaque, élévation de la pression artérielle, libération d’hormones (ACTH, cortisol, adrénaline, ocytocine, vasopressine) et augmentation de la vigilance, mobilisation de la réserve d’énergie, déviation du flux sanguin vers les muscles. Le stress mobilise l’énergie et les ressources normalement utilisées dans des processus physiologiques importants pour la conservation de la santé à long terme. Les systèmes cardiovasculaire et immunitaire sont tous deux affectés.

Si la tension se prolonge ou se répète excessivement, l’individu devient vulnérable à une série de problèmes de santé : le déséquilibre hormonal cause un affaiblissement de la réponse immunitaire avec pour conséquences une facilité à être contaminé par des germes, victime d’un cancer ou d’une maladie auto-immune (voir aussi l’exposition au diabète, l’hypertension, les accidents cardiaques ou vasculaires cérébraux, la fatigue et la tension musculaire, la dépression et l’agressivité).

Chapitre 3

Selon le Baromètre santé 2005, le stress déclaré dans le dernier mois par les actifs occupés est plus souvent d’origine professionnelle que personnelle.

59,4 % des actifs occupés déclarent un épisode de stress en lien avec leur vie profession nelle (58,1 % des hommes et 60,8 % des femmes), alors que 34,4 % signalent avoir été victimes d’un épisode de stress dans leur vie personnelle (25,9 % des hommes vs 43,9 % des femmes). Le stress des femmes est plus que celui des hommes à l’interface de la vie professionnelle et personnelle, du fait d’un empiètement mutuel des sphères d’investissement (double journée et charge mentale).

Une part significative des actifs (38,5 %) déclare que leur travail affecte leur santé. Parmi les affections déclarées, la principale est le stress (28,2 %) devant la fatigue générale (27,2 %), les maux de dos (22,9 %) et les douleurs musculaires du cou et des épaules (19,0 %). Une part significative des personnes stressées déclare avoir ressenti un ou plusieurs symptômes parmi lesquels des tensions musculaires (29 %), des troubles du sommeil (25 %), de l’anxiété (25 %), une baisse de vigilance (12 %).

Pour faire face au stress, quatre personnes sur dix (44,4 %) déclarent manger plus qu’à leur habitude, trois quarts des fumeurs (77,9 %) fumer davantage, une personne sur dix (17,5 % des hommes et 6,4 % des femmes) augmenter sa consommation d’alcool (3,6 % avoir parfois recours à d’autres drogues – ecstasy, cocaïne, héroïne, etc.). La prise de médicaments psychotropes suite à une situation de stress professionnel concernerait 13,0 % des hommes et 22,9 % des femmes.

Selon l’enquête de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT/CSA) de juin 2009 réalisée auprès de salariés, les causes du stress sont en premier lieu à rechercher dans l’organisation du travail (41 %), la non-satisfaction des exigences personnelles (38 %), les relations avec la hiérarchie et les collègues (31 %) ainsi que les changements dans le travail (31 %).

Les résultats des enquêtes SUMER 20031 et « Conditions de travail » de la DARES de 2005 insistaient plus directement sur l’intensification du travail et les tensions suscitées par la « relation client » : 60 % des salariés concernés estimaient devoir fréquemment interrompre une tâche pour en commencer une autre ; 48 % travailler dans l’urgence ; 53 % que leur rythme de travail était imposé par une demande à satisfaire immédiatement ; parmi les 68 % des salariés en contact avec le public, 42 % déclaraient vivre des situations de tension avec le public et 25 % subir des agressions verbales.

1 - Enquête nationale transversale périodique menée en 2003 par la DARES (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques) et l’Inspection médicale du Travail sur les salariés du régime général et du régime agricole ainsi que ceux des hôpitaux publics, de La Poste, de la SNCF et d’Air France. Ont été exclus certains secteurs : principalement les administrations publiques, les Mines, les compagnies de transports maritimes et urbains et France Télécom. Il s’agissait d’un questionnaire administré via les médecins du travail associé à un auto-questionnaire (49 984 salariés enquêtés dont 25 380 ont rempli l’auto-questionnaire).

Encadré n° 8

Le job strain, le « stress » des employés et des cols bleus ?

Face au cliché distinguant des ouvriers soumis à une pénibilité physique et des cadres subissant une pénibilité mentale (le stress), l’approche des tensions au travail (job strain ou « travail sous contraintes ») montre un cumul plus complexe de risques en bas de l’échelle des catégories socioprofessionnelles (CSP). Le modèle de Karasek utilisé dans l’enquête SUMER croise la demande psychologique pesant sur le salarié, la latitude décisionnelle dont il dispose pour y répondre et le soutien social (la « solidarité » des collègues).

Graphique n° 7 : La prévalence du job strain par catégorie socioprofessionnelle

Source : SUMER 2003

« Une forte demande psychologique alliée à une faible latitude crée une situation de job strain avec risque d’accident cardiovasculaire, de troubles musculo-squelettiques et de dépression. C’est pour les salariés qui cumulent le plus de pénibilités physiques et organisationnelles (horaires, rythme de travail, mais aussi tensions avec le public et le management) que les situations de job strain sont les plus fréquentes. Il y a un cumul des pénibilités physiques et mentales », souligne Dominique Waltisperger, de la DARES. Dans ce modèle, les « cols blancs », en raison de leur latitude décisionnelle, forment la catégorie la moins exposée au job strain (14 % d’entre eux), contre un tiers des « cols bleus ». Il faut toutefois saisir que le job strain n’est pas synonyme de « stress » au sens usuel du terme : les salariés soumis à une forte demande dans leur travail mais disposant de marges

Enseignant du privé Formateur

Action sociale et culturelle Coiffeur, esthétitien

OQ Bâtiment second oeuvre Ouvrier réparation auto.

Agriculteur, éleveur,

Ingénieur, cadre technique industrieCadre commercialDirigeant d’entreprise

Commercial et représentant

OQ gros oeuvre bâtiment Agt. exploit. transports

ONQ textile cuir

Employé TransportsEmployé, technicien de la banque Aide-soignant

Chapitre 3

importantes pour y faire face, sont nombreux à trouver leur travail très stressant.

Les cadres sont confrontés à la plus importante demande psychologique et sont le plus amenés à répondre à des urgences (60 %) ou à interrompre leurs tâches (78 %). Ils déclarent nettement plus de problèmes de sommeil liés au travail (hyperactivité mentale). Mais les « ouvriers » et « employés » exposés au job strain – et plus encore les femmes, dans ces CSP – sont plus nombreux que les autres à se déclarer en mauvaise santé. Les intérimaires sont particulièrement surreprésentés1. Les généralités cols bleus/cols blancs n’excluent pas des situations plus particulières : à titre d’exemple, l’enquête Technologia de 2007 avait révélé que 30 % des salariés du Technocentre Renault de Guyancourt, plutôt des cadres, souffraient de job strain, et jusqu’à 60 % dans certains services : la latitude décisionnelle était considérablement réduite par les délais imposés et le management par objectifs de la direction2.

L’enquête SAMOTRACE, qui associe l’InVS, souligne avec plus d’insistance l’enjeu de la reconnaissance des efforts effectués, en appliquant le modèle dit de Siegrist, qui évalue le déséquilibre entre efforts consentis et récompenses obtenues, ainsi que le surinvestissement dans le travail3. Les femmes exposées à un déséquilibre entre efforts et récompenses déclarent trois fois plus souvent un « mal-être » que celles qui n’y sont pas confrontées ; les hommes, 2,3 fois plus souvent. Les salariés soumis à une forte demande psychologique sont une fois et demie plus souvent en état de « mal-être ».

Même chose pour le faible soutien social. En revanche, il n’y a pas de lien constaté avec le manque de latitude de décision dans le travail. Toutefois, le cumul de la faible latitude décisionnelle, d’une demande psychologique importante et d’un faible soutien social est particulièrement à risque (voir encadré n° 8). Du côté des femmes, les violences au travail ressortent de manière plus spécifique : 5 % d’entre elles affirment être exposées à des violences physiques et 16 % à des menaces ou humiliations (c’est le deuxième facteur de souffrance chez les femmes, après le déséquilibre entre efforts et récompenses).

1 - DARES, Les facteurs psychosociaux au travail. Une évaluation par le questionnaire de Karasek dans l’enquête Sumer 2003, mai 2008.

2 - Technologia est un cabinet d’expertise agréé par le ministère du Travail, actuellement chargé d’enquêter sur les « risques psychosociaux » au sein de l’entreprise France Télécom.

3 - L’observatoire épidémiologique SAMOTRACE a mobilisé 120 médecins du travail dans les régions Centre, Poitou-Charentes et Pays-de-la-Loire, qui ont enquêté auprès de 6 000 salariés entre 2006 et 2008. SAMOTRACE repose sur la double investigation menée sur la santé mentale et sur les facteurs de risques professionnels auprès d’une même population. D’une part, la détresse psychique ou le mal-être des salariés ont été mesurés avec le GHQ-28 (questionnaire de santé générale). Ce dernier identifie des symptômes dépressifs, des troubles anxieux, des symptômes somatiques et des difficultés dans le comportement social (37 % des femmes et 24 % des hommes interrogés dans l’enquête ont exprimé un « mal-être »). D’autre part, le ressenti des travailleurs sur leur exposition aux facteurs psychosociaux a été exploré par le questionnaire de Karasek, qui vise à décrire le niveau de demande psychologique, de latitude de décision et de soutien social au travail, et celui de Siegrist, qui évalue le déséquilibre entre efforts consentis et récompenses obtenues, ainsi que le surinvestissement dans le travail. Des questions sur la violence ou la conscience professionnelle ont été également posées.

Chacune des enquêtes a donc apporté des éclairages et des résultats utiles mais qui ne sont pas systématiquement comparables, en l’absence de standardisation des questionnaires ou de similitude des concepts mobilisés.

La population active dans son ensemble n’est pas non plus systématiquement représentée1.

2.2. Les pathologies associées aux stresseurs psychosociaux

Dans le document La santé mentale,l’affaire de tous (Page 70-74)