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Les déterminants psychosociaux

Dans le document La santé mentale,l’affaire de tous (Page 31-34)

Sur le volet psychologique, la qualité de la santé mentale de chacun est liée à différents traits de personnalité. Ainsi, des travaux étudiant les liens entre le bonheur déclaré et les grands traits de la personnalité, tels que définis par

1 - Notamment au niveau de l’activité neuroendocrinienne de l’axe corticotrope.

2 - Lykken D. et Tellegen A., « Happiness is a stochastic phenomenon », Psychological Science, 7, 3, 1996, p. 186-189. Dans la même perspective, Alexander Weiss de l’université d’Edimbourg a déterminé que les gènes contrôleraient environ 50 % des traits de personnalité qui contribuent au bonheur : Weiss A. et al., « Happiness is a personal(ity) thing: The genetics of personality and well-being in a representative sample », Psychological Science, 19, 3 , 2008, p. 205–210.

le modèle OCEAN1, ont démontré une corrélation positive entre le bonheur et l’extraversion, le bonheur et le caractère consciencieux et une corrélation négative avec le « névrosisme », trait désignant une certaine instabilité émotionnelle, une disposition aux émotions négatives. Les tendances à ne pas s’inquiéter, à être sociable, le degré d’optimisme, la faculté de résistance, d’adaptation au changement sont d’autres traits psychologiques fréquemment associés au niveau global de bonheur et de bien-être cités dans les recherches académiques.

Concernant les déterminants sociologiques, des recherches ont, dès le milieu des années 1960, examiné l’incidence de facteurs tels que les revenus, le chômage, la pauvreté, l’environnement social immédiat, les réseaux sociaux, la confiance mutuelle, la participation civique, l’engagement communautaire, sur l’état de santé des individus. La santé mentale est une réalité indissociable de choix et d’enjeux sociaux qui relève in fine de l’action publique.

En outre, si les définitions actuelles de la santé mentale semblent essen-tiellement axées sur la personne, elles offrent néanmoins des perspectives plus vastes à l’échelle communautaire. Les stratégies de promotion de la santé mentale, notam ment par le développement des compétences personnelles, des environnements de soutien, de la participation à la prise de décision, peuvent contribuer à la satisfaction de vivre. Une littérature abondante s’est par exemple développée sur la thématique du lien entre réseau social et santé mentale. Karen Hetherington2 a démontré que les personnes issues de communautés au faible capital social sont les plus vulnérables aux agents psychosociaux de stress.

On retrouve aussi une corrélation entre un capital social bas et des indicateurs d’une mauvaise santé mentale, comme le suicide, la toxicomanie, les crimes, les violences familiales et la dépression. Néanmoins, le lien de causalité entre santé mentale négative et capital social est difficile à déterminer : si avoir un réseau social développé est une conséquence d’une bonne santé mentale, en revanche, il arrive qu’une personne déprimée dispose d’un réseau social développé sans être capable de le mobiliser au moment opportun.

D’autres résultats sont interprétés comme mettant en évidence la part du sentiment d’équité dans la santé mentale. Les observations portent soit sur l’impact d’une relative égalité ou inégalité de condition et d’une déprivation (dans une perspective qui associe les privations économiques à une faible reconnaissance sociale), soit sur l’impact d’un traitement institutionnel équitable vs inéquitable (segmentation, clientélisme ou corruption dans l’accès aux biens et aux services). Ces analyses (égalité ou équité) ne sont pas exclusives.

1 - Ce modèle, également appelé « Big Five », est utilisé en psychologie et définit cinq traits centraux de la personnalité empiriquement mis en évidence par la recherche : l’ouverture à l’expérience, le caractère consciencieux, l’extraversion, le caractère agréable et le « névrosisme ».

2 - Chercheur à l’université McGill, au Canada, www.aqrp-sm.org/colloque/presentations/

xive/18_xive-atelier-ppt.pdf.

Chapitre 1

Encadré n° 2

L’hypothèse de l’impact négatif de la déprivation sur la santé mentale Richard Wilkinson et Michael Marmot1 font l’hypothèse d’un impact morbide des inégalités sur la santé, une situation défavorisée pouvant avoir un caractère absolu ou relatif et revêtir des formes multiples : modicité du patrimoine familial, instruction médiocre au cours de l’enfance et de l’adolescence, précarité de l’emploi, impossibilité de renoncer à un emploi dangereux ou sans avenir, mauvaises conditions de logement, circonstances rendant difficile l’éducation des enfants, perception d’une pension de retraite insuffisante, etc. Les privations matérielles nuiraient à la santé, mais tout autant le déficit de reconnaissance et de valorisation sociale : « en tant qu’êtres sociaux, il ne nous suffit pas de jouir de bonnes conditions matérielles, mais nous éprouvons aussi le besoin d’être appréciés et estimés, et ce depuis notre petite enfance. Nous avons besoin de nous faire des amis, de vivre dans une société plus sociable, de nous sentir utiles et de pouvoir exercer une activité professionnelle intéressante nous conférant un certain degré d’autonomie. Sans cela, nous sommes plus sujets à la dépression, à la toxicomanie, à l’anxiété, à l’agressivité et à un sentiment d’impuissance, autant de facteurs qui sont nuisibles à la santé physique ». Les effets de la déprivation sur la santé mentale ne se limiteraient pas aux plus pauvres ; les inégalités de santé d’origine sociale seraient observées dans l’ensemble de la société. Plus les gens vivraient longtemps dans des conditions économiques et sociales stressantes ou dévalorisantes, plus l’usure physiologique serait grande et les chances de vivre une vieillesse en bonne santé minorées.

L’approche par les « capabilités », qui trouve sa source dans les travaux d’Amartya Sen, insiste à la fois sur la promotion des potentialités individuelles et sur les opportunités d’accès aux services pour lutter contre les inégalités.

Les capabilités représentent la capacité réelle qu’ont les individus d’atteindre les buts qu’ils se fixent. Le bien-être est alors analysé en fonction des libertés substantielles de choisir le mode de vie souhaité. Amartya Sen incite à prendre en compte les opportunités concrètes qu’ont les personnes d’accomplir les actions importantes de leur point de vue, les individus étant les acteurs de leur propre bien-être. L’effectivité de cette latitude de choix suppose logiquement que des conditions concrètes soient satisfaites dans l’environnement des individus : on parle alors d’environnement capacitant qui traduit l’ensemble des conditions individuelles, communautaires, organisationnelles, sociales et institutionnelles nécessaires2.

1 - Wilkinson R. et Marmot M. (dir.), Les déterminants sociaux de la santé, OMS, 2004.

2 - Lauréat du prix Nobel d’économie en 1998, Amartya Sen a été conseiller auprès de la Com- mission sur la mesure de la performance économique et du progrès social. L’étendue des

« capabilités » des personnes est celle de leur liberté réelle ou positive d’accomplir certains

« fonctionnements », comme par exemple lire, écrire, avoir un travail, être politiquement actif, être respecté des autres, être en bonne santé physique et mentale, avoir reçu une bonne éducation, être en sécurité, avoir un toit, faire partie d’une communauté, etc. ; Sen A., Un nouveau modèle économique, Paris, Odile Jacob, 2000.

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