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Des objectifs distincts se recoupent dans leurs instruments

Dans le document La santé mentale,l’affaire de tous (Page 40-43)

1 . Une stratégie impulsée par l’OMS

1.2. Des objectifs distincts se recoupent dans leurs instruments

Le rapport de l’OMS Promoting Mental Health: Concept, Emerging Evidence, Practice2 cible cette critique. Il confirme le caractère distinct des objectifs de prévention des troubles mentaux3 et de promotion de la santé mentale en population générale. Mais conformément au renouveau des approches en santé publique, il met en évidence que ces objectifs ne sont pas exempts de recoupements, au niveau de leurs déterminants et de leurs instruments.

L’OMS fait sien le modèle bio-psychosocial de la santé mentale, qui invite à une approche englobante de ses déterminants. Embrassant la théorie du capital social, l’OMS met en exergue des facteurs sociaux, économiques ou environnementaux communs à l’ensemble du champ de la santé mentale, en interaction avec les facteurs physiologiques mis en évidence par les neurosciences et la génétique4.

1 - Rapport sur la santé mentale dans le monde 2001. Santé mentale : nouvelle conception, nouveaux enjeux, OMS, 2001.

2 - Herrman H., Saxena S. et Moodie R., Promoting Mental Health: Concepts, Emerging Evidence, Practice, OMS, 2005.

3 - La dépression, les troubles bipolaires, la schizophrénie, l’épilepsie, les problèmes liés à l’alcoolisme et à la toxicomanie, la maladie d’Alzheimer et autres démences, les troubles dus au stress post-traumatique, les troubles obsessionnels compulsifs, les troubles paniques et l’insomnie primaire.

4 - Cette compréhension l’a conduit à privilégier une approche intersectionnelle des troubles mentaux. Trois niveaux interdépendants d’intervention sont distingués : l’individu, en encoura-geant la personne à développer ses ressources, son estime de soi, sa capacité d’adaptation, son autonomie ; la collectivité, en augmentant l’inclusion sociale et la cohésion, en développant des structures de prise en charge ; le gouvernement, en réduisant les obstacles socioécono-miques à la santé mentale au niveau national. Dans cette optique, la prévention et la prise en charge des troubles mentaux requièrent une action publique plurisectorielle, associant plusieurs secteurs publics tels que ceux de la santé, de l’industrie et de l’emploi, de l’éducation, de l’envi- ronnement, des transports et des services sociaux au niveau national mais aussi local, ainsi que le monde associatif et les médias. Bien que la recherche dans ce domaine soit encore à un stade précoce, plusieurs expériences réussies permettraient d’affirmer que l’action des pouvoirs publics dans différents domaines (logement, emploi, etc.) exerce une influence indirecte mais étendue sur les troubles mentaux.

Chapitre 2

En matière de « bonne santé mentale » ou « santé mentale positive », les facteurs personnels, sociaux et environnementaux sont conceptuellement regroupés autour de trois thèmes :

le développement et le maintien de collectivités « saines » par une

cou-verture des besoins fondamentaux, la qualité du logement, de l’éduca-tion, des conditions de travail, un environnement sécurisé qui minimise le conflit et la violence ; des politiques publiques et des cadres de vie collectifs qui favorisent l’autodétermination, le contrôle de sa vie et qui fournissent du soutien social, des modèles positifs et de la reconnais-sance aux différents groupes sociaux (par âge, niveau de revenu, sexe, lieu de résidence ou origine) ;

la capacité de chaque personne à entretenir une socialité grâce

– à des

dispositions telles que l’implication, la tolérance à la diversité et la responsabilité mutuelle. Ces dispositions sont associées à des expériences réussies de création et de maintien de lien, et aux sentiments d’intégration et d’appartenance. Une abondante littérature montre que les facteurs sociaux comme le soutien social et les interrelations jouent un rôle optimal dans la réduction du stress ;

la capacité de chaque personne à composer avec ses pensées et ses – sentiments, à conduire sa vie et à faire preuve de résilience émotionnelle face aux épreuves habituelles de l’existence. Cette capacité est liée à l’estime de soi, à la disposition à gérer les conflits et à apprendre. Le sentiment d’être maître de sa propre destinée sur le plan personnel est un déterminant important de la bonne santé (physique et mentale).

La prise en charge de la maladie mentale, par la psychiatrie et la réadaptation médicosociale, a une spécificité incontestable. Mais beaucoup d’outils de prévention des troubles mentaux sont communs à la promotion de la santé mentale (voir à titre d’illustration l’encadré n° 4 relatif au Plan d’action euro-péen en santé mentale).

L’OMS encourage des politiques de promotion en santé mentale de deux catégories : la première prend en compte les facteurs sociaux, environnemen-taux, économiques, politiques et culturels ayant un effet indirect sur la santé mentale (par exemple l’emploi, le logement, la formation, etc.) ; la seconde vise un effet direct sur l’amélioration de la santé mentale par la création de milieux de soutien en santé mentale. Ces politiques s’appuient sur plusieurs lieux clés de promotion de la santé mentale : l’école, la famille, le travail, les collectivités. Elles sont relatives à des programmes éducatifs scolaires, des services d’appui aux parents, la gestion du stress en milieu de travail, des programmes de médiation entre pairs, des établissements consacrés au bien-être des personnes âgées, des centres de santé locaux, la promotion de la sensibilisation aux questions culturelles ainsi que des campagnes de promotion de la santé mentale.

L’apport potentiel de la promotion de la santé mentale à la prévention des troubles de la subjectivité est démontré pour la détresse psychologique, les addictions et les comportements antisociaux. Il apparaît faible pour les maladies mentales caractérisées (dépression majeure, schizophrénie), dont l’incidence manifeste une grande stabilité dans le temps et une convergence entre les différentes sociétés, d’où l’hypothèse d’une causalité biologique prépon dérante1. La promotion de la santé mentale contribue toutefois à l’inclusion sociale des personnes atteintes de maladie mentale, par une stratégie de levée du « tabou ».

La contribution potentielle de la promotion de la santé mentale à la préser-vation de la santé en général est importante : la santé mentale positive est associée à des comportements sanitaires bénéfiques dans la longue durée, alors que la détresse psychologique, les addictions et la violence induisent des pertes subites (accidents) ou une érosion progressive de la santé (voir chapitre 1).

Encadré n° 4

Un Plan d’action européen en santé mentale

Lors de la conférence ministérielle européenne organisée par l’OMS sur la santé mentale à Helsinki en janvier 2005, 52 pays européens dont la France ont signé une Déclaration sur la santé mentale et un Plan d’action en santé mentale. Ces documents dressaient la liste des défis à relever dans les cinq à dix ans à venir afin d’améliorer la santé mentale en Europe : élaborer, mettre en œuvre ou renforcer, évaluer les politiques et les législations permettant d’améliorer le bien-être de l’ensemble de la population, d’éviter les problèmes de santé mentale et de favoriser l’intégration et le fonctionnement des personnes atteintes de ce type de problèmes.

Des systèmes de santé mentale efficaces qui englobent la promotion, la préven-tion, le traitement et la réadaptapréven-tion, les soins et la réinsertion sociale constituent le premier objectif.

S’intéresser aux populations à risque est un autre enjeu majeur. Il s’agit de promouvoir des actions adaptées aux groupes d’âge particulièrement exposés aux facteurs de risques sociaux, psychologiques, biologiques et environnementaux (nourrissons, enfants, jeunes et personnes âgées). Cela passe également par la prévention des problèmes de santé mentale et du suicide venant de l’exposition de la population à des changements sociétaux, facteurs de stress, qui ont des effets négatifs plus généraux sur la cohésion sociale, la sécurité et l’emploi. Sont ciblés les groupes vulnérables (chômeurs, populations immigrées) ou marginalisés (détenus ou individus sortant de prison, sans-abri, etc.).

Enfin, il est jugé primordial de réunir des informations de qualité : il s’agit de disposer de données sur l’état de santé mentale des populations et de certains groupes, sur leur comportement en termes de recherche d’aide et sur les actions

1 - L’incidence de la dépression caractérisée est estimée à environ 3 % de la population générale, celle de la schizophrénie entre 0,2 % et 2 %, selon les paramètres de mesure. Un taux de prévalence de 1 % est généralement accepté comme la meilleure estimation.

Chapitre 2

menées pour y répondre, en uniformisant les indicateurs pour permettre des comparaisons aux niveaux local, national et international. Il s’agit également d’évaluer l’impact et l’efficacité des nouveaux modèles de services en santé mentale.

Les progrès des pays membres européens de l’OMS ont été recensés dans un rapport publié en 2008 avec le concours de la Commission européenne, afin de pallier le manque de données comparées en matière d’intervention publique en santé mentale au sein du continent européen. Au-delà des progrès déjà réalisés, ce travail réitère la nécessité de combler le manque d’indicateurs fiables et uniformes en matière de santé mentale1.

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