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Un niveau global de suicide dans la moyenne haute européenne Graphique n° 8 : Prévalence du décès par suicide au sein de l’UE en 2005

Dans le document La santé mentale,l’affaire de tous (Page 78-81)

Lecture : nombre de suicides pour 100 000 habitants.

Source : OMS Europe

Au-delà de la question contemporaine du suicide lié au travail, quelle est la situation du suicide dans la société française ? Ce fléau touche tous les pays, mais à des degrés très divers1. Selon la base de données nationale sur les causes médicales de décès produite par l’INSERM-CépiDc2, la mortalité par

1 - Les taux de suicide varient pour le sexe masculin de 0,5/100 000 à la Jamaïque à 75,6 en Lituanie et pour le sexe féminin de 0,2 à la Jamaïque à 16,8 au Sri Lanka, selon l’OMS.

2 - CépiDc (Centre d’épidé miologie sur les causes médicales de décès), www.cepidc.vesinet.

inserm.fr.

Chapitre 3

suicide en France en 2007 atteint 16,3 pour 100 000 habitants. Il représente environ 2 % des décès annuels et se situe dans une moyenne haute par rapport aux autres pays européens. On compte chaque année en France autour de 10 000 décès par suicide. La sous-estimation (lors de la certification du décès par le médecin et de la codification des bulletins de décès) est évaluée à environ 10 %.

Les comportements suicidaires ne sont pas homogènes dans la société française selon l’âge et le sexe. Si l’on considère l’effet de l’âge, le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les 15-44 ans après les accidents de la circulation et la première chez les 30-39 ans. À part les accidents de la route (qui relèvent de conduites à risque), les autres causes de mortalité sont très rares dans cette tranche d’âge. Bien que la part du suicide diminue ensuite sensiblement avec l’âge, le nombre de décès par suicide est quant à lui fortement accru ; les taux de suicides aboutis sont six fois plus élevés dans la population âgée de plus de 85 ans par comparaison aux 15-24 ans.

Par rapport au taux moyen de suicide en France en 2007 (16,3 pour 100 000 habitants), chez les plus de 90 ans un taux maximal de 136,3 pour 100 000 est enregistré. Les taux de décès par suicide les plus élevés sont le fait des veuf(ve)s, puis des personnes divorcées, les célibataires et les personnes mariées présentant les taux les plus faibles.

Graphique n° 9 : Prévalence des suicides et taux de décès par suicide en France

Source : INSERM-CépiDc

Les chiffres du suicide présentent une répartition par sexe très différenciée qui n’est pas particulière à la France. Les hommes se suicident trois fois plus que les femmes et cette tendance augmente avec l’âge (25 pour 100 000 chez les hommes contre 8,6 pour 100 000 chez les femmes).

0-1 an1-4 ans5-9 ans

10-14 ans15-19 ans20-24 ans25-29 ans30-34 ans35-39 ans40-44 ans45-49 ans50-54 ans55-59 ans60-64 ans65-69 ans70-74 ans75-79 ans80-84 ans 85 ans et plus

Part des suicides dans la mortalité générale selon le sexe et l’âge (France 1999, en pourcentage)

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10-14 ans15-19 ans20-24 ans25-29 ans30-34 ans35-39 ans40-44 ans45-49 ans50-54 ans55-59 ans60-64 ans65-69 ans70-74 ans75-79 ans80-84 ans 85 ans et plus

Taux de décès par suicide selon le sexe et l’âge (France 1999, taux pour 100 000 habitants)

Hommes

Femmes Hommes

Femmes

Encadré n° 9

Prévention du suicide, quelle efficacité ?

Les actions préconisées pour diminuer le suicide portent en premier lieu sur les moyens utilisés : couvrir les ponts et les points en hauteur, protéger certaines zones de transports en commun (comme les métros urbains), contrôler l’usage des armes à feu, etc.

Vient ensuite la formation des médecins généralistes pour les facteurs de risques connus (dépression, mésusage de l’alcool, etc.). Un des rares programmes pour lesquels une baisse du taux de suicide est attestée est celui de l’île de Gotland (Suède), basé sur la formation des généralistes à reconnaître et traiter la dépression en cause dans plus de la moitié des suicides, ainsi que sur leur capacité à gérer les problèmes liés à l’alcool et à bien évaluer les tendances suicidaires. Ce programme fait partie des recomman dations de l’OMS dans la prévention du suicide.

La prévention de la dépression et de l’alcoolisme constitue une prévention indirecte du suicide1. Du point de vue des organisations (école, travail), un élément essentiel est l’estime de soi et l’impression qu’ont les personnes d’être respectées. Le fait de se sentir « piégé » est aussi un facteur de risque de la dépression, donc du suicide.

Il est crucial d’ouvrir des possibilités de reconversion crédibles.

Enfin, la révélation du suicide est-elle protectrice ou levier de contagion ? Ce point est controversé. Une meilleure évaluation des groupes de parole en vue de l’entraide des « survivants » est à mettre en œuvre. Les adolescents pourraient être incités à l’imitation plutôt que protégés par ce type d’accompagnement.

Dans certains pays, des chartes de bonne conduite sont proposées aux médias sur la manière de couvrir ces événements. Cette démarche est encouragée par l’American Association of Suicidology et ses homologues suédois, néo-zélandais et autrichiens, qui recommandent notamment : de ne pas présenter l’acte comme inexplicable ; de s’enquérir sur l’existence d’une dépression, d’un autre trouble psychique durable, ou d’une dépendance à l’alcool ou à une drogue ; de ne pas parler d’épidémie dès que le taux de suicide paraît en augmentation.

A contrario, dans certains cadres collectifs, plusieurs auteurs soulignent la dimension d’alerte du suicide et la nécessité d’intervenir et de formaliser les problèmes sous-jacents : stress, dégradation du climat de travail… C’est alors le déni qui serait « suicidogène »2. Enfin, concernant les personnes qui formulent des projets suicidaires, il est essentiel de les prendre au sérieux et d’engager une prise en charge.

1 - Il faut considérer les facteurs de « passage à l’acte ». Une alcoolisation problématique multiplie par trois le risque de présenter des idées suicidaires et par sept les tentatives de suicide ; de même pour la dépression sévère.

2 - Bègue F. et Dejours C., Suicide et travail : que faire ?, Paris, PUF, 2009. Selon les auteurs, un suicide sur le lieu de travail interviendrait lorsque le climat au travail est déjà très dégradé et le suicide accélérerait le climat délétère et générerait alors d’autres suicides. Dans cette perspective, un suicide au travail constitue un symptôme de dégradation du climat social et de risque de déclenchement d’autres suicides si aucune mesure n’est prise et aucune « explication » fournie par l’encadrement.

Chapitre 3

Dans le document La santé mentale,l’affaire de tous (Page 78-81)