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Le « rajeunissement » de la dépression

Dans le document La santé mentale,l’affaire de tous (Page 60-63)

progression de la détresse psychologique

1.1. Le « rajeunissement » de la dépression

Les chiffres concernant la prévalence des troubles dépressifs en France diffèrent quelque peu selon les enquêtes, ce qui reflète les difficultés métho-dologiques de la mesure de la dépression2.

Les statistiques les plus récentes, issues des enquêtes Baromètre santé 20053 et Anadep4, montrent que 5 % à 7,8 % de Français disent avoir

1 - Les risques psychosociaux sont une problématique émergente en France, très en retard au regard de la reconnaissance qui leur a été apportée dans d’autres sociétés européennes. Ce retard est d’autant plus remarquable que la sociologie comme l’économie ont souligné de longue date les changements majeurs qui ont affecté la sphère du travail depuis les années 1980, tant au niveau organisationnel que dans les relations professionnelles. Cette situation pose la question de l’expertise des partenaires sociaux, des institutions de sécurité sociale et des pouvoirs publics.

2 - La définition de l’état dépressif majeur (EDM) est donnée par un document référent de psychiatrie et utilisé dans le monde entier, le DSM-IV-TR (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux). Toutefois, une des spécificités des troubles mentaux en général et de la dépression en particulier est qu’ils ne présentent pas, à la différence des maladies somatiques, de marqueurs physiopathologiques utilisables en pratique pour un diagnostic. Ce sont majoritairement des éléments cliniques reposant sur l’observation du patient et ses déclarations qui permettent de poser le diagnostic, même si des examens complémentaires peuvent exclure des diagnostics différentiels ou renforcer des hypothèses.

3 - Beck F., Guilbert P. et Gautier A., Baromètre santé 2005. Attitudes et compor tements de santé, INPES, 2005.

4 - Chan Chee C., Beck F., Sapinho D. et Guilbert P. (dir.), La dépression en France – Enquête Anadep 2005, INPES, 2009.

Chapitre 3

Tableau n° 1 : Définition des troubles dépressifs et de la détresse psychologique deux semaines (critère de durée) consécutives en ayant perdu intérêt pour la plupart des choses pratiquement toute la journée (critère d’intensité) et presque tous les jours (critère de fréquence).

Symptômes supplémentaires

Perte d’intérêt pour la plupart des choses comme les loisirs, le travail ou les activités qui donnent habituellement du plaisir (uniquement dans le cas d’une réponse positive au symptôme principal de tristesse) ; épuisement, manque d’énergie ; prise ou perte de 5 kg au perturbation des activités (d’intensité faible, modérée ou importante). Selon le nombre de symptômes et le niveau de perturbation des activités, il se répartit en épisodes dépressifs majeurs légers, moyens ou sévères.

États subsyndromiques

États caractérisés par des périodes de tristesse ou d’anhédonie qui ne présentent pas tous les symptômes de l’EDM ou qui présentent un nombre de symptômes suffisant par rapport aux critères de l’EDM mais pas de perturbation des activités.

Détresse psychologique

La détresse psychologique est généralement « mesurée » à l’aide de cinq questions issues de l’échelle de qualité de vie SF-36 : « Au cours des 4 dernières semaines, y a-t-il eu des moments où vous vous êtes senti(e) : 1/ très nerveux(se) ; 2/ si découragé(e) que rien ne pouvait vous remonter le moral ; 3/ calme et détendu(e) ; 4/ triste et abattu(e) ; 5/ heureux(se) ? ».

Les réponses se font sur une échelle de fréquence. Un score global de santé psychique est calculé en additionnant les valeurs des réponses de chaque question (score final variant de 0 à 100). Un score inférieur ou égal à 52 est indicatif. Il ne pose pas un diagnostic précis mais permet d’estimer la proportion de la population ayant des symptômes suffisamment nombreux ou intenses pour se classer dans un groupe probablement à risque de présenter une détresse psychologique. Celle-ci se caractérise par la présence de symptômes, le plus souvent dépressifs ou anxieux. Relativement communs, ces symptômes apparaissent généralement dans un contexte d’accidents de vie ou d’événements stressants et peuvent être transitoires.

Dans la majorité des cas, les personnes en détresse psychologique ne nécessitent pas de soins spécialisés. Toutefois, mal repérée ou mal accompagnée, la détresse psychologique peut faire basculer la personne dans une maladie ou multiplier les difficultés sociales.

Source : Briffault X., Morvan Y., Guilbert P. et Beck F., « Évaluation de la dépression dans une enquête en population générale », Bulletin épidémiologique hebdomadaire, n° 35-36, InVS, 23 septembre 2008

souffert de troubles dépressifs caractérisés ou d’épisodes dépressifs majeurs (EDM) dans l’année écoulée. Les chiffres du Baromètre santé 2005 révélaient ainsi que 7,8 % des personnes interrogées présentaient un EDM, soit 3 millions de Français : 4,2 % souffraient d’un EDM d’intensité moyenne et 3,2 % d’un EDM sévère.

La formulation d’une question en santé mentale, comme dimension de la question sociale, n’est pas indifférente à la part prise par la jeunesse et les personnes d’âge actif à ces phénomènes.

Graphique n° 2 : La prévalence des épisodes dépressifs caractérisés en fonction de l’âge

Source : Baromètre santé 2005

Toutes choses égales par ailleurs, c’est-à-dire une fois l’effet de l’âge cor-rigé des autres variables (pauvreté, chômage, etc.), les risques de dépres-sion augmentent bien avec l’âge. Cependant, les disparités sociales font qu’aujourd’hui les classes d’âge 56-65 ans et 66-75 ans présentent le moin-dre risque. La dépression est en effet modulée par des événements de vie qui sont, pour beaucoup d’entre eux, moins fréquents avec l’avance en âge (stress professionnel, mobilités, difficultés financières).

Si, par le passé, les personnes de plus de 60 ans étaient les plus vulnérables à la dépression, elles ont été depuis rattrapées et dépassées par d’autres groupes d’âge. La dépression touche manifestement un public plus jeune. C’est parmi les populations « nouvellement » vulnérables face aux risques sociaux que les risques de dépression ont augmenté en vingt ans. Les personnes âgées en France ont longtemps présenté une situation économique et sociale beaucoup plus défavorable que les autres classes d’âge. Avec la montée en charge des dispositifs de protection sociale et

Hommes

15-19 ans 20-25 ans 26-34 ans 35-44 ans 45-54 ans 55-64 ans 65-75 ans 10,2

Chapitre 3

le bénéfice tiré des Trente Glorieuses, une génération de baby-boomers a connu un destin plus favorable. Aujourd’hui, ce sont plutôt les populations

« jeunes » qui sont confrontées aux difficultés sociales et économiques et qui doutent de pouvoir connaître un destin aussi favorable que leurs aînés.

Ces évolutions se reflètent très directement dans les chiffres de prévalence de troubles dépressifs en fonction de l’âge. Enfin, les femmes sont presque deux fois plus touchées, les hommes semblant emprunter d’autres voies d’expression du mal-être, dont les comportements d’addiction.

Dans le document La santé mentale,l’affaire de tous (Page 60-63)