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La sanctification

1.6. Retrouver le don sacré de la vie

1.6.1. La sanctification

 

    En conclusion, il convient de dire avec force que, selon la tradition biblique, la vie est un don sacré conféré par le Dieu d’amour. Ce don, fondement de la dignité, est à accueillir avec joie et reconnaissance, et à accompagner avec douceur, écoute et charité, car la vocation humaine est de rester relié et de relier les autres à ce Dieu qui a créé les humains comme l’expression suprême de son amour et vers qui leur espérance est tournée après cette vie. « C’est cette vocation sublime qui confère à l’existence humaine son caractère sacré ou sa sainteté. C’est elle seule qui donne à la vie humaine sa valeur éternelle, de la conception, en passant par la mort physique, jusqu’à l’existence ressuscitée dans le Royaume de Dieu. »126 C’est par la sanctification que l’humain peut, par le don de la grâce qui offre à chacun une identité nouvelle d’enfant de Dieu, par ses actions et son témoignage de foi, se tourner vers Celui qui lui a donné la vie.

 

1.6.1. La sanctification  

  « Dieu ne nous a pas appelés pour que nous demeurions dans l’impureté, mais il nous a appelés à la sainteté. »127 Par le don de la vie biologique à chaque naissance et par le don de la vie spirituelle à chaque baptême, Dieu appelle chacune et chacun à la sanctification128, c’est-à-dire à la sainteté, à la vie avec Lui, par l’Esprit saint. En hébreu, le mot שׁוֹדָק signifie mis à part, différencié par Dieu pour pouvoir suivre son propre chemin, répondre à sa propre vocation. Concrètement, durant toute vie, Dieu achève en chaque créature ce qu’il a commencé en la créant. La grâce donnée soutient sa collaboration à Sa création. Cette collaboration s’exprime dans les actions ostensibles effectuées par et dans la foi. Elle est donc conséquence d’un choix personnel, le choix de dire « oui » à Dieu. S.

Augustin écrit à ce sujet : « Certes, alors, nous travaillons, mais nous coopérons avec Dieu qui travaille. En effet, sa miséricorde nous a devancés. Mais elle nous a devancés pour que nous soyons guéris, car elle nous suit pour qu’une fois guéris nous soyons revivifiés. Elle nous devance pour que nous soyons appelés ; elle nous suit pour que nous soyons glorifiés.

Elle nous devance pour que nous vivions pieusement ; elle nous suit pour que nous vivions toujours avec Dieu, parce que sans lui nous ne pouvons rien faire. »129

                                                                                                               

126 Jean Breck, Le don sacré de la vie. Les chrétiens orthodoxes et la bioéthique, p. 16.

127 1 Th 4, 7.

128 La sainteté ou la sanctification sont ici des traductions du mot grec ὁ ἁγιασµός.

129 S. Augustin, La nature et la grâce, XXXII, 36, dans Œuvres, III, Paris, Gallimard, Coll. La Pléiade, 2002, p. 757.

En menant sa vie dans l’Esprit, par ses activités professionnelles et bénévoles, sa vie familiale et amicale, ses loisirs et ses prières, tout croyant participe à la sanctification selon l’injonction que Dieu a demandé à Moïse et Aaron de transmettre au peuple d’Israël :

« c’est moi le Seigneur votre Dieu ; vous vous sanctifierez donc pour être saints, car je suis saint. »130 A l’origine du don de la vie se trouve, comme je l’ai déjà souligné, l’amour inconditionnel de Dieu. Il implique une complémentarité entre la qualité de la vie et l’aspiration à la sainteté. La vie étant sacrée, il lui confère une valeur éternelle, de la conception à la mort, dans l’espérance de la résurrection à la vie éternelle en Jésus Christ, dans une quête de sainteté dont la plénitude ne sera révélée qu’à la fin des temps.

Face à la banalisation de la vie et de la mort en Occident, à la perte des valeurs judéo-chrétiennes pourtant à la base de notre civilisation, parler de sanctification et du caractère « sacré » de la vie est très mal compris. La vie est sacrée parce que bibliquement, Dieu a « mis à part » sa créature. En nous reconnaissant comme personnes distinctes et uniques, nous pouvons nous unir les uns avec les autres dans un lien de communion avec Lui, parce que nous admettons avoir été créés et différenciés par Lui, chacune et chacun ayant été désiré pour soi-même, pour suivre son propre chemin, pour répondre à sa propre vocation tout en demeurant liés les uns aux autres. Au sein même de ces liens particuliers, nous incarnons et vivons de l’amour créateur de Dieu, et grandissons intérieurement pour tendre à cette sainteté voulue par Lui. « Le caractère sacré de la vie, autrement dit, est intrinsèque à notre propre nature, mais il est actualisé, rendu concret et effectif dans la vie quotidienne par nos efforts incessants pour affirmer et préserver une authentique sainteté de vie. L’acquisition de la sainteté requiert donc notre participation active, une synergie ou coopération avec la grâce divine qui nous invite à "rejeter le vieil Adam" et à "revêtir le nouvel Adam". »131

 

1.6.2. Le don de la vie humaine comme présupposé de l’accompagnement spirituel  

  Postuler que la vie est un don et qu’elle a un caractère sacré, c’est considérer qu’elle débute avec la conception même, avec ce moment mystérieux où deux gamètes s’unissent et partagent leur patrimoine génétique, c’est-à-dire dans les quelques heures suivant la fécondation. Pour l’accompagnement spirituel, ce présupposé est capital. Fondée sur l’exigence fondamentale de l’Evangile, sur l’amour du prochain, une attitude d’écoute et d’attention pourra alors refléter à la personne accompagnée le prix qu’elle a                                                                                                                

130 Lv 11, 44.

131 Jean Breck, Le don sacré de la vie. Les chrétiens orthodoxes et la bioéthique, p. 16-17.

premièrement aux yeux de Dieu. « Tu vaux cher à mes yeux, tu as du poids et moi je t’aime »132, dit le Seigneur. Cette « consécration » de la part de Dieu donne de la valeur à toute vie humaine et transcende les circonstances de sa conception. C’est pourquoi, que l’enfant soit le fruit d’un viol ou d’une FIV, qu’il soit en bonne santé ou malade, sa légitimité première est d’être aimé par Dieu, même si la manière dont il a été conçu relève d’un acte hors la loi ou éthiquement discutable, ou si l’anamnèse révèle un problème de santé plus ou moins grave.

Tout être demeure une personne, puisque créé à l’image de Dieu. De ce fait il porte témoignage à cette image par le simple fait d’exister. La question qu’on peut se poser est la suivante : Dieu peut-il vraiment aimer un être dont ses géniteurs ne voulaient pas, ou qu’ils n’attendaient pas tel qu’il s’est présenté (malade, handicapé…) ? Tous les gestes d’amour, toutes les douces paroles prononcées au creux de l’oreille de ces enfants par le corps médical133 et leurs parents sont des manières de nous montrer qu’il n’en va pas autrement avec Dieu. Et que c’est même Lui qui est à l’origine d’un tel accueil alors que tout semblait si mal parti pour la vie de ces tout petits.

Prendre en compte comme prérequis à tout accompagnement spirituel que toute vie humaine a été voulue, donnée et créée par Dieu, comme nous le lisons dans la Bible, éclaire la relation accompagnant-accompagné. Elle permet de tisser un lien de confiance, sans crainte pour l’accompagné d’être jugé, dans la perspective de pouvoir se concentrer sur l’échange, dans la compassion et le réconfort d’un souci pastoral sans cesse déposé dans la prière.

L’idée que Dieu soit à l’œuvre dans les plus petits recoins de chacune de nos vies, au plus intime de l’existence humaine, dès notre conception, est fondamentale dans la théologie chrétienne et dans tout accompagnement pastoral, particulièrement de couples rencontrant des difficultés dans leur cheminement parental, parfois avant la conception d’un enfant. Selon les histoires singulières qu’un pasteur, un prêtre, un aumônier ou tout autre accompagnant entend en entretien, les questions à ne jamais perdre de vue sont les suivantes : « Comment déterminons-nous quelles réalisations scientifiques sont potentiellement bonnes ? Et comment déterminons-nous leur usage, bon ou moralement approprié dans chaque cas ? (…) Cela nous ramène à notre préoccupation première : énoncer les critères qui nous aideront à donner une évaluation théologique et une approche                                                                                                                

132 Es 43, 4.

133 En cas d’enfant non désiré et abandonné, par exemple, ou lorsque la mère ne peut s’en occuper, pour une raison ou une autre.

pastorale de ces questions dans la mesure où elles affectent la vie de chacun de nous. »134 Un soin particulier est donc à apporter à la préparation de ces entretiens pastoraux parfois délicats et toujours empreints d’émotion.

Se souvenir pour commencer que dans chaque entretien individuel nous ne sommes pas deux mais trois (ou pas trois mais quatre si l’on est face à un couple), avec l’Esprit saint, place d’emblée l’accompagnement sous le regard du Créateur de toute vie. Cela permet ainsi de voir la personne accompagnée comme porteuse de l’image de Dieu et la raison de sa demande d’accompagnement comme une occasion de se rapprocher de ce Dieu qui l’aime de toute éternité en Jésus Christ, simplement pour ce qu’elle est. Il est établi par bon nombre d’accompagnants spirituels que beaucoup de chemins de vie tragiques se sont transformés en canaux de grâce. Chacun participe à la réalisation du plan de Dieu pour le monde et est responsable, pour lui-même, devant Dieu et avec Lui, de la création et des créatures qui lui ont été confiées.